Réciprocité des clauses pénales - Application du livre VI aux crédits réglementés

Une clause pénale conforme aux exigences de l’article VII.106 et VII.147/22 doit également respecter les articles VI.83,17° et VI.83,24° du CDE

L'article VI.83, 17° et les crédits réglementés

L’article VI.83, 17°, prohibe la clause qui a pour objet de « déterminer le montant de l'indemnité due par le consommateur qui n'exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge du vendeur qui n'exécute pas les siennes ».

L’application de cette disposition est souvent problématique compte tenu de ce que les obligations mises à charge du professionnel diffèrent généralement sensiblement de celles supportées par le consommateur. Concevoir des clauses pénales analogues dans le chef de l’un et l’autre peut donc susciter des difficultés. Le principe est néanmoins que les dispositions générales du livre VI (comme du code civil) s’appliquent en matière de crédit à la consommation pour autant qu’elles ne soient pas incompatibles avec les dispositions spécifiques du régime spécifique auxquels ces crédits sont soumis.

Ces difficultés ne sont toutefois pas nécessairement plus importantes dans le cadre d’un crédit réglementé que dans le cadre d’un autre contrat, tel qu'une vente mettant en présence un professionnel et un consommateur. La règle de la réciprocité n’est donc pas incompatible avec le régime des crédits des réglementés et doit être respectée en cette matière comme dans tout autre ( voy. par exemple J.P. Termonde, 2 février 2016, Ann. Jur. 2016, p.159; J.P. Wavre (2e cant.), 22 décembre 2015, J.J.P., 2016, p. 432-435; C. BIQUET-MATHIEU, « La loi du 12 juin 1991 et les clauses abusives en matière de crédit à la consommation », in La promotion des intérêts des consommateurs au sein d’une économie de marché, 1993, pp. 16-17 ; R. STEENOT, « Consumentenkredietovereenkomsten. Ontbinding ingevolge wanprestatie van de consument », NjW, 2006, p. 58 ; S. STIJNS, E. SWANEPOEL, « Onrechtmatige bedingen », in Handboek consumentenkrediet, ed. Terryn, Die Keure, 2007, p. 198). Ainsi, une clause pénale pourrait être prévue, dans un prêt à tempérament, pour sanctionner le prêteur en défaut ou en retard dans le versement du montant du crédit ou, dans une ouverture de crédit, en cas de refus ou de retard dans la mise à disposition du crédit conventionnellement promis, etc.

Jugé que la réciprocité des clauses pénales requise par l'article VI.83, 17° CDE, doit concerner les obligations caractéristiques du prêteur tout au long de l'exécution du contrat : devoir d'information, mise à disposition du montant du crédit, suivi en cas d'exercice du droit de rétractation ou du droit au remboursement anticipé, traitement des données personnelles... Il ne suffit pas au prêteur de prévoir une clause pénale pour le cas où le crédit serait résolu en raison d'une faute ou négligence du bailleur. Pour qu'il soit satisfait à l'exigence de réciprocité, il faut en outre que la clause pénale à charge du prêteur soit du même ordre que celle à charge du consommateur. Tel n'est pas le cas lorsque la clause pénale à charge du prêteur ne prévoit la débition que du seul intérêt débiteur contractuel alors que les clauses pénales à charge du consommateur prévoient un taux d'intérêt majoré et une majoration forfaitaire du solde dû (J.P. Wavre (2e cant.), 22 décembre 2015, J.J.P., 2016, p. 432-435).

Lorsqu'il constate qu'il n'y a pas de réciprocité, le juge en prononce la nullité et le juge doit soulever l'incident d'initiative conformément aux arrêts de la CJUE (J.P. Termonde, 2 février 2016, Ann. Jur. 2016, p.159).

Le juge peut-il substituer à la clause abusive écartée une disposition de droit supplétif ? Si l'on considère le but dissuasif que doit poursuivre la sanction des clauses abusives (comme le rappelle la jurisprudence de la CJUE), il paraît à présent clair que le juge national qui annule une clause abusive doit écarter purement et simplement le droit supplétif. Il peut toutefois être dérogé à cette règle lorsque l'inapplication du droit national supplétif aboutit à placer le consommateur dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle il se trouverait ensuite de l'annulation de la clause abusive (DELFORGE C. et BIQUET-MATHIEU C., «La théorie des clauses abusives», in «Clauses abusives et pratiques réglementées», Crédit aux consommateur et aux P.M.E., CUP, Larcier, 2016, vol.170, p. 292 qui citent PEERAER F., «Het volledig verbod op herziening van onrechtmatige bedingen : de botte bijl van het Hof van Justitie», R.G.D.C., 2014, pp. 328-329 ; GEIREGAT S., «Verfijning van transparantievereiste en duiding van de rol van aanvullend nationaal recht in het EU-recht inzake oneerlijk bedingen », R.G.D.C., 2015, p. 162).

L'article VI.83, 24° et les crédits réglementés

L’article VI.83, 24, prohibe la clause qui a pour objet de « fixer des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution des obligations de l'acheteur qui dépassent manifestement l'étendue du préjudice susceptible d'être subi par le vendeur ». Le caractère indemnitaire s'apprécie au moment de la conclusion du contrat. Les articles VII.106 et VII.147/22 dérogent à un double titre à cette règle : d'une part, ils déterminent les clauses pénales admises, ce qui de facto revient à leur reconnaître un caractère indemnitaire et d'autre part, les articles VII.199 et . VII.213, alinéa 2, permettent au juge d'atténuer les conséquences de l'inexécution pour le consommateur en ce compris les pénalités et indemnités contractuellement prévues et ce quand bien même, leur caractère indemnitaire au moment de la rédaction du contrat ne serait pas contestable mais leur application dans le cas d'espèce apparaîtrait excessive ou injustifiée.

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