VII.77, § 1 : Evaluation de la solvabilité
Commentaire
L'objectif poursuivi par le droit communautaire
Les objectifs selon le droit communautaire.
Ordre public
L'objectif macroéconomique recherché par le droit communautaire est de promouvoir les pratiques responsables des prêteurs pour lutter contre le surendettement des consommateurs et les crises du système financier. L'évaluation de la solvabilité est le cœur du dispositif mis en place dans les régimes réglementés de crédit aux consommateurs. Les principes d'évaluation fixés par les directives européennes et transposés dans le livre VII, CDE, relèvent des intérêts essentiels de l'Etat ou de la communauté et à ce titre de l'ordre public.
Qu'est-ce que "l'évaluation de la solvabilité" ?
L'analyse de la solvabilité du consommateur est différente de l'analyse de risque du prêteur
Il s'agit d'analyser la capacité et la propension du consommateur à rembourser le crédit. Il ne s'agit pas d'une analyse du risque de crédit (credit risk management)telle qu'envisagée par exemple dans la directive 2013/36/UE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. L'analyse du risque de crédit est, dans ce cas, une analyse centrée sur la protection des intérêts du prêteur comme garantie de la stabilité financière des établissements de crédit.
Dans le credit risk management, le risque est analysé sous l'angle du prêteur alors que dans l'évaluation de la solvabilité dans les crédits réglementés, le risque est envisagé sous l'angle du consommateur (même si cette évaluation a pour conséquence indirecte de protéger les intérêts du prêteur puisque le crédit doit être consenti à un consommateur capable de rembourser). Il s'agit de déterminer le patrimoine du consommateur et sa capacité de rembourser si le crédit devait être dénoncé.
L'analyse caractéristique de credit risk management, est celle que pratiquent les assureurs-crédit.
Alors que le crédit risk management, se focalise sur les conséquences pour le prêteur, l'évaluation de la solvabilité poursuit un objectif centré sur le consommateur: il s'agit de s'assurer de sa capacité à exécuter le contrat sans défaillance et précisément d'éviter la dénonciation du contrat. L'objectif de l'article VII.77 est double: protéger le consommateur contre une situation d’endettement qui le placerait dans une situation de vie contraire à la dignité humaine et éviter que le coût du crédit soit alourdi par des indemnités supplémentaires liées à l’inexécution. L'appréciation de la solvabilité est donc un test de la capacité du consommateur a exécuté le contrat sans défaillance.
Le prêteur qui se limite à la réalisation d’une évaluation du risque de crédit ne remplit pas ses obligations puisqu’il se contente d’estimer s’il sera remboursé sans privilégier l’exécution normale du contrat.
Le but: déterminer la capacité du consommateur à faire face aux obligations du contrat de crédit
Le crédit ne peut être consenti qu'à un consommateur qui peut rembourser toutes les sommes dues au titre du crédit tout en faisant face à l'ensemble des dépenses auxquelles il doit faire face en ce compris la marge raisonnable, après paiement de toutes ses dépenses en ce compris la mensualité du crédit envisagé. Dit autrement, le prêteur ne peut octroyer un crédit à un consommateur qui est en mesure de rembourser le montant du crédit mais pas de respecter les termes de paiement. Le crédit à la consommation doit être remboursé au moyen des revenus du consommateur et ne peut donc imposer la vente d'actif (sauf situation exceptionnelle et le prêteur doit pourvoir démontrer le bien-fondé d'un crédit en pareille hypothèse).
La capacité de remboursement doit s'apprécier en partant de l'hypothèse qu'une utilisation maximale du crédit pendant toute la durée de celui-ci ( De terugbetalingscapaciteit van de kredietnemer, dient te worden beoordeeld uitgaande van een maximale kredietopname en dit doorheen de volledige duurtijd van het krediet: J.P. Anvers (8ème cant.), 18 juin 2013, J.J.P. 2015, 423, note STEENNOT R.).
Pour réaliser cette évaluation, le prêteur doit mettre en regard les revenus et les charges du consommateur. Il n'est pas possible de déterminer un pourcentage des revenus qui serait, dans tous les cas, une limite à l'octroi de crédit: plus les revenus sont élevés, plus élevé est le pourcentage de ces revenus qui peut être consacré aux charges du crédit (STEENNOT R. et al., "Overzicht van rechtspraak consumenten bescherming (2005-2014)", T.P.R. 2015 - 3/4, n°422, p. 1745). Par ailleurs tout dépend des autres charges et de la situation particulière de chaque consommateur. Il reste néanmoins que certaines décisions relèvent des cas où le rapport entre le niveau de revenu et la charge qui découle des crédits démontre par lui-même la mauvaise évaluation de la solvabilité (J.P. Neufchâteau, 4 novembre 2008, Ann. Jur. 2008, 55: 97 % des revenus ou 63% des revenus avec allocations familiales).
En plus des charges identifiées dans le questionnaire dont question à l'article VII.69, § 2, le prêteur devra évaluer les sommes nécessaires au consommateur et aux personnes qui sont à sa charge pour faire face aux dépenses indispensables pour maintenir une existence conforme à la dignité humaine, autres que des engagements financiers: habillement, alimentation, frais de santé, hygiène, entretien de l’habitation, loisirs, vie sociale et transport. Dès lors, un consommateur solvable est un consommateur qui peut rembourser toutes les sommes dues au titre du crédit tout en faisant face aux dépenses listées ci-avant. Le prêteur veille à ce que le consommateur dispose d’une marge après le paiement de ces dépenses en ce compris la mensualité du crédit envisagé.
Dans le cas d’un prêt à tempérament, d’une vente à tempérament ou d’un crédit-bail, le consommateur doit être en mesure de payer chaque montant de terme à l’échéance. Dans le cas d’un crédit «ballon» ou à terme fixe, il doit également, sur la base des données connues au moment de la demande de crédit, être en mesure de payer le dernier terme, plus important. Dès lors que le consommateur s’acquitte de chacun des termes, il remboursera le montant du crédit. Dans le cas d’une ouverture de crédit, l’évaluation de la solvabilité ne peut se limiter à déterminer si le consommateur sera en mesure de s’acquitter des montants de terme dans le cas où le contrat le prévoit. Dès lors que le consommateur peut à tout moment prélever le montant disponible du crédit, le paiement régulier des montants de terme pourra s’avérer insuffisant pour solder le crédit dans le délai de zérotage. Le prêteur doit raisonnablement supposer que le consommateur sera en mesure de respecter ses obligations découlant du zérotage.
Dans le cas d’un prêt, d’une vente à tempérament ou d’un crédit-bail, le consommateur doit être en mesure de payer chaque mensualité à l’échéance. Dans le cas d’un crédit «ballon» ou à terme fixe, il doit également être en mesure de payer la mensualité finale, plus importante. Dans le cas d’une ouverture de crédit, l’évaluation de la solvabilité ne peut se limiter à déterminer si le consommateur sera en mesure de s’acquitter des montants de terme dans le cas où le contrat le prévoit. Dès lors que le consommateur peut à tout moment prélever le montant disponible du crédit, le paiement régulier des montants de terme pourra s’avérer insuffisant pour solder le crédit dans le délai zérotage (Guidelines) (en ce sens, J.P. Grâce Hollogne, 5 juin 2007, J.J.P. 2008, note BIQUET-MATHIEU C.). Le prêteur doit donc s’assurer que le consommateur sera en mesure de solder le crédit.
Le simple fait que le remboursement anticipé peut intervenir sans frais pour les ouvertures de crédit, ne justifie pas l'octroi du crédit lorsque les consommateurs n'ont pas exprimé l'intention de rembourser anticipativement lors de la conclusion du contrat de crédit (Bruxelles, 26 mars 2012, RAGB 2012,1152, note BONNARENS F.).
L'évaluation de la solvabilité: consommateur, caution, co-emprunteur
L’évaluation ne porte que sur la capacité du consommateur-emprunteur. Le prêteur ne peut prendre en considération la capacité de remboursement des cautions ou d’autres tiers qui ne contractent pas le crédit (par exemple: le conjoint du consommateur). De même si une mère emprunte pour confier l'argent à son fils qui n'a plus accès au crédit en raison d'une faillite, la capacité de remboursement doit s'apprécier dans le chef de la mère et non dans le chef du fils, bénéficiaire final du crédit.
Pour apprécier l'opportunité d'un crédit à deux consommateurs cohabitants qui s'engagent solidairement et qui en sont les bénéficiaires économiques, le prêteur peut légitimement prendre en considération les revenus des deux parties. Le fait qu'elles mettent fin à leur cohabitation quelques mois plus tard, ne prive donc pas le prêteur du droit de réclamer la totalité de la dette à chacun d'entre eux (Cass., 7 janvier 2008, C.06.0637.F, www. juridat.be; J.J.P. 2009, 281, note BIQUET MATHIEU C.;JT 2008, 91; DCCR 2009 (83), note BLOMMAERT D. et PLETINCKX Z.; Ann. Jur. 2008, 42). La décision de la Cour de cassation est fondée sur la considération que les deux co-emprunteurs constituent un ménage. Le fait que deux emprunteurs ne constituent pas un ménage n'interdit pas que le prêteur puisse considérer la capacité de remboursement en cumulant les revenus de ces deux personnes par exemple s'il s'agit d'un investissement décidé en commun par ces deux personnes (BIQUET MATHIEU C., "Les revenus des codébiteurs solidaires peuvent-ils être cumulés pour apprécier la viabilité du crédit au sens de l'article 15 de la loi sur le crédit à la consommation?", (note sub Cass.7 janvier 2008), J.J.P. 2009, 284). Pour apprécier les revenus à prendre en considération, le prêteur doit donc interroger les consommateurs pour déterminer dans quelle mesure l'investissement est bien commun et obtenir confirmation qu'ils entendent le rembourser conjointement.
Les sûretés n'entrent pas en compte pour l'évaluation de la solvabilité du consommateur-emprunteur (doctrine). Depuis de nombreuses années, il est admis en droit commun que les garanties ne peuvent jouer qu'un rôle accessoire dans la décision d'octroi du crédit; L’existence de sûretés personnelles ou réelles ne peut intervenir comme un facteur d’appréciation de l’opportunité du crédit sous peine d’engager la responsabilité du prêteur notamment vis-à-vis de la caution qui a été amenée à garantir le crédit consenti à un consommateur dont le prêteur savait ou devait savoir qu'il ne pourrait pas faire face aux obligations découlant du contrat de crédit (doctrine et jurisprudence).
Lorsque plusieurs consommateurs s’engagent dans un contrat de crédit à la consommation, le prêteur doit donc veiller à identifier correctement dans le contrat, la qualité de chaque personne qui s’engage: emprunteurs, co-emprunteurs, ou cautions.
Dans l'évaluation de la solvabilité, le prêteur ne peut pas prendre en compte les revenus du codébiteur solidaire dont la signature est demandée uniquement à titre de sûreté (mécanisme de la solidarité-sûreté) et qui ne bénéficie pas du crédit (Civ. Liège, 21 octobre 2011, J.L.M.B. 2014, 224.) (doctrine). Ceci présuppose que le prêteur soit en mesure de démontrer qu'il a correctement exécuté son devoir de conseil (notamment quant au choix du crédit) à l'égard de ce consommateur qui apparaît comme emprunteur alors qu'il ne bénéficie pas du crédit. Le tribunal de première instance de Liège a ainsi jugé que le prêteur ne pouvait pas prendre en considération les revenus d'une jeune femme qui ne vivait pas en couple avec le co-emprunteur qui était le bénéficiaire exclusif du véhicule que le crédit servait à financer (Civ. Liège, 21 octobre 2011, J.L.M.B. 2014, 224).
Le prêteur ne pourrait pas davantage – sauf circonstances particulières – accorder un crédit qui ne pourrait être remboursé que par la réalisation d’actifs du consommateur (A fortiori si c’est la vente du logement familial: J.P. Courtrai (2ème Cant.), 17 novembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 168). Le juge de paix d’Eeklo a considéré que commet un manquement au devoir de conseil, le prêteur qui consent un crédit à trois codébiteurs dont seuls les deux premiers sont les bénéficiaires réels alors qu’ils sont par ailleurs déjà très endettés (J.P. Eeklo, 12 novembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p.119). La violation du devoir de conseil a été retenue à l’égard du troisième codébiteur dont l’engagement était déterminant pour l’octroi du crédit et qui servait principalement à rembourser les crédits antérieurs des deux autres codébiteurs. A contrario, le fait d’avoir exigé une sûreté ne démontre pas en soi que le crédit ne pouvait pas être accordé sauf à démontrer que cette exigence procédait de la connaissance qu’avait la banque du caractère irrémédiable de la situation du crédité.
En crédit hypothécaire, l'article 18.3 de la directive 2014/17 énonce que L'évaluation de la solvabilité ne s'appuie pas essentiellement sur le fait que la valeur du bien immobilier à usage résidentiel est supérieure au montant du crédit ou sur l'hypothèse que le bien immobilier à usage résidentiel verra sa valeur augmenter.
L'appréciation de la solvabilité de la sûreté personnelle
L'examen de solvabilité de la personne qui constitue la sûreté personnelle a pour but de déterminer si cette personne sera en mesure de faire face à son engagement lorsqu'il sera fait appel à sa garantie. Pour apprécier cette solvabilité, le prêteur ne peut considérer que les revenus de la personne qui constitue la sûreté. Il ne pourrait les cumuler avec ceux de l'emprunteur, dans la mesure où c'est précisément en raison du défaut de paiement de l'emprunteur que la sûreté est appelée à intervenir (BIQUET MATHIEU C., "Les revenus des codébiteurs solidaires peuvent-ils être cumulés pour apprécier la viabilité du crédit au sens de l'article 15 de la loi sur le crédit à la consommation?", (note sub Cass.7 janvier 2008), J.J.P. 2009, 284).
Même si le texte ne le précise pas, il va de soi que cette obligation d'évaluation emporte interdiction pour le prêteur de demander un engagement qui soit disproportionné au regard de son patrimoine et de ses ressources. Cet examen s'apprécie au moment de la conclusion du contrat et il ne peut être fait grief au prêteur de faits survenant postérieurement et qui modifieraient la situation patrimoniale de la caution. Une erreur d'appréciation engage la responsabilité du prêteur. La question est de savoir si le juge peut réduire l'engagement à ce qu'il aurait été raisonnable d'exiger de la caution au moment de l'évaluation ou si, au contraire, il faut considérer qu'à défaut d'obtenir la caution telle qu'elle a été constituée, le crédit n'aurait pas été consenti (et dans ce cas, la réparation du dommage pourrait justifier la déchéance de tout recours contre la caution).
Nature de l'obligation
L'obligation d'examiner la situation du débiteur et de refuser le cas échéant le crédit est une obligation de moyen. Par contre, pour mettre en œuvre cette évaluation, le prêteur est tenu de certaines obligations de résultat (consulter la Centrale des Crédits aux Particuliers, recueillir des informations suffisantes).
Une évaluation au cas par cas
Comme le souligne les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE (considérant 55), il s'agit pour le prêteur de vérifier la solvabilité de chaque consommateur individuellement, au cas par cas. Les régimes réglementés imposent donc une analyse individuelle qui ne peut se fonder un examen exclusivement statistique (credit scoring) même si cet outil peut s'avérer une première approche utile. Le credit scoring repose sur l'analyse d'une base de données de contrats de crédits dont l'étude statistique permet de définir des scores planchers pour l'accès au crédit. Ces scores définissent en fait le seuil de risque accepté par le prêteur. En travaillant sur la seule base du credit scoring, le prêteur admet par avance qu'un certain pourcentage de contrats de crédit seront défaillants. En utilisant le paramètre des scores plancher, il peut augmenter ou diminuer la part de risque qu'il accepte. Les régimes réglementés n’autorisent pas cette seule approche. Un contact personnel avec le consommateur et une intervention humaine dans l'analyse du dossier sont toujours requis. Le crédit doit être refusé, même si le score obtenu est suffisant, si ce contact direct ou cette analyse individuelle devait révéler des craintes sérieuses d'inexécution par le consommateur.
L’examen de la solvabilité est un préalable obligatoire avant toute remise d’un contrat de crédit au consommateur
Les Guidelines de l’administration précisent: Le prêteur ne peut soumettre une proposition de contrat de crédit au consommateur avant d’avoir réalisé l’évaluation de la solvabilité. Le prêteur peut insérer des clauses supensives de la mise à disposition du crédit mais en aucun cas ces conditions ne peuvent porter sur l’appréciation de la solvabilité du consommateur. Ces conditions peuvent par exemple porter sur la fourniture de justificatifs ou la constitution de sûretés (Guidelines, page 6).
L’examen de la solvabilité est donc un préalable obligatoire avant tout envoi d’un contrat de crédit ou d’un projet ou d’une proposition de contrat. C’est la conséquence nécessaire des obligations du prêteur:
- de s’informer préalablement (VII.69, §1 (CC) et VII.126, §1 (CH)),
- de son obligation d’avertir le consommateur qu’il devra refuser le crédit à défaut de pouvoir vérifier la solvabilité (VII.126, §1, 3ème alinéa (CH) ),
- de son devoir de fournir une information personnalisée sur base des informations obtenues du consommateur et selon le formulaire standardisé, en temps utile avant que le consommateur ne soit lié par le contrat (SECCI: VII.70 - VII.71 (CC) et ESIS: VII.127 (CH)),
- de son devoir de conseil (proposer au consommateur le type de contrat et le montant du crédit le plus adapté compte tenu de sa situation financière et du but du crédit - VII.75, §1(CC) et VII.131 (CH)),
- de son devoir de refuser le crédit si le prêteur sait ou doit savoir que le consommateur ne pourra pas respecter les obligations découlant du contrat (VII.77, §2 (CC) et VII.133, §2 (CH)).
Les facteurs nécessaires et pertinents susceptibles d’influer sur la capacité de remboursement du consommateur
L'évaluation de la solvabilité impose de prendre compte tous les facteurs nécessaires et pertinents susceptibles d’influer sur la capacité de remboursement du consommateur sur toute la durée du crédit. Le prêteur devra donc considérer les revenus et les charges au jour de la demande de crédit. Il doit examiner les déclarations du consommateur et évaluer les sommes nécessaires au consommateur pour faire face aux dépenses indispensables pour maintenir une existence conforme à la dignité humaine (autres que des engagements financiers) comme par exemple des frais d'habillement, d'alimentation, des frais d'hygiène, l'entretien de l’habitation, les loisirs, la vie sociale et le transport. Lors de l'évaluation de la solvabilité, si le consommateur perçoit des revenus ou des allocations de remplacement, le prêteur devra, également, indiquer clairement s’il a fondé son évaluation sur les revenus ou sur les allocations de remplacement au moment de la demande de crédit (J.P. Heist-op-den-Berg, 4 novembre 2021).
Le prêteur devra également examiner leur évolution future. Ainsi et par exemple, les revenus professionnels d'un consommateur proche de la retraite devront être appréciés en tenant compte de l'incidence du départ à la pension. Il conviendra également d'apprécier l'incidence des particularités du contrat comme l'incidence d'un taux d'intérêt variable ou d'un remboursement différé du principal.
Le prêteur doit évidemment tenir compte des faits prévisibles au moment de l'évaluation de la solvabilité. Cela n'implique pas qu'il envisage des hypothèses incertaines (STEENNOT R. et al., "Overzicht van rechtspraak consumenten bescherming (2005-2014)", T.P.R. 2015 - 3/4, n°422, p. 1745) comme une perte d'emploi inattendue, un accident entraînant une invalidité, la séparation du couple des emprunteurs etc. Prétendre le contraire reviendrait à rendre l'accès au crédit impossible pour une majorité de consommateurs.
Le fait que l'emprunteur doit ou non propriétaire de son logement est également un facteur d'appréciation important. S'il est locataire, le prêteur devra connaître le montant du loyer pour déterminer le montant de ses charges. S'il est propriétaire, le prêteur s'inquiétera de savoir s'il est engagé dans un crédit hypothécaire et quelles sont les charges afférentes à l'immeuble (assurance, précompte immobilier... (J.P. Arendonk, 15 juin 2010, JJP 2013, 637, note STEENNOT R.).
Les allocations familiales, un revenu ?
Les allocations familiales sont fréquemment ajoutées aux revenus de l'emprunteur pour l'évaluation de la solvabilité. Dans la jurisprudence, il est rappelé, de manière répétitive, qu'au regard des allocations, il y a un coût d'entretien des enfants (STEENNOT R. et al., "Overzicht van rechtspraak consumenten bescherming (2005-2014)", T.P.R. 2015 - 3/4, n°420, p. 1744). Dans l'évaluation de la solvabilité il faut donc considérer que les revenus que constituent les allocations familiales ou les contributions alimentaires pour les enfants doivent être compensés par la charge des coûts d'entretien et d'éducation laquelle est supérieure aux allocations perçues (voy. R. STEENNOT, "De beordeling van de terugbetalingsmogelijkheden van de consument: wat kost een kind ?", note sub J.P. Arendonk, 15 juin 2010,J.J.P. 2013, 639, citant une étude du Gezinsbond; J.P. Heist-op-den-Berg, 4 novembre 2021). Il ne suffirait donc pas de neutraliser les frais d'éducation et d'entretien des enfants en n'ajoutant pas les allocations ou contributions alimentaires au revenus (Voy. R. STEENNOT, "De beoordeling van de terugbetalingsmogelijkheden van de consument, wat kost een kind ?", note sub. J.P. Arendonk, 15 juin 2010, JJP 2013, 639 et svts). Ici également une analyse au cas par cas s'impose.
Il n'y a donc pas une règle qui interdirait de prendre les allocations familiales ou les contributions alimentaires en considération (voy. toutefois J.P. Neufchâteau, 4 novembre 2008, JJP 2010, 450, note de PATOUL F.). Certaines décisions estiment cependant que ces postes ne peuvent être considérés comme un revenu (pour des exemples récents, voy. J.P. Ostende (1er cant.), 7 juillet 2015, Ann.Jur. 2015, 23 (sommaire); J.P. Anvers (11ème cant.), 8 décembre 2015, Ann.Jur. 2015, 25). Par contre, si les allocations sont prises en considération il faut également prendre en compte les frais liés aux enfants. La dette que constitue la contribution alimentaire est, par contre, une charge qui doit toujours être prise en compte pour l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur. C'est donc une question qui doit figurer dans le questionnaire à remplir par le consommateur conformément à l'article VII.66.
Le prêteur doit évidemment anticiper la disparation du revenu que constituent les allocations familiales si les enfants sont proches de l'âge où ils ne pourront plus en bénéficier (J.P. Liège (3ème cant.), 25 juillet 2007, Ann. Jur. 2007, 53, note de PATOUL F.).
Evaluation de la solvabilité et discrimination
L'analyse doit être rigoureuseet obéir aux règles et procédures que le prêteur est tenu de déterminer pour son activité
A l'occasion de la transposition de la directive 2014/17/UE relative au crédit hypothécaire, le législateur belge a adapté le texte de l'article VII.77 pour le rapprocher de l'article VII.133. L'évaluation de la solvabilité doit être rigoureuse. Ainsi, le prêteur doit veiller à établir des procédures adéquates et préciser les règles relatives aux informations sur lesquelles doit reposer l'évaluation de la solvabilité. Ces règles doivent être documentées et conservées. Il doit constituer pour chaque consommateur et pour toute personne qui constitue une sûreté personnelle, un dossier dans lequel sont conservées les informations sur base desquelles repose l'évaluation de la solvabilité.
L'ensemble de ces règles précise les exigences du prêteur notamment sur les points suivants:
- les informations dont le prêteur estime devoir disposer au minimum pour prendre sa décision ;
- les documents et pièces justificatives qui doivent être communiqués par le consommateur, les modalités de communication et les délais de validité ;
- Le processus d'analyse et les contrôles qui doivent être effectués par les préposés du prêteur pour vérifier les informations, éventuellement, avec l'accord du consommateur, auprès de tiers ;
- Les principes d'analyse et notamment les montants qu'il convient d'ajouter aux charges du consommateur pour couvrir les dépenses courantes et prévoir une marge raisonnable.
Le prêteur doit disposer d'une organisation permettant une évaluation rigoureuse de la solvabilité
La procédure d'évaluation doit obéir à des règles objectives et éviter que l'analyse ne soit influencée par des incitants financiers ou d'autres conflits d'intérêts (VII.77, § 1, al.4). En conséquence, dans le cadre de l'élaboration et de l'application de leur politique de rémunération du personnel responsable de l'évaluation de la solvabilité, les prêteurs doivent se conformer aux principes suivants (VII.114, § 5):
1° la politique de rémunération permet et promeut une gestion du risque saine et effective et n'encourage pas une prise de risque excédant le niveau de risque toléré du prêteur;
2° la politique de rémunération est conforme à la stratégie commerciale, aux objectifs, aux valeurs et aux intérêts à long terme du prêteur et comporte des mesures visant à éviter les conflits d'intérêts, en faisant notamment en sorte que la rémunération ne dépende pas du nombre ou de la proportion des demandes acceptées.
Charge de la preuve et conservation du dossier d'évaluation de la solvabilité.
Il incombe au prêteur d'apporter la preuve qu'il a accompli correctement son obligation d'évaluer la solvabilité (voir le commentaire sur la charge de la preuve). Lorsqu'il n'est pas en mesure de produire les résultats des investigations qu'il doit mener, le juge peut réduire les obligations du consommateur au capital emprunté (article VII.201) (majoré des intérêts judiciaires au taux légal: J.P. Genk, 22 février 2011, Ann. Jur. 2011, p. 32; J.P. Courtrai (1er Cant.), 10 décembre 2014, Ann. Jur., 2014, p. 83 (statuant par défaut).
Il est essentiel que le prêteur conserve la preuve de l'examen de solvabilité auquel il a procédé comme l'exige l'article VII.77, § 1, al. 4: Il constitue à cet effet dans le chef de chaque consommateur et, le cas échéant dans le chef de la personne qui constitue une sûreté personnelle, un dossier de crédit dans lequel les informations sur base desquelles repose l'évaluation de la solvabilité sont établies, documentées et conservées.
La consultation de la Centrale des crédits aux particuliers
L'article VII.77, § 1er, alinéa 2, impose aux prêteurs de consulter la Centrale des crédits aux Particuliers (CCP) préalablement à tout octroi de crédit. Cette consultation est nécessaire pour le consommateur, comme pour la caution. La disposition laisse au Roi le pouvoir de déterminer comment le prêteur peut prouver qu'il a accompli son obligation de consultation. Cette preuve est essentielle puisque l'obligation du prêteur est une obligation de résultat.
La jurisprudence rendue avant l'adoption de ce texte se montrait partagée sur la force probante des indications reçues par le prêteur lors de la consultation. La date de consultation devait être mentionnée dans le contrat selon l'article 14, § 2, 10°, de la LCC. La transposition de la directive 2008/48/CE a eu pour conséquence de faire disparaître cette mention obligatoire. L'exposé des motifs (Doc. Parl., Chambre, Sess. 52, 2468/001, p. 37, précise donc que Le deuxième alinéa remplace, en réalité, l’article 14, § 2, 10° LCC et permet aux tribunaux compétents ainsi qu’aux fonctionnaires compétents de vérifier si le prêteur a effectivement consulté la Centrale des crédits aux particuliers et, si oui, quand et pour quelles personnes.
L'arrêté royal du 21 juin 2011 précise en son article 15: Le prêteur conserve, pendant la durée du contrat de crédit, et au moins pendant trois ans, sur papier ou sur un autre support durable, l'avis de consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers en indiquant, au minimum, le code d'identification unique, le moment de la consultation et l'identité de la personne pour laquelle elle a été consultée. Les controverses sur la recevabilité comme mode de preuve du code d'identification unique dont ainsi pris fin.
Le prêteur conserve non-seulement le Request ID de la consultation mais également toutes les informations communiquées par la Centrale. Il les consigne dans le dossier de crédit.
Le prêteur consulte la Centrale en temps utile, avant de proposer un contrat au consommateur afin, le cas échéant, d’entretenir le consommateur du résultat de la consultation.
Le prêteur n’est pas tenu de disposer d’une demande de crédit au sens de l’article VII.69,§2 pour réaliser une consultation de la Centrale en vue de l’octroi d’un crédit. Il doit cependant pouvoir démontrer qu’un crédit a été effectivement sollicité par le consommateur à défaut de quoi la consultation pourrait être qualifiée de prospection commerciale au sens de l’article VII.153, §2 CDE.
Lorsque le prêteur réalise la consultation après avoir reçu une demande de crédit au sens de l’article VII.69, §2 CDE et qu’il constate une divergence entre la réponse de la Centrale et les informations communiquées par le consommateur, il interroge le consommateur sur ces divergences..
Dans tous les cas, la consultation doit avoir lieu avant qu’un contrat soit soumis à la signature du consommateur et dans les 20 jours qui précèdent la conclusion du crédit.
Le juge de paix de Tournai a condamné un prêteur à mettre le montant du crédit à disposition du consommateur alors que le prêteur avait constaté après la signature du contrat de crédit qu'il avait commis une erreur dans la consultation de la Centrale (J.P. Tournai, 8 octobre 2008, Ann. Jur. 2008, 48°. A cette occasion, le juge rappelle que la consultation de la Centrale ne peut intervenir qu'après vérification de l'identité du consommateur. Cette affirmation doit être nuancée. L'administration admet que la consultation puisse intervenir sur base des déclarations du consommateur (avant la vérification de l'identité) mais l'évaluation de la solvabilité doit, suppose dans tous les cas, la consultation de la Centrale sur base de numéro du registre central vérifié au moyen de la carte d'identité.
Evaluation par l'intermédiaire de crédit
Les intermédiaires de crédit sont également tenus d’évaluer la solvabilité du consommateur (Cfr notamment Articles VII.69 et VII.113, §1er CDE). Cette évaluation doit intervenir avant que l’intermédiaire transmette une demande de crédit à un prêteur. L’intermédiaire ne peut transmettre une demande de crédit au prêteur lorsque, sur base des éléments qu’il a collectés au cours de l’examen de la situation financière du consommateur, il doit estimer que le consommateur ne sera manifestement pas à même de respecter les obligations découlant du contrat de crédit. Un intermédiaire ne peut transmettre systématiquement au prêteur toutes les demandes de crédit qu’il reçoit. Il doit effectuer une première évaluation.
Lorsque le prêteur délègue à l’intermédiaire une partie de l’analyse, comme par exemple l’examen de la situation financière, il reste intégralement responsable de la bonne exécution de l’ensemble de l’analyse. Lorsqu’il a recouru à un intermédiaire, le prêteur veille à s’assurer de la qualité du travail fourni par celui-ci: il met en place des procédures destinées à s’assurer que ses intermédiaires exécutent rigoureusement les tâches qui lui sont confiées par le prêteur. L’intermédiaire de crédit est, au même titre que le prêteur, responsable des actes qu’il pose durant l’intermédiation.
A quel moment faut-il se placer pour apprécier l'exécution du devoir d'analyse du prêteur ?
Au moment de l'octroi du crédit
L'évaluation de la solvabilité doit être faite au moment de la conclusion du contrat (J.P. Arendonk, 21 avril 2008, Ann. Jur. 2008, 63; J.P. Audenarde - Kruishoutem, 11 juillet 2016, J.J.P. 2016, 569, note STEENNOT R.): la dégradation ultérieure de la situation du consommateur est donc sans incidence sur l’appréciation de la responsabilité du prêteur (J.P. Zomergem, 14 juillet 2009, JJP, 2012, 276; RW2010-2011, 122). Le fait que le consommateur n’ait pas pu rembourser le crédit ne constitue pas une preuve d’un manquement au devoir de conseil (J.P. Mons, 7 janvier 2014, Ius et Actores 2014, 139)… pas plus que le fait que le contrat ait été remboursé pendant une longue période ne démontre la bonne exécution du devoir de conseil (J.P. Arendonk, 21 avril 2008, Ann. Jur. 2008, 63).
Cela ne signifie pas pour autant que le prêteur ne soit pas tenu dans sa décision de tenir compte du futur. Il doit au contraire faire une projection sur le futur des revenus et charges et en apprécier l'évolution probable. Si la société de crédit constate (ou ne peut ignorer) au moment des négociations précontractuelles que la situation financière de l'emprunteur va certainement ou très probablement se dégrader pendant l'exécution du contrat, elle doit évidemment en tenir compte dans son appréciation d'opportunité et son devoir de conseil (J.P. Liège (3ème cant.), 25 juillet 2007, Ann. Jur. 2007, 53, note de PATOUL F.) Il tiendra donc compte de l'arrivée de l'âge de la pension, de la disparition des allocations familiales en raison de l'âge des enfants, de la disparition d'une pension alimentaire si elle est affectée d'un terme, de circonstances extérieures connues au moment de la décision (p.ex., fermeture annoncée de l'entreprise où le consommateur travaille), etc. Le fait que le remboursement du crédit se soit déroulé normalement jusqu'à la séparation du couple des emprunteurs - circonstance que le prêteur ne pouvait pas anticiper et qu'il n'a pas à prendre en considération pour l'octroi du crédit,- montre, selon le juge de paix de Mons, que l'évaluation de la solvabilité a été faite correctement (J.P. Mons, 7 janvier 2014, Ius et Actores 2014, 139).
En cas de modification du montant du crédit
Pour autant que de besoin, l'article VII.77, §1er, 5ème alinéa, précise que toute modification du contrat de crédit doit être considérée comme un nouveau contrat de crédit du point de vue de l'analyse de la solvabilité. Cette disposition s'applique évidemment en cas d'augmentation du montant du crédit qui, vu le formalisme de la loi, est un nouveau contrat de crédit soumis à toutes les règles applicables à la conclusion du contrat de crédit. Cette disposition s'applique également dans l'hypothèse où les parties conviennent d'une réduction du montant d'un contrat de crédit par exemple d'une ouverture de crédit. Elle ne s'applique pas en cas de réduction partielle du montant du crédit par décision unilatérale du consommateur (remboursement anticipé partiel).
Le SPF Economie a considéré comme irrégulière, la clause qui précise «le présent contrat annule et remplace le précédent contrat d’ouverture de crédit existant entre les parties. Le nouveau taux débiteur est applicable à partir du jour qui suit le prochain extrait de compte». Cette clause implique la novation d’un contrat d’ouverture de crédit avec reprise d’encours. Or, une nouvelle offre ou un nouveau contrat doit être précédé d’une demande expresse et préalable du consommateur et doit être établie conformément à la loi (notamment devoir d’information et de conseil).
Examen de la solvabilité en cours d'exécution du contrat
L’article VII.77, §1er, alinéa 6 CDE impose aux prêteurs de réexaminer chaque année la solvabilité du consommateur, au plus tard le premier jour de travail qui suit la date anniversaire de la conclusion du contrat de crédit, sur base d'une nouvelle consultation de la Centrale. C'est un contrôle relativement sommaire puisqu'il se limite à interroger la Centrale. Cette consultation doit cependant être analysée avec la même rigueur que la décision initiale. Ainsi l'apparition de nouveaux crédits et en particulier d'ouvertures de crédit, est un signal qui peut indiquer une progression préoccupante de l'endettement du consommateur. Le résultat de la consultation doit donc être analysé dans la ligne des règles et procédures arrêtées par le prêteur et confrontée avec la motivation de la décision initiale. Si cette nouvelle évaluation conduit à considérer que la solvabilité du consommateur a évolué négativement et se trouve ébranlée du fait des nouveaux crédit,la diligence professionnelle, au sens de l’article VI.93 CDE, impose au prêteur d'envisager les mesures utiles pour amener le consommateur à réduire son niveau d'endettement par exemple sur base de l'article VII.98, § 2, qui autorise le prêteur à suspendre le droit de prélèvement du consommateur pour des raisons objectivement justifiées, notamment s’il dispose de renseignements lui permettant de considérer que le consommateur ne sera plus à même de respecter ses obligations et pour autant que le contrat de crédit prévoie cette faculté.
Le SPF Economie invite les prêteurs à accorder une attention régulière aux ouvertures de crédit à durée indéterminée, cause principale de surendettement selon les chiffres de la Centrale. Au cours de son évaluation annuelle, le prêteur normalement prudent et diligent a son attention attirée lorsqu’il constate qu’un nouveau crédit a été contracté par le consommateur et que, concomitamment, un versement de nature à zéroter l’ouverture a été réalisé.
Le SPF Economie a constaté à de nombreuses reprises que dans le cas de refinancements de crédits, les ouvertures de crédit refinancées n’étaient pas clôturées, en raison d’erreurs administratives dans la transmission et le traitement de la demande de clôture, alors que le prêteur refinançant avait estimé cela nécessaire dans son analyse de solvabilité. Lorsque le prêteur qui refinance estime qu’un crédit doit être clôturé pour octroyer le nouveau crédit envisagé, il s’assure que ces démarches sont effectivement réalisées et conserve la preuve de ces démarches.
Le prêteur refinancé s’abstient d’interroger le consommateur sur sa volonté réelle de clôturer une ouverture de crédit lorsqu’il reçoit un courrier qui demande explicitement la clôture du crédit.
Evaluation de la solvabilité et indicateurs négatifs
Un indicateur négatif prévu par le Code: l'enregistrement d'un défaut de paiement à la CCP
L'enregistrement d'un défaut de paiement dans la CCP est toujours l'indication que le consommateur est confronté à des difficultés de paiement. Si le défaut de paiement enregistré est supérieur à 1.000 €, le Code (VII.77, § 2) fait interdiction au prêteur de consentir un nouveau contrat de crédit. En pratique, il peut se produire un délai de plusieurs jours entre la consultation de la Centrale et la conclusion du crédit, particulièrement dans le cas de conclusion de contrats à distance. Le SPF Economie évalue le respect de l’article VII.77, §2, alinéa 2, au moment de la consultation par le prêteur et non au moment de la signature par les deux parties.
Il se pourrait, que durant la période de validité de la consultation (20 jours), un contrat de crédit soit enregistré négativement dans la Centrale pour un montant de plus de 1.000 euros alors que, au moment de la consultation, un tel enregistrement n’était pas renseigné. Un tel défaut révèle un problème de solvabilité dans le chef du consommateur et est de nature à remettre en question la rigueur de l’évaluation réalisée par le prêteur.
Si l'enregistrement à la CCP est de moins de 1.000 euros, le prêteur ne peut conclure un nouveau contrat de crédit que moyennant une motivation complémentaire dans le dossier de crédit. La motivation devra démontrer que l’enregistrement négatif n’est pas lié à un problème de solvabilité du consommateur ou que le problème de solvabilité a pris fin et que le consommateur est à nouveau en mesure de faire face à ses obligations.
L'article VII.77, § 2 ne s’applique pas lorsque le crédit renseigné négativement est «régularisé» dans la Centrale. Par contre, même régularisé, l'enregistrement négatif reste le signe de difficultés de paiement. Si l’enregistrement est «régularisé», le prêteur doit s’assurer que la solvabilité du consommateur n’est plus compromise.
L'article VII.77, § 2, alinéa 2, ne s'applique ni au contrat de crédit de moins de 200 €, ni aux contrats de crédit consentis par un employeurs à ses employés (VII.3, § 4, 1°).
Un signal négatif fort: le regroupement de dettes
renvoi: voir le commentaire consacré à ce sujet
Signaux négatifs relevés par le SPF Economie
(Source: Guidelines)
Le SPF Economie a relevé une série de signaux négatifs dont la présence impose l'indication d'une motivation adéquate dans le dossier crédit:
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Introduction
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Dans l’analyse de solvabilité, le prêteur tient compte des situations identifiées ci-après. La présence d’un tel signal dans l’analyse de solvabilité ne signifie pas que le crédit doit être refusé mais que le prêteur doit être plus prudent dans sa décision d’octroi. Il doit décider au cas par cas s’il va mener un examen complémentaire sur les éléments concernés par ce signal afin de déterminer si la situation financière du consommateur est impactée. Le prêteur devrait toujours pouvoir, a posteriori, donner les éléments qui ont permis d’estimer que le consommateur était solvable. Lorsqu’un tel signal est présent, il devrait pouvoir fournir les éléments qui ont permis d’éliminer le risque indiqué par ce signal.
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L’utilisation maximale d’une ouverture de crédit
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L’utilisation de la totalité du montant mis à disposition par une ouverture de crédit en cours. Lorsqu’un consommateur éprouve des difficultés financières, il est tenté de prélever sur ses ouvertures de crédit. Ces prélèvements lui permettent de maintenir un niveau de vie supérieur à ses capacités financières. L’utilisation maximale d’une ouverture de crédit peut être le signe d’un déséquilibre dans le budget du consommateur.
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Le prélèvement systématique du capital amorti
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Le SPF Economie a déjà constaté que certains consommateurs prélèvent systématiquement les montants rendus disponibles par le paiement d’un montant de terme de l’ouverture de crédit de sorte que le solde restant dû du crédit ne diminue pas. Une fois l’échéance du zérotage atteinte, le consommateur, dans l’incapacité de rembourser, fait défaut.
La connaissance du consommateur par le prêteur est élément déterminant.
Le prêteur doit déterminer le solde restant dû de tous les crédits lors de l’enquête sur la situation financière du consommateur. Si le montant d’une des ouvertures de crédit en cours est (quasiment) entièrement prélevé, il est conseillé que le prêteur interroge le consommateur sur l’historique des prélèvements.
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Le remboursement avec retard d'échéances de crédit
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Lorsque le prêteur constate qu’une mensualité d’un crédit est remboursée avec retard, c’est-à-dire après la date d’échéance contractuellement prévue, le prêteur évalue si ce retard est le résultat d’une simple négligence ou résulte d'une diminution de la solvabilité du consommateur.
Lorsque les retards sont récurrents, le prêteur devra redoubler de prudence à l’occasion de l’octroi d’un nouveau crédit.
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Souscription rapprochée de nouveaux crédits
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La souscription de plusieurs crédits dans un délai rapproché (moins d’un an) peut être révélatrice d’un début de surendettement. Le consommateur ne parvient peut-être plus à faire face à ses dépenses courantes et les finance à crédit. Le prêteur doit être plus vigilent lors de l’octroi d’un crédit à un consommateur qui se trouve dans cette situation.
Le prêteur peut se rendre compte de cette situation en déterminant le but des précédents crédits et du nouveau crédit demandé.
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Le consommateur n'est pas en mesure de faire face à son obligation de zérotage
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Le consommateur demande un crédit pour faire face à son obligation de zérotage.
Il s’agit d’un refinancement de crédit ce qui doit amener le prêteur à redoubler de prudence.
Le consommateur a peut-être manqué de prévoyance ou est dans l’incapacité de dégager suffisamment de budget pour solder l’ouverture de crédit.
Le prêteur peut alors éventuellement proposer un autre contrat de crédit reprenant les dettes, à condition qu’il n’agisse pas de manière injustifiable. Il ne peut ainsi proposer aucun contrat de crédit semblable pour un montant égal ou supérieur et il doit mettre fin à l’ouverture de crédit. Concrètement, cela signifie que le refinancement de l’ouverture de crédit qui arrive à son délai de zérotage doit être réalisé au moyen d’un crédit avec amortissement et à durée déterminée. Il s’agit du seul type de crédit adapté à la situation financière du consommateur.
Dans le cadre de la lutte contre le surendettement, le législateur a voulu renforcer expressément les dispositions relatives au délai de zérotage lors de la dernière modification de la loi.
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Le regroupement de crédits
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Lorsque le but du crédit est le refinancement de crédits existants, le prêteur doit redoubler de prudence.
Le refinancement de dettes existantes exige du prêteur qu’il s’informe plus particulièrement sur l’origine de ces dettes. Il doit déterminer la raison pour laquelle le consommateur souhaite les refinancer. Le prêteur doit interroger le consommateur sur le but du ou des crédits dont le refinancement est demandé. Cette information permet au prêteur d’éviter une situation dite de crédit en cascade où un consommateur refinance périodiquement la même dette, s’endettant toujours un peu plus.
Dans le cas où le consommateur éprouve des difficultés à faire face aux charges des crédits dont le refinancement est sollicité, le prêteur doit faire preuve de la plus grande prudence et approfondir son analyse de solvabilité.
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La demande de liquidités sans justification de l'utilisation
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Le prêteur doit se montrer particulièrement prudent lorsque le consommateur demande un crédit sans indiquer précisément la manière dont il compte faire usage de la somme mise à sa disposition.
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La souscription d’un nombre important d’ouvertures de crédit
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Le fait que le consommateur ait souscrit un nombre important de contrats d’ouvertures de crédit ou que le montant total des ouvertures de crédit dépasse une part substantielle de ses revenus, par exemple le montant de ses revenus annuels nets, doit attirer l’attention du prêteur. Le prêteur doit évaluer la capacité du consommateur à faire face à ses obligations, particulièrement en ce qui concerne la capacité de zérotage.
L'obligation de refuser le crédit au consommateur qui ne pourra pas faire face aux obligations découlant du contrat de crédit
Sanction civile
L'octroi d'un crédit à un consommateur manifestement dans l'impossibilité de rembourser est sanctionné par l'article VII.201: le juge peut relever le consommateur de tout ou de partie des intérêts de retard et réduire ses obligations jusqu'au prix au comptant du bien ou du service, ou au montant emprunté. Le consommateur conserve le bénéfice de l'échelonnement des paiements. L'article VII.201 réserve par ailleurs le droit pour le consommateur de solliciter des dommages intérêts conformément au droit commun ce qui implique, outre la démonstration de la faute (déjà faite si l'article VII.201 est appliqué), la démonstration du préjudice et du lien causal.
Exemples - jurisprudence
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"Apparaît en effet fautif le comportement de la banque qui, face à des débiteurs aux abois, a contribué à l'étranglement de leur situation financière en libérant, malgré le but énoncé «prêt liquidités», des liquidités d'emblée réduites, à une peau de chagrin (3.059,28 euros ou 3.338,08 euros) moyennant un coût total du crédit de 17.172 euros portant à 47.172 euros la somme totale à rembourser (Civ. Hainaut (Mons) (3éme Ch.), 23 mai 2018, J.L.M.B. 2019/18, 861).
- Ne satisfait pas à son obligation de recueillir les informations suffisantes, le prêteur qui se contente de la copie d'un avertissement extrait de 2010 pour consentir un crédit en 2012 et qui accorde un nouveau crédit en 2013 sans vérifier à cette occasion, la situation financière du consommateur (sauf en ce qui concerne la consultation de la CCP) (J.P. Audenarde - Kruishoutem, 11 juillet 2016, J.J.P. 2016, 569, note STEENNOT R.)
- Dans un jugement du 25 janvier 2015, le juge de paix d'Arendonk , estime que Depuis le début en 2005 et en tout cas lors de tous les prêts et crédits subséquents, le demandeur, en tant que prêteur professionnel, n'a pas rempli son devoir de prudence. Le revenu limité de la défenderesse pouvait peut-être permettre d'accorder un prêt à tempérament limité pour l'achat de meubles ou à d'autres fins privées. Le crédit avec une carte de visa n'était pas le type de crédit approprié. La demanderesse a toujours maintenu le crédit Visa ouvert, de plus elle a également accordé un crédit à Mastercard en cours de route. La demanderesse a entraîné la défenderesse dans une position de surendettement. La demanderesse n'a pas respecté l'obligation découlant de l'article 15 LCC. Texte original (J.P. Arendonk, 27 janvier 2015, J.J.P. 2015, 462 et note ENGLEBERT M. "la responsabilité du prêteur dans l'octroi du crédit).
- Ne respecte pas le devoir de conseil et l'obligation d'évaluation de la solvabilité, le prêteur qui consent un crédit "pour les besoins du ménage" sans autre contrôle que la consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers alors que le consommateur n'a pas d'autres ressources que les indemnités de mutuelle, qu'il vit dans une caravane et que sa situation financière ne pouvait que le conduire à déposer une requête en règlement collectif (J.P. Florennes, 27 juin 2016, J.J.P. 2016, 518).
- Le prêteur peut estimer que les consommateurs seront en mesure de respecter les obligation résultant du crédit qu'ils devraient rembourser par des mensualités d'un montant de de 426,43 euros lorsque (1) les revenus s'élèvent à 3.661,81 EUR, (2) le loyer est de 600 EUR et (3) la consultation de la Centrale révèle l'existence de deux prêts à tempérament pour une charge mensuelle de 333,35 EUR et deux ouvertures de crédit de respectivement 1.000 et 2.000 EUR (J.P. Courtrai (1er cant.), 14 janvier 2015, Ann.Jur. 2015, 18).
- Commet une faute, le prêteur qui consent un crédit de près de 50.000 euros remboursable en 56 mensualités de 1.165 euros, excédant la moitié des ressources mensuelles nettes cumulées des emprunteurs, un couple de retraités âgés de 70 et 75 ans (réduction au montant emprunté - J.P. Tournai, 10 mars 2015, J.L.M.B. 2016, 521)
- Commet une faute le prêteur qui consent un crédit à une mère alors qu'il sait que le prêt est destiné au fils qui a fait faillite et à qui un crédit a déjà été refusé (J.P. Anvers (8ème cant.), 18 juin 2013, J.J.P. 2015, 423, note STEENNOT R.).
- Commet une faute le prêteur qui consent un crédit pour en rembourser un autre alors qu'il ressort du dossier que plusieurs termes de paiement de ce premier crédit n'ont pas pu être payés (J.P. Arendonk, 12 octobre 2010, JJP 2013, 650, note de Patoul F.; NjW 2011, 343 note STEENNOT, R.).
- Un prêteur ne peut sérieusement envisager l'octroi d'un premier prêt à tempérament remboursable moyennant une mensualité de 313,48 € puis d'un second de 147,43 € à un emprunteur qui vit seul avec un enfant à charge qui a des revenus net (allocations familiales déduites) de 1.655,72 € et qui doit déjà supporter la charge d'un remboursement hypothécaire de 865, 72 € (J.P. Anvers (11ème cant.), 8 décembre 2015, Ann.Jur. 2015, 25).
- Une mensualité de 320,05 euros excède les capacités de remboursement d'emprunteurs dont les revenus mensuels allocations familiales comprises, s'élèvent à 1.075,10 euros avec un loyer de 124 euros outre l'entretien de leurs deux personnes (J.P. Courtrai, 26 mai 2009, Ann. Jur. 2009, p. 56).
- Un prêteur peut raisonnablement estimer que deux candidats emprunteurs seront en mesure de respecter leurs obligations si, mensuellement, ils perçoivent 1.500 euros , remboursent 50 € pour une ouverture de crédit et 259,90 pour un prêt à tempérament et si, déduction faite de la mensualité du prêt sollicité, ils conservent 1.000 euros par mois pour vivre sans loyer puisqu'ils résident chez leur fils (J.P. Gand, 25 juin 2009, Ann. Jur. 2009, 45).
- Manque à son devoir d'évaluation de la solvabilité, le prêteur qui accorde un crédit sur la seule déclaration non vérifiée du consommateur qu'il gagne 3.000 € par mois alors que le prêteur devait savoir qu'il n'avait aucune activité indépendante et que le prêt devait servir à rembourser un autre prêt (J.P. Dixmude, 8 janvier 2007, Ann. Jur. 2007, 39).
- Le prêteur ne peut consentir un crédit lorsqu'il apparaît des pièces qu'il produit qu'après paiement des charges, le budget familial ne pouvait dégager un budget de plus de 5,14 euros (J.P. Courtrai, 4 octobre 2005, Ann. Crédit, 2005, 39).
- Le prêteur ne peut consentir de crédit lorsqu'il apparaît que les affirmations du consommateur quant à ses ressources sont démenties par l'avertissement extrait de compte (J.P. Anvers, 18 novembre 2004, Ann. Crédit, 2004, 3).
- Si le crédit sollicité a notamment pour but de rembourser des crédits précédemment contractés, le prêteur et l'intermédiaire de crédit qui octroient ce crédit sans se soucier de la régularité des crédits et des sommes réclamées par les prêteurs à rembourser et à des conditions qui aggravent objectivement et de manière notable l'endettement des emprunteurs, ne respectent pas leur obligation de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu'ils offrent habituellement, le type et le montant de crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière des emprunteurs au moment de la conclusion du contrat (J.P. Grâce-Hollogne, 24 février 2004, Ann. Crédit 2004, 13).
- Le prêteur n'a pas respecté le devoir de s'informer et de vérifier la solvabilité de l'emprunteur lorsqu'il résulte des pièces qu'il a lui-même produites aux débats que: la consultation de la banque de données de l'Union Professionnelle du Crédit U.P. C. n'est pas prouvée, les formulaires de demandes de renseignements et, en particulier, les rubriques « charges mensuelles », «bien immeuble », « analyse budgétaire », « appréciation de l'interviewer» ou « revenus mensuels» n'ont pas été complétées, le but du prêt sollicité était de rembourser un autre crédit précédemment contracté auprès du prêteur lui-même, prêteur avait déjà consenti cinq crédits à l'emprunteur sur une période de sept ans, chaque fois pour rembourser le précédent et chaque fois moyennant une mensualité toujours plus élevée (...) ( J.P. Renaix, 27 juillet 2004, Ann. Crédit 2004, 18).
- Le prêteur doit s'abstenir s'il ne dispose pas de crédit adapté à la demande du consommateur: Voy. J.P. Westerloo, 14 mars 1997, J.J.P., 1998, p. 553. Le juge constate sur base de l’article 11, que le prêteur avait l’obligation de refuser le crédit. D. BLOMMAERT, “De aansprakelijkheid van de kredietinstelling-kredietverlener: recente trends”, op.cit., p. 693. voy. ég. B. DE CONINCK, L’obligation d’information du consommateur dans la formation du contrat, op. cit,. p. 268.
- Le prêteur n'est pas tenu d’accorder le crédit aux meilleures conditions du marché (E. BALATE, F. de PATOUL et P. DEJEMEPPE, Le crédit à la consommation, op.cit., p 58, n° 199; J.P. Renaix, 26 septembre 2000, D.C.C.R., 2001, n°52, p. 283; R.W., 2002-2003, 1151;J.P. Gand (4ème Cant.), 23 juin 2000, Ann. Crédit, 2000, p. 64et note J.VAN LYSEBETTENS ; J.P. Gand, 9 mai 2001, Ann. Crédit, 2001, p. 150; Contra: J.P. St Niklaas, 17 avril 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 133qui estime que manque à son devoir de conseil, le prêteur qui accorde un crédit à un TAEG supérieur de 3 à 4 % au taux en vigueur sur le marché; J.P. Courtrai (II), 29 juin 2004, Ann. Crédit 2004, 55).
- Décharge du devoir d'information sur l'intermédiaire de crédit: non J.P. Westerloo, 14 mars 1997, J.J.P., 1998, p. 553; F. DOMONT-NAERT, «L’incidence de l’intervention de l’intermédiaire de crédit sur la responsabilité du prêteur», note sub J.P. St Niklaas, 20 février 1997, D.C.C.R., 1997, p. 157.
- Ne respecte pas son devoir de conseil, l'intermédiaire qui ne démontre pas en quoi le remboursement d'un crédit précédent par un nouveau crédit plus onéreux est adapté à la situation financière du consommateur (J.P. St Nicolas, 13 août 1999, Ann. Crédit, 1999, 122).