VII.131 : Devoir de conseil (CH)

Article VII.131

Article VII.131

§ 1er. Le prêteur et l'intermédiaire de crédit sont tenus de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu'ils offrent habituellement ou pour lesquels ils interviennent habituellement, le type et le montant du crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit.

Le prêteur et l'intermédiaire de crédit, et exclusivement eux, offrent au consommateur des services de conseil. Outre les conditions et exigences fixées au présent article, le prêteur et l'intermédiaire de crédit respectent les articles VII.147/30, §§ 5 et 6, VII.164, § 1er, alinéa 2, VII.165, § 1er, alinéa 2, VII.180, § 2, 3° et VII.181, § 1er, 1° et 2°.

§ 2. Le prêteur et l'intermédiaire de crédit indiquent explicitement au consommateur, dans le cadre d'une transaction donnée, qu'ils sont tenus de lui fournir des services de conseil.

§ 3. Le prêteur et l'intermédiaire de crédit informent le consommateur sur un support durable avant la fourniture de services de conseil ou, le cas échéant, avant la conclusion d'un contrat relatif à la prestation de services de conseil, si la recommandation se fondera uniquement sur leur propre gamme de produits conformément au paragraphe 4, alinéa 2, ou sur une large gamme de produits provenant de l'ensemble du marché, conformément au paragraphe 4, alinéa 3, afin que le consommateur puisse connaître la base sur laquelle la recommandation est faite.

Les informations visées au premier alinéa peuvent être fournies au consommateur sous la forme d'informations précontractuelles complémentaires.

§ 4. Le prêteur et l'intermédiaire de crédit font en sorte de recueillir les informations nécessaires sur la situation personnelle et financière du consommateur et sur ses préférences et ses objectifs pour pouvoir lui recommander des contrats de crédit appropriés. Cette recommandation est fondée sur des informations à jour et prend en compte des hypothèses raisonnables quant aux risques pour la situation du consommateur pendant la durée du contrat de crédit proposé.

Le prêteur, l'agent lié ou le sous-agent désigné par ce dernier, prennent en considération un nombre suffisamment important de contrats de crédit de leur gamme de produits et recommandent, parmi ceux-ci, un ou plusieurs contrats de crédit adaptés aux besoins et à la situation personnelle et financière du consommateur.

Le courtier de crédit ou son sous-agent prennent en considération un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché et recommandent, parmi ceux-ci, un ou plusieurs contrats de crédit disponibles sur le marché qui sont adaptés aux besoins et à la situation personnelle et financière du consommateur.

§ 5. Le prêteur et l'intermédiaire de crédit agissent au mieux des intérêts du consommateur:

1° en s'informant des besoins et de la situation de celui-ci, et

2° en recommandant des contrats de crédits adaptés conformément au paragraphe 4.

Le prêteur et l'intermédiaire de crédit remettent le contenu de la recommandation rendue par eux sur un support durable.

Le prêteur et l'intermédiaire de crédit avertissent le consommateur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui.

§ 6. L'usage des termes "conseil" et "conseiller" ou de termes similaires est interdit lorsque les services de conseil sont fournis aux consommateurs par un prêteur ou un intermédiaire de crédit.

§ 7. Il est interdit à toute personne physique ou morale, ayant la qualité de prêteur ou d'intermédiaire de crédit, de réclamer au consommateur quelque rémunération que ce soit, directement ou indirectement, pour ces services de conseil, y compris lorsqu'elle agit en dehors de toute intermédiation ou octroi de crédit.

Commentaire

Principe

Le législateur a repris une disposition qui figurait déjà dans la loi sur le crédit à la consommation et qui faisait l’objet de critiques. Ce devoir de conseil ne figurait pas dans la directive 2008/48 et selon certains, le législateur belge aurait été au-delà des limites fixées par la directive qui vise une harmonisation totale (bien que ciblée). Ces critiques ne peuvent être réitérées en crédit hypothécaire puisque la directive 2014/47 ne vise qu’une harmonisation minimale. Le devoir de conseil en crédit hypothécaire va au-delà de ce qui est prévu en crédit à la consommation. Pour le courtier de crédit et son sous-agent, le conseil ne doit pas seulement prendre en considération les produits d’un prêteur mais il doit se fonder sur large gamme de produits provenant de l’ensemble du marché. Le prêteur et les intermédiaires de crédit doivent préciser au consommateur dès avant la fourniture des services conseils sur quelle analyse il est fondé.

Devoir général de conseil

On ne peut d’ailleurs réduire le devoir de conseil au seul choix du type et du montant du crédit les mieux adaptés. Le prêteur doit également procéder à une évaluation rigoureuse de la solvabilité et refuser le crédit s’il doit estimer que le consommateur ne pourra faire face aux charges de celui-ci. Le refus du crédit est une forme de conseil négatif. C’est donc un devoir général et les travaux préparatoires soulignent que « Le fait que le consommateur reçoive les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit n’exonère en rien le prêteur ou l’intermédiaire de crédit de son devoir de conseil, ni de la responsabilité qui est exclusivement la sienne d’octroyer ou non le crédit » (Doc. Parl., Ch. repr., Sess. 54, 1685/001, p. 30). C’est une obligation de moyen qui doit être appréciée in concreto et qui doit se fonder sur les informationsnécessaires sur la situation personnelle et financière du consommateur et ses préférences et ses objectifs (VII.131, § 4).

Le conseil est inhérent à l’activité de crédit

La directive 2014/17 permet à l’intermédiaire de fournir, en plus de l’intermédiation pour le contrat de crédit, des services de conseils rémunérés par le consommateur. Le législateur belge s’est fortement démarqué de cette approche et a reproduit, en crédit hypothécaire, le régime qu’il a retenu en crédit à la consommation. La position du législateur belge est que le devoir de conseil est inhérent à l’activité de crédit: l’octroi d’un crédit implique par essence un devoir de conseil dans le chef du prêteur comme de l’intermédiaire et aucune rémunération ne peut être payée par le consommateur pour cette prestation.

Le conseil optionnel et payant prévu par la directive devient ainsi en droit belge, une prestation obligatoire (VII.131, § 2) qui ne peut être rémunérée par le consommateur, même lorsque le conseil est fourni par le prêteur ou l’intermédiaire en dehors de toute intermédiation ou octroi de crédit (VII.131, § 7). Le législateur a considéré que l’activité de conseil en crédit hypothécaire n’était en rien une activité distincte (qui aurait pu justifier un régime d’agrément spécifique) et dans cette logique, a interdit aux professionnels d’utiliser les termes « conseil », « conseiller » ou similaires puisque ces termes ne visent pas une prestation spécifique (VII.131, § 6).

Activité réservée aux prêteurs et intermédiaires

L’activité de conseil en matière de crédit est réservée aux prêteurs et aux intermédiaires de crédit. « Le prêteur et l’intermédiaire de crédit, et exclusivement eux, offrent au consommateur des services de conseil » (VII.131, § 1er, al. 2). De cette formulation se dégage la règle que nul ne peut fournir de conseil relativement à la conclusion d’un contrat de crédit hypothécaire s’il n’est prêteur ou intermédiaire de crédit. Comme l’activité de crédit implique un devoir de conseil dans la conception du législateur belge, il est assez cohérent que l’activité de conseil soit réservée à ceux qui ont obtenu le statut de prêteur ou d’intermédiaire.

L’information préalable du consommateur sur l’indépendance du conseil

Le consommateur doit être informé par les prêteurs et les intermédiaires qu’ils sont tenus de lui fournir des services de conseil (VII.131, § 2). Ils doivent, à cette occasion, préciser sur un support durable si les conseils qui seront fournis, se fonderont uniquement sur leur propre gamme de produits ou sur une large gamme de produits provenant de l’ensemble du marché (VII.131, § 3). En outre et conformément à l'article VII.128, § 2, le courtier de crédit doit informer le consommateur de son droit de lui demander les niveaux de commissions qu'il touche des différents prêteurs pour lesquels il intervient (et il doit évidemment fournir l'information si le consommateur la demande).

L’objectif est ici d’informer le consommateur sur l’indépendance du conseil fourni et sur sa qualité. Cette transparence est notamment destinée à montrer les limites des conseils fournis par les courtiers de crédit dont « l’indépendance dépend généralement de la hauteur des commissions pouvant être obtenues selon que la demande de crédit est introduite chez l’un ou l’autre prêteur » (Doc. parl., Ch. repr., Sess. 54, 1685/001, p. 32). La loi précise que cette information peut être communiquée sous la forme d’informations précontractuelles complémentaires qui pourront donc accompagner l’ESIS ou le SECCI, selon les cas.

Le conseil doit se baser sur un nombre suffisant de contrats de crédit

Pour fournir un conseil approprié, la loi impose de prendre en considération un nombre suffisamment important de contrats de crédit afin de recommander, parmi ceux-ci, un ou plusieurs contrats de crédit adaptés à la situation et aux besoins du consommateur(VII.131, § 4)

Le prêteur (et les agent-liés) peut ne prendre en considération que sa propre gamme de produits à condition qu’il le signale au consommateur sous forme d’informations précontractuelles complémentaires. Encore faut-il que la gamme de produit soit suffisamment large que pour offrir un contrat de crédit adapté aux besoins et à la situation personnelle du consommateur (VII.131, § 4). S’il omet d’informer le consommateur quant à la gamme de produit qu’il a pris en compte pour fournir le conseil, le prêteur s’expose au reproche de n’avoir pas proposé un produit totalement adapté, s’il existe sur le marché d’autres produits plus adéquats. Comme la jurisprudence l’a relevé en crédit à la consommation, ceci n’a pas pour conséquenced’obliger le prêteur:

  • à accorder le crédit aux meilleures conditions du marché (E. BALATE, F. de PATOUL et P. DEJEMEPPE, Le crédit à la consommation, op.cit., p 58, n° 199; J.P. Ronse, 26 septembre 2000, D.C.C.R., 2001, n°52, p. 283; R.W., 2002-2003, 1151;J.P. Gand (4ème cant.), 23 juin 2000, Ann. Crédit, 2000, p. 64et note J.VAN LYSEBETTENS ; J.P. Gand, 9 mai 2001, Ann. Crédit, 2001, p. 150) ;
  • à renvoyer le prospect vers un concurrent moins cher (J.P. Gand (7), 30 décembre 1996, Ann. Crédit, 1996, 201 ; J.P. Gand (7ème Cant.), 5 janvier 1998, J.J.P., 1998, p. 596);
  • à adapter le TAEG à la situation du demandeur de crédit (J.P. Gand, 9 mai 2001, Ann. Crédit, 2001, p. 150). C’est au contraire au consommateur qu’il appartient de rechercher sur le marché l’offre la plus avantageuse (J.P. Eeklo, 10 septembre 1998, Ann. Crédit, 1998, 196).

Le courtier de crédit (et ses sous-agents) doit prendre en considération « un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché ». Le critère reste cependant vague et la qualité du conseil ne dépend pas seulement du nombre mais également du fait de savoir si le courtier représente les prêteurs qui offrent les meilleures conditions. Le courtier de crédit n’a donc pas pour devoir de rechercher sur le marché, l’offre financièrement la plus avantageuse pour le consommateur. Par contre, s’il dispose d’un choix parmi les contrats de crédit pour lesquels il intervient habituellement, le courtier de crédit a le devoir d’offrir le contrat de crédit le plus avantageux quelles que soient les conséquences de ce choix quant à la commission qui lui est allouée par le prêteur. Il a de surcroît,le devoir d'écarter un contrat rédigé par un prêteur et qui n'est pas conforme à la loi.

Le conseil doit être fondé sur hypothèses raisonnables quant aux risques

Le Code précise en outre que « la recommandation est fondée sur des informations à jour et prend en compte des hypothèses raisonnables quant aux risques pour la situation du consommateur pendant la durée du contrat de crédit proposé ». Parmi les hypothèses raisonnables, il y a lieu de s’interroger sur le risque de variabilité du taux, sur le risque de variation de change si le crédit est consenti dans une autre devise ou sur l’incidence du paiement différé du capital ou des intérêts. Il y a lieu sans doute d’envisager aussi les conséquences que pourraient avoir le divorce des co-emprunteurs, l’accident, le décès ou la perte d’emploi du ou de l’un des co-emprunteurs. Ces événements ont par eux-mêmes des conséquences négatives pour les consommateurs mais l’existence d’une sûreté hypothécaire, d’un éventuel contrat d’assurances-vie ou solde restant dû, permettent d’amortir le choc sans précipiter les consommateurs dans une situation de surendettement.

Le conseil quant au type de crédit

Tout se résume finalement à l’obligation de proposer un contrat de crédit qui soit adapté aux besoins et à la situation personnelle et financière du consommateur. Certains crédits particulièrement risqués (branche 23, crédits en monnaie étrangère) ne devraient être proposés qu’à des consommateurs particulièrement avertis, complètement informés sur le risque encouru et en laissant éventuellement le choix d’un produit alternatif moins risqué.

On renvoie au commentaire de l’article VII.75 où ces questions sont abordées en crédit à la consommation. Les observations peuvent être transposées mutatis mutandis aux crédits hypothécaires (et plus particulièrement aux crédits hypothécaires à but mobilier lesquels étaient considérés comme des crédits à la consommation avant la transposition de la directive 2014/17/UE).

La jurisprudence prononcée en matière de crédit à la consommation, montre qu’il est rare que le juge se prononce sur le choix du type de crédit alors que nombreuses décisions sanctionnent le prêteur pour avoir accordé un crédit là où il aurait dû s’en abstenir.

L’incidence de la rémunération sur la qualité des services de conseil

La directive 2014/17 recommande aux Etats membres de veiller à la qualité du conseil non seulement en exigeant que l’échantillon de contrats étudiés soit suffisant, mais également en s’assurant que la rémunération ne biaise pas l’activité de conseil. L’article VII.147/30, § 6, enjoint aux prêteurs, comme aux intermédiaires, de veiller à ce que la rémunération du personnel concerné par la fourniture de services de conseil « ne porte pas préjudice à sa capacité de servir au mieux les intérêts du consommateur et en particulier ne dépende pas des objectifs de vente ». Le consommateur peut d’ailleurs obtenir du courtier de crédit des informations sur les différents niveaux de commission payables par les différents prêteurs pour lesquels il intervient (VII.128, § 2).

La recommandation doit tenir compte de l’intérêt du consommateur et être formulée sur un support durable

Selon l’article VII.131, § 5, « les prêteurs et l’intermédiaire de crédit agissent au mieux des intérêts de consommateur (1°) en s’informant des besoins et de la situation de celui-ci et (2°) en recommandant des crédits adaptés (...) ».

Cette formulation redondante se comprend si la prestation de services de conseil est un devoir complémentaire au crédit, ce qu’elle est dans la directive 2014/17/UE. Elle est inutile dans le régime adopté par le législateur belge, où le conseil est inhérent à l’activité de crédit et où ces principes sont déjà consacrés par les articles qui traitent de la formation du contrat de crédit.

Cette même disposition précise que « le prêteur et l’intermédiaire remettent le contenu de la recommandation rendue par eux sur un support durable ». Ici également, cette disposition s’explique dans la logique de la directive où la prestation de services de conseil est une prestation facultative, complémentaire à l’activité de crédit et payante. Cela se comprend moins dans le régime adopté par le législateur belge où le conseil est inhérent à l’activité de crédit (En ce sens également, R. STEENNOT,«Le formalisme d’information et de conclusion du contrat», in Crédit aux consommateurs et aux PME, Larcier 2016, n° 52, p. 98.) ; dans ce régime, le conseil se matérialisera quasiment toujours non par l’offre de crédit que le prêteur doit rédiger précisément en choisissant le type et le montant du crédit les mieux adaptés.

Dans cette perspective, l’analyse des besoins et des préférences du consommateur se fera dans un dialogue préliminaire dont la recommandation se concrétisera souvent dans des simulations basées sur les différentes formes de crédit envisageables et finalement, dans l’offre de crédit remise au consommateur. Lorsqu’il est fait usage du mécanisme de la solidarité-sûreté et qu’un tiers co-emprunteur s’engage aux côtés du consommateur - seul bénéficiaire économique réel du crédit, - « il n’existe aucun crédit qui soit adapté à une personne qui en réalité, n’a ni le besoin, ni l’intention d’utiliser le crédit » estime le tribunal civil de Liège (Civ. Liège, 21 octobre 2011, J.L.M.B., 2014/5, p. 228.). Il est permis de penser qu’en effet, le devoir de conseil impose cette réponse lorsque le tiers co-emprunteur solidaire n’a aucun intérêt économique à l’opération. L’engagement de ce tiers pourrait donc être requalifié par le juge en sûreté et le cas échéant, en caution à titre gratuit (P. JOISTEN et M.VAN MOLLE, «Quand les banques exigent que la sûreté personnelle accède à la propriété de l’immeuble financé par le crédit hypothécaire. Origine de la pratique, risques patrimoniaux et fiscaux et solutions», in Le crédit hypothécaire, Actualités et réponses pour la pratique, Anthemis, 2015, pp. 75-10.

Le devoir de conseil renforcé si le crédit sert à l'achat de valeur mobilières

Le devoir de conseil des prêteurs et intermédiaires prend une dimension particulière lorsqu'il s'agit d'un crédit destiné à l'achat de valeurs mobilières par l'intermédiaire du prêteur. En effet, au devoir de conseil en matière de crédit s'ajouteront les règles de conduite définies à charge des professionnels par la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. L'article 27 de la loi précise:

Lorsqu'elles offrent ou fournissent des produits ou services financiers, ou, le cas échéant, des services auxiliaires, les entreprises réglementées veillent à agir d'une manière honnête, équitable et professionnelle qui serve au mieux les intérêts de leurs clients et d'une manière qui favorisent l'intégrité du marché. Lors de l'offre ou de la fourniture de services d'investissement, ou, le cas échéant, de services auxiliaires, elles se conforment en particulier aux règles de conduite énoncées aux paragraphes 2 à 10 et aux articles 27bis à 27quater.

Selon le paragraphe 7 de l'article 27Bis:

Dans les cas où un service d'investissement est proposé dans le cadre d'un produit financier qui est déjà soumis à d'autres dispositions de la législation communautaire ou à des normes communes européennes relatives aux établissements de crédit et aux crédits à la consommation concernant l'évaluation des risques des clients et/ou les exigences en matière d'information, ce service n'est pas en plus soumis aux obligations énoncées dans le présent article.

L'article VII.3, §3, 5°, in fine soumet néanmoins cet article à cette disposition:

Dans ces cas et en ce qui concerne l'utilisation du crédit, l'établissement de crédit ou l'entreprise d'investissement veille également au respect des règles visées à l'article 27 de la loi du 2 août 2002).

Le devoir d'informer le consommateur tel qu'il résulte de l'article VII.131, sera complété par les exigences de la loi du 2 août 2002 qui fournit des indications précises sur le contenu des informations à fournir quant au service d'investissement proprement dit (voyez par exemple l'article 27, § 3). S'agissant d'offrir en sus du crédit à la consommation, un service d'une nature particulière, le devoir de s'informer résultant de l'article 10 doit s'analyser de manière spécifique lorsque le service d'investissement apporté par le prêteur s'exerce sous forme de conseils en placement ou de gestion de portefeuille. Il s'appréciera à cet égard par référence à l'article 27, § 4, de la loi du 2 août 2002: le prêteur veillera à se procurer auprès du consommateur-emprunteur les informations nécessaires concernant ses connaissances et son expérience en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service, sa situation financière et ses objectifs d'investissement, de manière à pouvoir lui recommander les services d'investissement et les instrument financiers adéquats ou de lui fournir les services de gestion de portefeuille adéquats. S'il s'agit d'un autre service d'investissement, le prêteur veillera à procurer auprès du consommateur emprunteur, les informations nécessaires sur ses connaissances et sur son expérience en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service proposé ou demandé, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit d'investissement envisagé est approprié pour le client (article 27, § 5, de la loi du 2 août 2002).

Le devoir d'abstention repris à l'article VII.133 se retrouve également dans les dispositions de la loi du 2 août 2002 lorsque que les renseignements obtenus du client ne permettent pas d'offrir un service approprié (article 27, § 4,) ou lorsque que le produit ou le service n'est pas adéquat (article 27, § 5,). L'application de l'article VII.75 conduit d'ailleurs à considérer que le crédit doit être refusé par le prêteur s'il est dans l'impossibilité de fournir un produit ou un service correspondant adéquatement au but déclaré par le consommateur-emprunteur.

Le devoir de conseil prévu pour les crédits réglementés s'étendra au service d'investissement offert par le prêteur. L'article 27, § 6, de la loi du 2 août 2002 qui limite les obligations du professionnel lorsque son intervention consiste à exécuter et/ou réceptionner et transmettre des ordres reçus du client (sous certaines conditions, voir cet article), paraît devoir céder devant les exigences du devoir de conseil dans les crédits réglementés.

Ainsi l'analyse de l'opportunité du crédit notamment au regard de son but, impose au prêteur-prestataire du service d'investissement de porter un jugement sur les opérations sur valeurs mobilières que le client se propose de réaliser au moyen du crédit.

Devoir de conseil et utilisation du mécanisme de solidarité-sûreté

Le tribunal civil de Liège (Civ. Liège, 21 octobre 2011, J.L.M.B., 2014/5, p. 228.) a jugé à propos d'un contrat de crédit à la consommation, que le prêteur ne pouvait pas qualifier de consommateur n°2, une jeune femme qui accepte de signer un contrat de prêt à tempérament pour l'achat d'un véhicule, aux côtés de son ami de l'époque avec lequel elle ne vivait pas en ménage, alors que le véhicule était destiné à l'usage exclusif de cet ami. Le tribunal constate que l'engagement de cette jeune femme n'a été recherché qu'en raison de l'insuffisance des revenus de Monsieur B.Le crédit n'avait aucun but pour la codébitrice et il n'était nullement adapté à l'intéressée qui en fait, n'avait ni le besoin ni l’intention d'utiliser le véhicule acquis au moyen du crédit.Le tribunal conclut dès lors à une violation du devoir de conseil à l'égard de la codébitrice. Il estime que l'engagement de cette dernière doit être requalifié en engagement de caution ce qui n'a pas cependant pour effet d’entraîner la nullité de son engagement.Le tribunal considère en effet que la jeune femme ne pouvait raisonnablement pas prétendre ne pas avoir conscience de l'engagement qu'elle avait pris. Il réduit en conséquence la portée des engagements de la codébitrice au tiers du solde restant dû. Le tribunal a par ailleurs souligné une erreur du prêteur dans l'exécution du devoir d'évaluation de la solvabilité puisque c'est à tort que les revenus de la caution (en l'espèce qualifiée de codébitrice) ont été pris en considération pour apprécier la solvabilité de l'emprunteur.

La sanction du conseil inadéquat

Contrairement à ce qui est prévu en crédit à la consommation où l'article VII.201 permet au juge relever de le consommateur de tout ou de partie des intérêts de retard et réduire ses obligations jusqu'au prix au comptant du bien ou du service, ou au montant emprunté, le code ne prévoit aucune sanction civile spécifique si le prêteur et l’intermédiaire font signer au consommateur un type de contrat de crédit ou un montant qui ne sont pas les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit. Une infraction à l’article VII.131 peut cependant constituer un manquement à l’obligation générale de comportement définie à l’article VII.130 ou une évaluation inappropriée de la capacité financière ou des objectifs du consommateur (VII.133). Dans les deux cas, le consommateur pourrait invoquer la sanction prévue par l’article VII.209, §1er.

A défaut de pouvoir appliquer les sanctions prévues par l'article VII.209, il appartiendra au consommateur-emprunteur de fournir la démonstration de la trilogie classique en droit de la responsabilité: faute, préjudice et relation causale.

La violation du devoir de conseil envers le consommateur peut également être soulevée par le tiers garant comme une exception à l’action dirigée contre lui par le prêteur.

L’article XV.90, 19° fait erronément référence à l’article VII.130 au lieu de l’article VII.131. En l’absence d’une modification législative, il faut dès lors considérer que cette disposition n’est pas sanctionnée pénalement.

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