Les sûretés (CC)

 

Introduction

Les mesures initialement destinées à protéger les personnes qui ont constitué une sûreté personnelle, ont été étendues à toutes les sûretés, par la loi du 13 juin 2010 qui a transposé la directive 2008/48/CE. La directive européenne n°87/102/CEE qui était à l'origine de l'harmonisation des règles applicables au crédit à la consommation à l'intérieur de l'Union, ne s'appliquait pas aux cautions. Ainsi en avait décidé la Cour de Justice dans l’arrêt Berliner Kinder Brauerei du 23 mars 2000 (Affaire C-208/98 - Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 23 mars 2000 - Berliner Kindl Brauerei AG contre Andreas Siepert) . La Cour a considéré que le cautionnement ne peut être considéré comme un contrat de crédit au sens de la directive et que, ni l'économie, ni les objectifs de celle-ci, ne permettent de considérer que la directive a voulu régir les cautionnements (voir également la note de J.VAN LYSEBETTENS sous la décision in D.C.C.R., 2000, n°48, 282). La directive 2008/48/CE qui a remplacé la directive 87/102/CEE (cette fois dans une perspective d'harmonisation totale mais ciblée) ne vise pas les cautions en manière telle que la jurisprudence antérieure de la Cour devrait rester applicable. Puisque les règles relatives aux sûretés personnelles sont en dehors du cadre harmonisé, le législateur belge avait toute latitude pour maintenir un cadre normatif applicable aux sûretés.

Ratio legis de la protection

Les intentions du législateur

Lutter contre le surendettement du consommateur qui fournit la sûreté

Avec la loi du 12 juin 1991, le législateur entend lutter contre le risque de surendettement qui peut résulter de l’engagement comme sûretés personnelles de personnes qui n'ont pas véritablement conscience de la portée de l’engagement qu'elles souscrivent : « Le cautionnement solidaire peut entraîner pour la caution des conséquences financières lourdes, dont on peut croire qu’elle n’a guère conscience et qui peuvent se révéler dramatiques » (Doc. Parl., Sénat, n° 916/2, p. 126).

Les travaux préparatoires précisent que « Le projet de loi vise (…) à protéger, à la fois : (1) le consommateur-emprunteur contre le risque d’un endettement excessif rendu possible par la garantie de tiers, et (2) le consommateur-caution contre les risques que représente son engagement. On peut croire, en effet, que la notion d’engagement est présente à l’esprit de la caution. Cependant, la portée de cet engagement est vraisemblablement méconnue et sous-estimée. Le consommateur (le citoyen en général) ne se caractérise pas par une connaissance réelle du droit. Il est probable que le cautionnement soit perçu comme « payer à la place de …, s’il y a un problème » ; mais le risque réel n’est pas estimé à sa juste proportion et de toute façon « s’il y a problème, il faudra aider l’enfant (ou le parent) ». Quant à la notion de « cautionnement solidaire », elle est presque certainement ignorée complètement de la plupart des cautions. Il faut souligner à cet égard que les entreprises de crédit ne favorisent pas l’information des consommateurs : l’acte de cautionnement, juridiquement distinct de l’emprunt, figure le plus souvent sur le même document que celui-ci. Il serait sans doute plus conforme à l’esprit de la loi et plus honnête vis-à-vis de la caution de préciser clairement, au moins dans une rubrique distincte, les obligations auxquelles elle s’engage. Sans vouloir remettre en question la nécessaire et légitime solidarité familiale, il a paru nécessaire de limiter une pratique susceptible de conduire à des abus d’une part et d’autre part à mettre en péril cette solidarité » (Doc. Parl., Sénat, n° 916/2, p. 125).

Ne pas compromettre l'accès au crédit

Parallèlement à ce souci de lutte contre le surendettement, le législateur de 1991 avait à cœur d’éviter tout phénomène d’exclusion à l’égard de consommateurs aux revenus limités qui, sans le recours à une certaine solidarité, risquaient de ne pas avoir accès au crédit : « On a pu constater que des consommateurs aux revenus limités se trouvent parfois, pour des raisons les plus diverses, dans l’obligation d’emprunter. En limitant leurs possibilités d’accès au crédit, voire en les supprimant dans les faits, ils s’engagent dans un processus d’exclusions du système financier. Les portes du système se fermant devant eux, leurs besoins continuent cependant d’exister. La tentation de recourir alors au financement parallèle (usuraire) est grande » (Doc. Parl., Sénat, n° 916/2, p. 127).

Le texte de la loi est donc le résultat de la confrontation de ces deux objectifs et il tente de réaliser un équilibre en limitant d’une part les interdictions pures et simples de recourir aux sûretés personnelles (un amendement visant à interdire les cautions solidaires avait été proposé et n’a finalement pas été adopté) et en encourageant d’autre part l’information du consommateur.

Champ d’application - Quand les sûretés sont-elles soumises à la LCC ?

Champ d'application

Sûretés pour un contrat de crédit visé par la LCC

L’article VII.109, alinéa 1er, vise toute forme de sûreté garantissant les engagements nés d'un contrat de crédit. Les sûretés ne sont donc visées et protégées que dans la mesure où le contrat principal garanti constitue un contrat de crédit à la consommation au sens du CDE.

Les personnes engagées pour garantir les crédits souscrits par une société sont donc privées des mécanismes de protection de la loi et ce malgré que ces personnes revêtent le cas échéant elles-mêmes la qualité de consommateur, c’est-à-dire une personne qui agit en dehors de ses propres activités professionnelles.

La thèse de la commercialité objective du cautionnement n’a pas été retenue par le législateur. Le consommateur qui ne pourrait bénéficier de la protection du livre VII parce qu’il s’est porté caution des engagements d’un non-consommateur bénéficie toutefois d’autres règles protectrices telles que celles qui résultent de l'interdiction des clauses abusives du livre VI, des dispositions sur le cautionnement à titre gratuit dans le Code civil, ou encore des législations en matière de faillite et de règlement collectif de dettes et cela, indépendamment de la nature, privée ou professionnelle, de l’engagement du débiteur principal (C. BIQUET-MATHIEU, « Les sûretés personnelles », in Handboek consumentenkrediet, éd. E. Terryn, Die Keure, 2007, p. 217, n° 15. Voir à cet égard la section application résiduaire du droit commun, ci-après).

Sûreté personnelle consentie par un consommateur

Bien que le CDE ne limite pas formellement la protection qu’il instaure en faveur des sûretés aux sûretés réputées faibles, c’est-à-dire aux sûretés consenties par des consommateurs, il ressort des travaux préparatoires que le législateur a essentiellement voulu protéger les personnes physiques ayant accepté de garantir un crédit en raison de liens de famille ou d’amitié (voir la discussion à ce propos dans les travaux préparatoires, Doc. Parl., Sénat, 1989-1990, n° 916/2, pp. 120 à 128, qui visent d’ailleurs expressément le « consommateur-caution » p. 125).

Il faut donc en déduire que pour les crédits réglementés, le CDE ne protège la sûreté que dans la mesure où il s’agit d’une personne physique ayant la qualité de consommateur (en ce sens, C. BIQUET-MATHIEU, « Les sûretés personnelles », in Handboek consumentenkrediet, éd. E. Terryn, Die Keure, 2007, p. 213, n° 11 ; P. LETTANY, Het consumentenkrediet, Kluwer, 1993, p. 219, n° 252; M. VAN QUICKENBORNE, Borgtocht, A.P.R., Story Scientia, 1999, p. 173, n° 324).

Pour les crédits hypothécaires, l'article 147/26, § 1er, précise plus clairement que la section 10 consacrée aux sûretés, vise expressément les sûretés constituées par des tiers-consommateurs.

Dans les crédits réglementés, le CDE ne protège donc la sûreté que dans la mesure où il s’agit d’une personne physique ayant la qualité de consommateur au sens du CDE. L’assureur caution visé à l’article VII.146, alinéa 2, 3° n’est donc pas protégé. Les articles VII.107, §2 et VII.147/24, alinéa 4 s’appliquent néanmoins aux cautions non protégées. Elles doivent respecter le plan de facilités de paiement octroyé par le juge.

La solidarité comme sûreté

Depuis la réforme de 2010, les dispositions légales visent (sous quelques réserves – voir ci-avant) toute forme de sûreté. Cette expression englobe autant les sûretés réelles (gage, hypothèque) que les sûretés personnelles, qu’il s’agisse d’une caution de droit commun, d’une caution solidaire ou d’un codébiteur solidaire non concerné par le crédit dont la signature a été exigée à seule fin de garantie (solidarité-sûreté). La forme que revêt la sûreté importe donc peu.

En matière de crédit à la consommation, comme dans toute autre matière, le prêteur peut, dans le respect de certaines conditions (notamment relativement à son devoir d’information), exiger un engagement de solidarité-sûreté plutôt qu’un engagement de caution.

Le mécanisme de la solidarité-sûreté est envisagé par l’article 1216 du Code civil qui stipule que « Si l’affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions ».

Dans un tel cas, le codébiteur solidaire ne sera pas considéré comme un co-emprunteur ou un co-crédité au sens de la loi mais bien comme une sûreté personnelle. Les dispositions de la loi relatives aux sûretés personnelles et aux sûretés en général lui seront donc applicables et il appartiendra, le cas échéant, au juge de rectifier la qualité des parties mentionnées dans le contrat en fonction de leur rôle réel (BIQUET-MATHIEU C., « Les sûretés personnelles », in Handboek consumentenkrediet, éd. E. Terryn, Die Keure, 2007, p. 209, n° 4 et «Quand l'un des codébiteurs n'assume qu'un rôle de sûreté personnelle», not sub J.P. Termonde, 16 novembre 2006, Ann. Crédit 2006, 84). Ceci implique évidemment que les revenus du consommateur qui fournit cette garantie sous forme de solidarité, ne peuvent pas être pris en compte pour l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur effectif (BLOMMAERT D. et PLETINCKX Z., "L'appréciation de l'opportunité du crédit " note sub Cass., 7 janvier 2008, D.C.C.R., 2009 (83) p. 76).

L'article VII.70, § 1er, 14°, impose au prêteur de communiquer les informations relatives aux sûretés exigées avant la conclusion du contrat de crédit, dans le formulaire SECCI. Le prêteur doit donc préciser qu'il exige l'intervention d'un codébiteur à titre de sûreté. L'information doit également figurer dans le contrat de crédit conformément à l'article VII.78, § 3, 10°. Il s'impose donc de préciser dans le contrat que l'intervention de tel codébiteur est requise à titre de sûreté.

Jugé ainsi que c'est abusivement qu'a été qualifiée de consommateur n°2, la jeune femme qui accepte de signer aux côtés de son ami de l'époque avec lequel elle ne formait pas un ménage, un contrat de vente à tempérament portant sur l'acquisition d'un véhicule destiné exclusivement à cet ami. Son engagement doit être requalifié en un engagement de caution (Civ. Liège, 21 octobre 2011, J.L.M.B. 2014, 224.).

Les sûretés réelles

Les dispositions légales visent:

  • les sûretés personnelles, c’est-à-dire les tiers garants qui s’engagent à payer si le débiteur principal reste en défaut et qui sont par conséquent tenus personnellement à la dette d’autrui sur tout leur patrimoine et
  • les sûretés réelles c’est-à-dire les personnes qui consentent, en garantie de la dette d’autrui, une sûreté réelle telle qu’un gage, ou une hypothèque. L’on dit de ces garants réels qu’ils s’engagent propter rem, c’est-à-dire qu’ils n’affectent pas l’ensemble de leur patrimoine au désintéressement du créancier mais spécifiquement un ou plusieurs biens.

Avant la réforme de 2010, la question de savoir si les sûretés réelles étaient régies par la LCC, faisait l'objet de controverses. Depuis la transposition de la directive 2014/17 sur le crédit hypothécaire, tous les crédits hypothécaires garantis par une sûreté hypothécaire sont passés sous le régime du crédit hypothécaire qui contient des dispositions de protections des sûretés analogues. Les seules sûretés réelles qui sont encore visées par le régime de protection organisé pour les crédits à la consommation sont les sûretés réelles qui ne constituent pas des sûretés hypothécaires comme par exemple le contrat de gage. Le tiers qui donnerait un portefeuille de valeurs mobilières en gage pour garantir un crédit consenti à un consommateur bénéficiera donc de cette protection.

interdiction de la sûreté pour toutes sommes

Interdiction de la sûreté "omnibus" (pour toutes sommes)

En imposant la remise préalable à la sûreté d’un exemplaire du contrat de crédit, l’article VII.109 a limité l’objet de la garantie à un contrat de crédit déterminé dont l’instrumentum a déjà été rédigé par le prêteur et dont tous les éléments sont déterminés. Cette règle, identique dans les deux régimes réglementés, rend impossible la pratique du cautionnement « omnibus » ou de la sûreté « pour toutes sommes".

En effet, l'article VII.109, alinéa 1er fait obstacle à ce qu’une sûreté consentie à l’occasion d’un contrat de crédit antérieur, (qu'il s'agisse d'un crédit réglementé ou non), garantisse par la suite un crédit réglementé puisque dans une telle hypothèse l’exemplaire du contrat de crédit à la consommation n’aura pas été remis préalablement à la personne qui constitue la sûreté. De même, lorsque le prêteur exige l’octroi d’une sûreté à l’occasion de la conclusion d’un crédit réglementé, la sûreté devra être spécifique au crédit qu'elle garantit.

Comme le contrat est intangible, toute modification supposera un nouveau contrat et donc un nouvel engagement de la caution. Il n'est donc pas possible dans le cadre d'un crédit réglementé de faire souscrire un cautionnement omnibus ou une sûreté pour toutes sommes, couvrant toutes les dettes du consommateur envers le prêteur, nées de leurs relations contractuelles et éventuellement étrangères au contrat de crédit réglementé. Par ailleurs, selon un arrêt de la Cour d'appel de Mons dans un crédit non réglementé, l'hypothèque garantie pour toutes sommes, ne vaut que pour la durée de la relation bancaire entre les crédités et la banque (Mons (7ème Ch.), 27 mai 2013, Ann. Jur.2013, p. 139)

Cette règle n’interdit pas, par contre,que le consommateur emprunteur puisse, lui-même, établir une sûreté pour toutes sommes par exemple, une hypothèque pour toutes sommes à l’occasion d’une ouverture de crédit-cadre. L’interdiction ne vise en effet que les sûretés conférées par des tiers.

Application subsidiaire des dispositions du livre VI en matière de clauses abusives

Outre les dispositions prévues au livre VII, les sûretés personnelles peuvent bénéficier de la protection des dispositions du livre VI en matière de clauses abusives pour autant qu’elles revêtent la qualité de consommateur. Quelques décision récentes de la C.J.U.E. confirment que la réglementation des clauses abusives s'appliquent aux engagements de garantie souscrits par des consommateurs même s'il s'agit de garantir le remboursement de crédits à caractère professionnel (voy. arrêt du 19 novembre 2015 C.J.U.E, et arrêt du 27 avril 2017).

Application subsidiaire des règles en matière de cautionnement à titre gratuit

Le Code civil contient un titre XIV intitulé « Du cautionnement » (art. 2011 à 2043octies C. civ.) qui forme le droit commun en matière de cautionnement. Dans la mesure où le livre VII n’y déroge pas, ces dispositions sont bien évidemment applicables aux cautions garantissant un crédit à la consommation. Ainsi et par exemple, la signature de la caution doit, conformément à l'article 1326 C.c., être précédée de la formule manuscrite du «bon pour». Dans la mesure où le cautionnement d'un crédit à la consommation est le plus souvent un cautionnement à titre gratuit, c'est la mention requise par l'article 2043 quinquies § 3 qui devra être reprise (voir ci-après).

notion de cautionnement à titre gratuit

Notion de cautionnement à titre gratuit

La loi du 3 juin 2007 a inséré des dispositions en matière de cautionnement à titre gratuit dans le Code civil (art. 2043bis à 2043octies). Cette loi, entrée en vigueur le 1er décembre 2007, s’applique aux contrats de cautionnement conclus à partir de cette date. Il s’agit d’une législation protectrice visant à assurer un degré de protection renforcé à la personne qui s’est engagée sans contrepartie. Lorsque le cautionnement tombe dans le champ d’application de ces dispositions, il doit répondre aux règles du livre VII et aux formalités supplémentaires prescrites par le Code civil.

L’article 2043bis C. civ. définit le cautionnement à titre gratuit par référence à la définition retenue par la Cour d’arbitrage à l’occasion de son arrêt du 30 juin 2004 rendu dans le cadre du régime de l’excusabilité du failli (arrêt n° 114/2004). Conformément à cette jurisprudence, l’article 2043bis C. civ. prévoit que « la nature gratuite du cautionnement porte sur l’absence de tout avantage, tant direct qu’indirect, que la caution peut obtenir grâce au cautionnement ».

La Cour précise que les cautions à titre gratuit sont les « personnes qui ne poursuivent aucun avantage économique par le biais de leur caution ».

Il résulte de cette définition que les administrateurs ou gérants qui se sont portés caution des engagements de leur société ne peuvent pas prétendre aux mesures protectrices instituées en faveur de la caution à titre gratuit, ceux-ci percevant un avantage – à tout le moins indirect – à ce que le crédit soit octroyé. Dans cette conception, il en va de même du conjoint ou du compagnon du débiteur garanti (Liège, 14 octobre 2008, J.L.M.B. 2009, p. 751 - épouse séparée de biens) et d’un actionnaire, qui a vocation à recevoir des dividendes, parce qu'il a un intérêt à la bonne marche de la société en vue de faire fructifier son apport quand bien même, par la suite, cet investissement a perdu toute valeur (Mons, 21 novembre 2008, J.L.M.B. 2009, p. 753).

La jurisprudence des tribunaux de commerce rendue en matière de faillite ainsi que la doctrine vont dans ce sens également (voy. notamment, Comm. Turnhout, 10 janvier 2006, R.W., 2005-2006, p. 1312 ; Liège, 4 octobre 2005, J.L.M.B., 2006, p. 767 et note T. et P. CAVANAILLE ; Comm. Mons, 6 avril 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1381 ; B. MAILLEUX, « Bevrijding kosteloze borg », NjW, 2005, p. 939 ; P. MOREAU, « La loi du 20 juillet 2005 et la décharge des personnes qui se sont constituées sûreté personnelle – Nouvelles interrogations ? », R.G.D.C., 2006, p. 155, n° 3).

Le fait que la sûreté ait ou non stipulé une contreprestation concrète pour la constitution de la sûreté n’est donc pas déterminant. Conformément à l’article 2043ter C. civ., la charge de la preuve de l’absence de caractère gratuit de l’engagement de caution pèse sur le créancier.

Autres sûretés personnelles

Le Code civil définit en termes généraux le cautionnement à titre gratuit comme l’acte par lequel une personne physique garantit une dette principale au profit d’un créancier (art. 2043bis). Ce faisant, il semble ne pas exclure les autres catégories de sûretés personnelles puisque chacune des sûretés personnelles garantissent une dette principale. Toutefois, le nouveau chapitre V – « Du cautionnement à titre gratuit » comprenant les articles 2043bis à 2043octies est inséré dans le titre XIV relatif au cautionnement. Il convient donc de considérer que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’au cautionnement à l’exclusion des autres sûretés personnelles telle la solidarité-sûreté.

Formalisme de protection

Exigence d’un écrit distinct

L’article 2043quinquies, § 1, C. civ., impose que le contrat de cautionnement à titre gratuit fasse l’objet d’un écrit distinct du contrat principal. Le non-respect de cette formalité entraîne la nullité du cautionnement. En matière de crédit à la consommation, l’engagement de caution à titre gratuit ne peut donc pas être constaté dans le même document que le contrat de crédit garanti. L’objectif de cette formalité supplémentaire est d’attirer l’attention de la caution sur la portée de son engagement.

Mentions obligatoires

L’acte de cautionnement à titre gratuit doit par ailleurs contenir plusieurs mentions obligatoires (art. 2043quinquies, § 2 et 2043sexies, § 1e C. civ.). Il s’agit de la durée de l’obligation principale ou de la durée du cautionnement lorsque l’obligation garantie est à durée indéterminée et de la mention du montant garanti. Selon les cas, ces mentions sont prescrites à peine de nullité ou non. L’article 2043quinquies, § 4, prévoit que le Roi peut, après avis de la Commission consultative spéciale "Clauses abusives", déterminer d’autres mentions devant figurer dans le contrat ainsi que les informations relatives à l’obligation principale qui fait l’objet du cautionnement. L’article VII.109 ajoute à ces mentions obligatoires les informations concernant l’enregistrement à la Centrale des crédits aux particuliers.

Mention manuscrite

L'article 2013, quinquies, § 3 impose en outre une mention manuscrite de la caution

« En me portant caution de … dans la limite de la somme de … (en chiffres) couvrant le paiement du principal et en intérêts pour une durée de …, je m’engage à rembourser au créancier de … les sommes dues sur mes biens et sur mes revenus si, et dans la mesure où, … n’y satisfait pas lui-même »

(art. 2043quinquies, § 3 C. civ.). Cette mention est prescrite à peine de nullité et écarte la formalité du « bon pour » prévue à l’article 1326 du Code civil.

Durée du contrat

Tout comme en matière de crédit à la consommation, lorsque le cautionnement à titre gratuit garantit une obligation principale à durée indéterminée, il ne peut être consenti pour une durée supérieure à cinq ans. Cette même interdiction est reprise à l’article VII.109, § 3, alinéa 2.

Interdiction du cautionnement omnibus

Bien que les dispositions du Code civil ne prévoient pas expressément l’interdiction du cautionnement à titre gratuit pour toutes sommes, l’intention du législateur est très clairement exprimée en ce sens dans les travaux préparatoires de la loi.

Selon l’exposé des motifs, « Le cautionnement pour toutes dettes d’un débiteur envers un créancier conclu par une caution à titre gratuit n’est plus possible. En effet, il convient d’identifier clairement l’acte pour lequel la caution intervient. Il s’ensuit dès lors que si le débiteur principal entend obtenir un nouveau crédit auprès du vendeur, à savoir l’établissement de crédit, il conviendra de renouveler le contrat de cautionnement en raison du nouvel acte pour lequel la caution présente un caractère subsidiaire. La condamnation nette du cautionnement « omnibus » est ainsi soulignée » (Doc. Parl., Chambre, 2006-2007, n° 51-2730/01, p. 13). Cette intention est également soulignée dans le Rapport de la Commission (n° 51-2730, 03, p. 5) « Tout cautionnement souscrit par une personne physique doit être limité à l’engagement existant lors de la conclusion du contrat ».

Cette interdiction découle en outre de l’obligation d’indiquer, dans le contrat de cautionnement, la durée de l’obligation principale (art. 2043quinquies, § 2 du Code civil) ainsi que les informations relatives à l’obligation principale qui fait l’objet du cautionnement (qui doivent encore être précisées par arrêté royal conformément à l’article 2043quinquies, § 4 du Code civil). Il se déduit en effet de ces dispositions que la dette cautionnée doit être déterminée dans l’acte.

Montant garanti

Lorsque le cautionnement est consenti à titre gratuit, il convient de combiner l’article VII.109 avec les articles 2043sexies, § 1e et 2043quinquies, § 3 du Code civil. Conformément à l’article 2043sexies, § 1er du Code civil, lorsqu’un cautionnement à titre gratuit garantit une dette déjà déterminée quant à son montant (ce qui est le cas en crédit à la consommation sauf pour les ouvertures de crédit), l’étendue du cautionnement se limite à la somme indiquée au contrat, augmentée des intérêts au taux légal ou conventionnel sans toutefois que ces intérêts ne soient supérieurs à 50% du montant principal. Ce plafond de 50% concerne tant les intérêts de retard que les intérêts rémunératoires stipulés en contrepartie du crédit. Cette disposition exclut par ailleurs que le créancier réclame d’autres frais ou indemnités. La sanction du non-respect de cette disposition est la nullité du cautionnement.

L’article 2043quinquies, § 3 du Code civil impose quant à lui, une mention manuscrite qui doit contenir le montant total que la caution accepte de garantir en principal et intérêts. Il en résulte que si le créancier entend réclamer à la caution des intérêts conformément à ce qui est autorisé par l’article 2043sexies, § 1er du Code civil celui-ci devra chiffrer forfaitairement le montant des intérêts garantis afin de l’intégrer dans le montant total garanti par la caution. La règle est donc plus stricte que celle qui est prévue par l’article VII.109.

Disproportion manifeste

Le Code civil sanctionne de nullité le cautionnement manifestement disproportionné aux facultés de remboursement de la caution, cette faculté devant s’apprécier tant par rapport aux biens meubles et immeubles de cette dernière que par rapport à ses revenus (art. 2043sexies, § 2 C. civ.).

La sanction attachée au non-respect de cette disposition est extrêmement sévère puisque, s’il apparaît qu’au moment où la caution s’est engagée son engagement était disproportionné, celui-ci sera déclaré nul et non simplement réduit.

Le caractère « manifeste » de la disproportion est laissé à l’appréciation du juge. La caution qui s’est engagée à titre gratuit dans le cadre d’un crédit à la consommation pourra trouver plus opportun d’invoquer l’article 2043ter plutôt que la violation du devoir de conseil du prêteur réglé par le livre VII.75 ou VII.77. Dans une décision du 19 février 2007, le tribunal de commerce de Bruges décide que le caractère manifestement disproportionné est démontré par le fait que la caution ne pourrait plus mener une vie conforme à la dignité humaine.

«Le tribunal est d'avis qu'il existe une disproportion entre les obligations du garant et ses revenus et avoirs s'il devait être établi que le garant ne serait plus en mesure de mener une existence décente avec ses revenus et / ou ses avoirs, après qu'il ait satisfait à ses obligations de garant avec ces revenus et ce patrimoine. Ce sera donc le cas si le garant, après exécution de son engagement, ne peut plus se procurer un logement et des moyens de subsistance normaux et acceptables pour lui-même ainsi que pour les membres de sa famille dont il est responsable » (RW, 2008-2009, 17 janvier 2009, n ° 20).

L’information de la caution à titre gratuit

L’article 2043septies, alinéa 1er du Code civil prévoit une obligation dans le chef du créancier d’informer la caution à titre gratuit au moins une fois par an en cas d’exécution régulière du contrat par le débiteur principal.

Selon les travaux préparatoires, « La caution se doit également d’être informée par le créancier du paiement de la dette par le débiteur afin que celle-ci soit informée de sa libération, ce qui lui permet de connaître plus spécifiquement les obligations qu’elle sera tenue de remplir et celles qui se sont éteintes par le paiement par le débiteur » (Doc. Parl., Chambre, 2006-2007, n° 51-2730/01, p. 16).

Le Rapport de la Commission précise que « La caution doit obtenir sans frais, de la part du créancier, les informations relatives à l’évolution de la dette garantie » (Doc. Parl., Chambre, 2006-2007, n° 51-2730/03, p. 5). L’article 2043septies, alinéa 2 du Code civil prévoit un devoir d’information de la caution en cas de défaut de paiement du débiteur principal : « Toute communication concernant l'inexécution des obligations faite au débiteur par le créancier doit être effectuée simultanément et dans les mêmes formes à la caution. A défaut, le créancier ne peut se prévaloir de l'accroissement de la dette, à dater de sa défaillance ».

Le décès de la caution à titre gratuit

Conformément à l’article 2043octies du Code civil, les obligations des héritiers d’une caution à titre gratuit sont limitées à leur part d’héritage. Les héritiers d’une caution ne sont pas tenus au-delà de ce qui leur échoit. L’article 2043octies, deuxième alinéa, prévoit en outre la divisibilité de l’engagement de caution entre les héritiers et ce, même si l’acte de cautionnement prévoyait l’indivisibilité.

Les mesures de clémence prévues par les législations sur les faillites et le règlement collectif de dettes

Des mesures spécifiques de clémence ont été édictées par le livre XX (voy. XX.176) et par le Code judiciaire (art. 1675/16 bis) au profit des sûretés personnelles à titre gratuit du failli ou de la personne en règlement collectif de dettes indépendamment du caractère privé ou professionnel de la dette principale. Ces sûretés personnelles peuvent être déchargées de tout ou partie de leur engagement si elles démontrent que leur engagement est disproportionné à leur patrimoine et à leurs revenus. Contrairement au régime applicable pour les crédits réglementés (en cas de manquement au devoir de conseil du prêteur) ainsi qu’au régime des cautions à titre gratuit du Code civil, la disproportion est appréciée au moment où la demande de décharge est portée devant le juge, et non au moment où l’engagement est consenti.

 

 

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