Exclusions

Article VII.3, § 2, 1° Assurances et prestations continues de services

Le texte légal

Le présent livre ne s'applique pas : 1° aux contrats d'assurance ainsi qu'aux contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, tant qu'ils sont fournis, par des paiements échelonnés;

Commentaire

Cette exception figurait déjà dans la directive 87/102/CEE du 22 décembre 1986 et dans le texte initial de la loi du 12 juin 1991. La directive 2008/48/CE justifie l'exception par la considération que ces contrats "peuvent être considérablement différents des contrats de crédit relevant de la présente directive, du point de vue des intérêts des parties contractantes et des modalités et de l'exécution des transactions". Selon l'exposé des motifs de la loi du 13 juin 2010, la doctrine et la jurisprudence antérieure à la dernière modification reste d'application (Doc. Parl., Ch. Repr., Sess. n°52, 2468/001, p. 25 et 26 : "Pour le surplus, il est renvoyé à la doctrine et à la jurisprudence existantes qui restent valables intégralement. L’exception est d’interprétation restrictive : si “les services (…) ne sont pas payés au fur et à mesure de leur prestation mais que le prix de ces services, fixé préalablement, est acquitté par paiements mensuels porteurs d’intérêts” il peut en être déduit que le contrat n’a pas pour objet la “prestation continue de services” ou des services continus (voir Cass. 29 novembre 2001 et les travaux préparatoires de la loi du 24 mars 2003 modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation)".

La condition de fond de l'exception est qu'il existe une relation entre le prix échelonné et l'usage du service ou la livraison du bien. L'Exposé des Motifs de la loi du 24 mars 2003 précisait : "puisque le consommateur ne doit payer qu’en fonction de la fourniture des services prestés, le prix global ou le tarif global du contrat ne peut, en principe, jamais être fixé à priori. Si tel était le cas, on pourrait en déduire que les paiements à effectuer ne sont pas déterminés en fonction du service presté mais au contraire en fonction de ce prix global ou de ce tarif global, et donc constitueraient une facilité de paiement telle que visée dans la définition du contrat de crédit. En d’autres termes, si un contrat conclu en vue de la prestation continue de services prévoit un prix global prédéterminé, mais avec paiement échelonné, il constitue bien un contrat de crédit au sens de la loi du 12 juin 1991. Ainsi la vente à tempérament de cours ou leçons par correspondance est bien soumise à la loi lorsque pour ceux-ci un règlement de paiement sur la base d’un prix global ou d’un tarif global est prévu, ou qu’un prix global ou un tarif global résulte du contrat. Il en est de même par exemple pour les contrats d’entretien" (Doc.Parl., Chambre, 2002/2003, 1730/001, p. 13).

Le juge de paix de Tielt a écarté cette exclusion et a donc appliqué la LCC à un contrat de vente par correspondance de cours de secrétariat médical. L'affaire s'est poursuivie jusqu'en cassation. L'arrêt du 21 novembre 2001 de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi (J.P. Tielt, 17 juin 1996, Ann. Crédit, 1996, p. 141). L'administration chargée du contrôle de l'application des dispositions légales, considère qu'est un contrat de crédit, le contrat d'inscription d'un consommateur à un centre de fitness qui lui impose une durée d'un an mais lui permet de s'acquitter du prix en douze mensualités calculées indépendamment de l'utilisation des services (contra : J.P. Aarschot, 17 septembre 2012, Ann. Jur. 2012, p. 25 et note Gijsbrechts S., mais la décision ne permet pas d'apprécier quelles sont exactement les conditions de l'abonnement).

L'exception suppose donc que la livraison des biens ou la prestation ne soit pas artificiellement répartie dans le temps, et que le prix payé dans le temps corresponde à l'usage par le consommateur (ou soit impossible à déterminer à l'avance précisément en raison de cet usage). Tomberont donc en dehors du champ d'application de la loi, les abonnements aux journaux ou revues, "les contrats de fourniture d'électricité, les contrats d'approvisionnement de gaz, d'eau, de fuel domestique, de chauffage central, les contrats prévoyant le paiement fractionné des frais de scolarité ou des abonnements de train, tram, bus" (Doc. Parl., Sénat, 1989/1990, 916/1, p. 9).

Quant aux contrats d’assurance, l’exception était présente dans le texte initial de la loi depuis 1991. Elle permet d'écarter l'application de la loi pour les primes d'assurances annuelles payées par fractionnement sur l'année. En réalité, cette exception constitue une application de l'exception visant les contrats portant sur la prestation continue de services. C'est d'ailleurs ce qu'expose le considérant (12) de la directive 2008/48/CE.

Article VII.3, § 2, 2° : contrats de location

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas : 2° contrats de location dans lesquels l'obligation d'acheter l'objet du contrat n'est prévue ni dans le contrat lui-même ni dans un contrat séparé. Une telle obligation est réputée exister si le bailleur en décide ainsi unilatéralement.

Commentaire

Dans le contrat de location, les loyers représentent la contrepartie de la jouissance du bien. Il existe donc une évidente parenté entre le loyer d'un bien mobilier et l'intérêt d'un prêt qui rémunère la jouissance du montant du crédit. Dès lors qu'un bien de consommation courante a une durée de vie limitée, le total des loyers payés finit, par l'écoulement du temps, à être égal au prix d'achat du bien. Le crédit-bail intègre ces deux réalités dans une convention qui permet la jouissance du bien moyennant un loyer calculé sur la valeur du bien et son amortissement. Cette convention est régie par le CDE qui en donne la définition à l'article I.9, 47°. La caractéristique essentielle du crédit-bail est la faculté reconnue au consommateur de se porter acquéreur du bien. Le contrat qui procure à un consommateur la jouissance d'un bien sans lui réserver explicitement ou tacitement la faculté de l'acquérir au terme du contrat, n'est pas un contrat de crédit mais un contrat de location.

L'article 2, 2., f), de la directive 2008/48/CE écarte de son champ d'application les contrats de location ou de crédit-bail dans le cadre desquels l'obligation d'acheter l'objet du contrat [Selon la version anglaise : “an obligation to purchase the object of the agreement”] n'est prévue ni par le contrat lui-même ni par un contrat séparé. La directive ne vise donc que les contrats de location ou de crédit-bail qui imposent au consommateur d'acquérir le bien au terme du contrat. Lors de la transposition, le législateur belge a limité l'exception, aux seuls contrats de location qui ne comportent pas d’obligation d’achat. Le crédit-bail même s'il ne comporte qu'une offre d'achat (I.9,47°) et non une obligation d'acheter, reste soumis à la loi.

Il y a donc une certaine ambiguïté entre la définition reprise à l'article I.9, 47° et l'exception reprise à l'article VII.3, § 2, 2°. Un contrat de location qui ne comprend qu'une faculté d'achat ne serait pas soumis à la loi (art. VII.3, § 2, 2°) mais pourrait néanmoins être considéré comme un crédit-bail au sens de l'article I.9, 47°. Le législateur ne semble pas avoir perçu cette contradiction.

C'est la réalité économique qui doit être considérée. La qualité du bailleur (distributeur ou prêteur), la durée du contrat, le montant du loyer en rapport avec la valeur du bien et la nature du bien sont autant de paramètres qui permettront de distinguer une location pure où le bailleur entend récupérer le bien au terme du contrat et une opération envisagée essentiellement sous l'angle financier. Dans la formulation actuelle de la loi, les cas ambigus devraient conduire à considérer qu’il s’agit d’un contrat régi compte tenu de la définition très large de l'article I.9, 47°.

D'autre part et même s'il s'agit d'un contrat de location pure, le contrat peut impliquer l'existence d'un crédit si le paiement du loyer s'étend au-delà de la jouissance effective du bien. Sous la règlementation antérieure, l'administration a considéré que la loi était applicable à une convention de location d'une maison pendant trois semaines de vacances moyennant le paiement du loyer réparti sur une période d'une année.Elle avait également considéré comme un contrat de crédit régi (LCC) et non un contrat de location, la vente avec paiement échelonné d'un service d'un club de rencontre comprenant la disposition d'un appartement à raison de deux semaines à choisir sur deux années.

Un contrat de location d’immeuble comportant la faculté pour le preneur d’acheter l’immeuble est en principe un contrat de location où l’option d’achat ne constitue pas un crédit. On peut imaginer cependant des hypothèses où tout ou partie des loyers payés vient en déduction du prix d’achat en cas de levée de l’option. Dans la mesure où l’exception de l’article VII.3, § 2, 2°, vise les contrats de location sans obligation d’achat dans le chef du preneur, ce type de contrat devrait se situer en dehors du champ d’application des régimes réglementés. Il n’en irait pas de même en cas d’option de vente dans le chef du bailleur si cette option impose au preneur d’acheter sur la décision unilatérale du bailleur de lever l’option. En effet, selon la disposition «Une telle obligation (d’achat) est réputée exister si le bailleur en décide ainsi unilatéralement». Encore faut-il en pareil cas que le bailleur-vendeur soit considéré comme un prêteur au sens du CDE.

Article VII.3, § 2, 3° : crédits sans intérêts de moins de deux mois

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

3° aux contrats de crédit à la consommation sans intérêt pour lesquels le crédit prélevé est remboursé dans un délai ne dépassant pas deux mois, et pour lesquels le prêteur demande des frais inférieurs à 4,17 euros sur base mensuelle. Ces frais comprennent les coûts visés à l'article I. 9, 41°, au besoin calculés sur base des éléments visés à l'article I. 9, 42°.

Le montant du seuil est indexé au 1er janvier de chaque année sur base de la formule suivante : 4,17 euros multipliés par le nouvel indice et divisés par l'indice de départ. Le nouvel indice est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre de l'année précédente et l'indice de départ est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre 2010. Le montant indexé est arrondi conformément aux règles qui sont d'application pour l'arrondissement du taux débiteur en vertu de l'article I. 9, 44°. Le Roi peut modifier le montant de ce seuil.

Commentaire

Cette exception ne concerne que les contrats de crédit à la consommation. En application de l'indice des prix à la consommation, le montant du seuil de 4,17 euros, visé à l'article VII. 3, § 2, 3° du code de droit économique, est, à partir du 1er janvier 2024, fixé à 5,75 euros.

Cette disposition a été introduite à l'occasion de la transposition de la directive 2008/48/CE. Le législateur belge a élaboré une exception plus restrictive que ce que prévoit l'article 2, 2, f), de la directive. Alors que la directive prévoit trois mois, le législateur a réduit ce délai à deux mois, "parce que cette période correspond en pratique au délai dans lequel un décompte est effectué et un paiement est demandé pour les cartes accréditives ou cartes de fin de mois" (Exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. Repr., Sess 53, 3429/001, p. 26). C'est qu'en effet, l'exception tend essentiellement à écarter du champ d'application de la loi les cartes accréditives ou de fin de mois évoquées au considérant (13) de la directive ("La présente directive ne devrait pas s'appliquer à certains types de contrats de crédit, tels que les cartes à débit différé, dont les conditions prévoient le remboursement du crédit dans un délai de trois mois et la facturation de frais négligeables").

L'article 2, 2, f), de la directive suppose que le crédit soit consenti sans intérêt et qu'il ne comporte que des frais négligeables. Le législateur belge a choisi de fixer le plafond indexé  au-delà duquel les frais ne peuvent pas être tenus pour négligeables : "Des calculs sur la base de la méthodologie du taux annuel effectif global ont démontré que des montants supérieurs conduisent à des taux de 20 p.c. et plus" (Exposé des motifs, Doc.Parl., Ch. Repr., Sess 53, 3429/001).

Cette précision a été apportée pour combattre la pratique des mini crédits ou crédits sms. Initialement, des sociétés proposaient des mini crédits avec des frais de 49,99 euros parce qu’elles avaient compris que des crédits sans intérêts allant jusqu’à deux mois et pour moins de 50 euros de frais tombaient en dehors du champ d’application de la loi relative au crédit à la consommation. Ainsi pensaient-elles également que les taux annuels effectifs globaux maxima (TAEG), qui étaient largement dépassés en raison des frais relativement élevés, n’étaient pas applicables. La LCC a été clarifiée par la loi du 2 aoüt 2012 modifiant l'article 3, § 1er, 3°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation en ajoutant le montant maximum des frais mensuels. Certaines  entreprises ont à nouveau tenté de contourner les maxima légaux en qualifiant les frais demandés de sûretés «optionnelles». Cependant, le SPF Economie s'est opposé catégoriquement à ce raisonnement. En effet, lorsque le consommateur doit, par exemple, choisir entre une assurance ou une garantie et une sûreté personnelle, cette assurance ou garantie est alors, pour le consommateur qui ne trouve pas de sûreté personnelle, une condition pour obtenir le crédit. Dans ce cas, les frais de cette assurance ou garantie sont alors également des coûts du crédit. Si ces coûts, ajoutés aux autres coûts du crédit, s’élèvent à 4,17 euros (à indexer; 5,75 euros à partir du 1er janvier 2024) ou plus, ces mini crédits tombent alors sous la loi et les taux annuels effectifs globaux sont dépassés.

Les cartes accréditives

Les cartes accréditives sont particulièrement visées par cette exception. La carte accréditive est une ouverture de crédit liée à une carte magnétique qui permet au consommateur de prélever de l'argent ou de payer des achats à concurrence d'une limite maximum avec l'obligation de rembourser le montant total prélevé au cours du mois écoulé. La question de savoir si ce type de crédit était visé par la LCC avant la transposition de la directive 2008/48 faisait l'objet de controverses (voy. Trib. Arr. Bruxelles, 5 novembre 2007, J.J.P. 2009, 262 et note LOLY J., "La carte accréditive: une ouverture de crédit réglementée au sens de la loi sur le crédit à la consommation ?", 264). L'exclusion des cartes accréditives qualifiées également de carte de débit différé est donc sans ambiguïté visée par l'exception dans les limites de celle-ci : délai de paiement maximum de 2 mois et frais dans la limite du plafond fixé par la disposition commentée.

Article VII.3, § 2, 4° : Accords devant une autorité

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

4° les contrats de crédit à la consommation qui résultent d'un accord intervenu devant une juridiction ou toute autre autorité instituée par une loi;

Commentaire

Selon l’exposé des motifs de la loi du 19 avril 2014 : « L’article VII. 3, § 2, 4° reprend textuellement une disposition existante de la directive 2008/48/UE. Dans la loi de transposition du 13 juin 2010, il a été estimé que la disposition était superflue, étant donné qu’une décision judiciaire, par définition, ne constitue pas un contrat de crédit. Ce ne serait pas toujours le cas dans certains cas exceptionnels d’arbitrage» (Doc.Parl., Ch. Repr., Sess 53, 3429/001, p. 21).

L’exception ne vise que les crédits à la consommation. La directive 2014/17/UE prévoit cependant également cette exclusion à l’article 3.2.(e). Dans l’état actuel du texte et compte tenu du caractère d’harmonisation minimale de la directive 2014/17/UE, force est de constater que le crédit hypothécaire qui résulterait d’un accord intervenu devant une juridiction ou de toute autre autorité instituée par une loi pourrait être un contrat de crédit réglementé, lorsqu’il règle un différend entre un prêteur et un consommateur.

Article VII.3, § 2, 5° : Courtage matrimonial

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

5° aux contrats de courtage matrimonial qui tombent sous l'application de la loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et à contrôler les activités des entreprises de courtage matrimonial;

Commentaire

L'activité de courtage matrimonial fait l'objet de mesures spécifiques d'encadrement. La loi du 9 mars 1993 impose notamment le paiement fractionné du prix au fur et à mesure de la prestation du service. Il avait été prévu dès l'adoption de la loi sur le courtage matrimonial en 1993, que ce fractionnement ne pouvait avoir pour conséquence de transformer le courtage matrimonial en une vente à tempérament. Le fractionnement est imposé par la loi et ne résulte pas donc d'un accord entre parties. Il s'agit d'une prestation continue de services dont la loi impose un paiement au fur et à mesure de la prestation du service presté. A ce titre, il paraît davantage relever de l’article VII.3, § 2, 1°.

Article VII.3, § 2, 6° : Délai de paiement d'une dette existante

Le présent livre ne s'applique pas :

6°contrats de crédit à la consommation liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d'une dette existante ;

Commentaire

Cette exception particulièrement ambigüe ne vise que les crédits à la consommation. On en conclut, a contrario, qu’un délai de paiement consenti sans frais pour le règlement d’une dette existante pourrait constituer un crédit hypothécaire. Ceci suppose soit qu’il y ait constitution d’une sûreté hypothécaire, soit que la dette existante est une dette qui avait pour objet l’acquisition ou la conservation de droits réels immobiliers.

Le mot «frais» évoqué dans cette disposition vise autant les frais que les intérêts. Le crédit sans frais ni intérêt, consenti pour rembourser une dette hypothécaire ou avec une sûreté hypothécaire sera en principe un crédit régi et ne pourra bénéficier de l’exception. Encore faut-il qu’il soit consenti par un prêteur au sens de la loi ce qui permet de penser que l’hypothèse est relativement théorique.

Cette exception a été introduite dans la LCC par la loi du 13 juin 2010 transposant la directive 2008/48/CE. Elle est directement issue de la directive qui écarte de son champ d’application les délais de paiement consentis sans frais pour le paiement d’une dette existante (article 2.2.j). Avant la loi du 13 juin 2010, il avait toujours été considéré que l’octroi de termes et délais pour le paiement d’une dette existante n’était pas un crédit au sens de la loi.

La directive 2008/48/CE confirme cette approche d’une manière maladroite. On pourrait déduire a contrario de la formulation que si le créancier réclame des frais ou des intérêts pour consentir aux termes et délais demandés par le débiteur, cet accord constituerait un contrat de crédit soumis à la loi.

Il faut lever une première ambiguïté. La définition ne parle que de frais et non pas d’intérêt («charge» dans la version anglaise). Le mot anglais «charge», qui n’est pas défini dans la directive, couvre aussi bien les intérêts que les frais. Il renvoie en effet à la définition du TAEG («annual percentage of charge») qui, elle-même, renvoie au coût total du crédit pour le consommateur qui comprend tous les coûts y compris les intérêts. L’article 2.2, f), conforte cette analyse: il y est question du crédit «free of interests and any other charges». On peut donc en conclure que les délais de paiement sont exclus pour autant que le coût total du crédit et donc le TAEG soient égaux à 0 (ni frais, ni intérêts).

Le second aspect de la définition est qu’il vise une dette existante et non un contrat de crédit existant. Il ne s’agit donc pas de modifier la durée du remboursement d’un contrat de crédit en cours mais d’accorder un délai de paiement pour une dette déjà échue (J.P. Oudenaarde-Kruishoutem, 16 octobre 2013, J.J.P., 2015, p. 426-436). Dans le premier cas, il y a renégociation du contrat. Compte tenu du fait que le contrat de crédit est un contrat qui exige un formalisme ad probationem, il faut en pareil cas respecter les dispositions des articles 10 et suivants de la LCC et conclure un nouveau contrat de crédit.

Par ailleurs la directive parle d’un contrat de crédit lié au délai de paiement consenti sans frais (credit agreements which relate to the deferred payment, free of charge, of an existing debt). Cette définition peut viser plusieurs hypothèses: le délai de paiement peut-être consenti par le prêteur pour un contrat de crédit à la consommation que le consommateur reste en défaut de rembourser. Il peut également s’agir d’un délai de paiement accordé par un vendeur ou un prestataire de service pour une dette échue et impayée sans qu’aucun crédit n’ait été consenti. On peut enfin penser que la définition vise un crédit à la consommation expressément consenti pour le paiement d’une dette échue. Dans cette dernière interprétation cette exception serait redondante puisqu’il est déjà précisé à l’article 2.2., f) de la directive qu’elle ne s’applique pas aux crédits consentis sans intérêts et sans autres frais.

La définition vise donc les termes et délais consenti par le créancier à son débiteur - consommateur, pour une dette échue qu’il s’agisse de la dette résultant d'un crédit à la consommation ou d'une autre dette résultant d'une vente ou d'une prestation de service. La concession d’un terme ou de délais de paiement n’entraine pas novation (H. De Page, Traité, Tome III, n° 590).

Or, la directive 2008/48/CE contient une série de dispositions qui s'appliquent en cas de défaut de paiement. Ainsi, les informations précontractuelles doivent préciser le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement, ainsi que les modalités d'adaptation de celui-ci et, le cas échéant, les frais d'inexécution (article 5, 1, l), et article 6, 1, i). Cette information doit également figurer dans le contrat de crédit (article 10, 2, l). La directive admet donc que le contrat de crédit puisse contenir des dispositions qui aggraveront le sort du consommateur en cas d'inexécution ou de retard de paiement.

Appliquer ces dispositions en cas de termes et délais consentis au consommateur n'est pas conclure un nouveau contrat de crédit. C'est la simple mise en œuvre des dispositions contractuelles existantes que les délais consentis ne font pas disparaître par novation. Ceci vaut pour la dette résultant d'un crédit à la consommation comme pour n'importe quelle dette. Cela vaut également pour les conséquences voulues par la loi en cas d'inexécution des obligations. Ainsi, la mise en demeure entraîne la débition des intérêts moratoires.

Si un créancier soumet son accord aux délais de paiement demandés par le consommateur à des conditions différentes de celles que prévoit le contrat initial (par exemple par ce qu’il exige un intérêt de retard plus élevé que ce qui est contractuellement convenu (ce qui ne peut se concevoir que pour une dette autre qu'une dette de crédit à la consommation puisque le Code interdit de réclamer au consommateur d'autres intérêts et frais que ceux qui sont expressément autorisés), il consent donc un crédit régi par la directive. Si, par contre, il se borne à poursuivre l’exécution des dispositions contractuelles prévues en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution, il ne consent pas un contrat de crédit régi, même si ces dispositions contractuelles comportent des pénalités sous forme d’intérêt de retard ou d’indemnité forfaitaire pour inexécution.

Un régime d’application partielle (particulièrement complexe) est en outre prévu pour les contrats de crédit (première condition) pour lesquels le consommateur est déjà en situation de défaut de paiement (deuxième condition) et qui feraient l’objet d’une renégociation en ce qui concerne non seulement les délais de paiement mais également les modes de remboursement. Pour ces contrats, le régime partiel est possible si l’accord permet d’éviter une procédure judiciaire et pour autant que le consommateur ne soit pas soumis à des conditions moins favorables que le contrat de crédit initial.

La disposition ambiguë de la directive semble donc devoir être interprétée comme un développement de l’exception générale de l’article 2, (2), f). Les termes et délais ne sont pas un contrat de crédit, sauf si le délai de paiement est assorti de nouvelles modalités financières. Dans ce cas, il y a un délai de paiement nouveau qui se substitue à la dette initiale.

Cette interprétation est confirmée par la Cour de justice dans son arrêt du 8 décembre 2016. Après avoir rappelé que le cout total du crédit comprend tous les intérêts et les frais, la CJUE a décidé que :

"lorsque, par un accord qui prévoit de nouvelles conditions de paiement d’une dette existante, le consommateur s’engage non seulement à rembourser le montant total du crédit mais également à payer des intérêts ou des frais n’ayant pas été prévus par le contrat initial aux termes duquel le crédit non remboursé a été accordé, un tel accord ne saurait être considéré comme étant consenti « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48. Dès lors, Un tel accord, qui prévoit l’obligation pour un consommateur de payer les frais d’une agence de recouvrement de créances, en l’occurrence Inko, qui n’étaient pas prévus par le contrat initial de crédit, ne saurait être considéré comme étant lié à un délai de paiement consenti « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 et ceci, même si ces montants ne dépassent pas ceux qui seraient exigibles en l’absence d’accord entre les parties, conformément à la réglementation nationale applicable à la suite d’un retard de paiement"

Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde question que l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’un accord de rééchelonnement d’un crédit, qui est conclu, à la suite de la défaillance du consommateur,entre celui-ci et le prêteur par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement, n’est pas consenti « sans frais », au sens de cette disposition, lorsque, par cet accord, le consommateur s’engage à rembourser le montant total de ce crédit et à payer des intérêts ou des frais n’ayant pas été prévus par le contrat initial aux termes duquel ledit crédit a été accordé.

(Affaire C-127/15 - Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 8 décembre 2016 - Verein für Konsumenteninformation contre INKO, Inkasso GmbH, point 37 à 41).

Le juge de paix de Audenarde Kruishoutem a écarté l’exception de l’article VII.3, §2, 6° dans l’hypothèse suivante: un consommateur achète des fauteuils lors d’une visite dans la salle d’exposition du vendeur. Le lendemain, le vendeur, agissant comme intermédiaire de crédit, fait signer au consommateur un contrat de crédit. Saisi d’un litige, le prêteur soutenait que la convention de crédit échappait à l’application de la LCC par application de l’article 3, §1, 9° (=VII.3, §2, 6°). Le juge rappelle que cette disposition vaut uniquement pour des créances déjà échues et que le nouveau délai est convenu sans ajouter de frais et d’intérêts. Le juge constate qu’en le prix des meubles n’était pas encore échu au moment de la conclusion du contrat de crédit (JP. Audenarde-Kruishoutem, 16 octobre 2013, JJP, 2015, 426).

Article VII.3, § 2, 7° : Mont-de-piété

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

7°aux contrats de crédit octroyés par les monts-de-piété visés par la loi du 30 avril 1848 sur la réorganisation des monts-de-piété;

Commentaire

L’exclusion prévue par l'article 3, § 1, 10° de la L.C.C. reprend l'exclusion prévue à l'article 2, 2, k) de la directive 2008/48/VE pour "les contrats de crédit pour la conclusion desquels il est demandé au consommateur de remettre un bien en la possession du prêteur pour sûreté de sa dette, la responsabilité du consommateur étant strictement limitée à ce bien donné en gage". La directive exclut ainsi tous les prêts sur gage qu'ils soient ou non consentis par des organismes publics sans but de lucre. Le législateur belge a limité l'exception aux monts-de-piété qui tombent sous le statut et le contrôle de la loi du 30 avril 1848. Les autres prêts sur gage restent dans le champ d’application de la L.C.C., comme ils l'ont toujours été depuis l'adoption de la loi en 1991. L’exception ne concerne que les crédits à la consommation s’agissant d’un prêt sur un gage mobilier par définition.

Article VII.3, § 2, 8° : Contrats de time-sharing

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

9° aux contrats de crédit sans intérêts et sans frais qui tombent sous l'application de l'article 18 de la loi du 28 août 2011 relative à la protection des consommateurs en matière de contrats d'utilisation de biens à temps partagé, de produits de vacances à long terme, de revente et d'échange.

Commentaire

L'article 18 de la loi du 28 août 2011 relative à la protection des consommateurs en matière de contrats d'utilisation de biens à temps partagé, de produits de vacances à long terme, de revente et d'échange impose de fractionner le prix des contrats de produits de vacances à long terme selon un calendrier en manière telle que "les paiements, y compris toute cotisation, sont divisés en annuités, chacune étant d'égale valeur. Il aurait été possible de voir dans cette règle une forme de crédit dans la mesure où le prix est étalé dans le temps. Selon l'exposé des motifs, comme le présent projet de loi assure un haut niveau de protection du consommateur, il a été considéré que les contrats de produits de vacances à long terme (qui, du fait de l’échelonnement obligatoire du paiement, sont des contrats de crédit) ne doivent pas être soumis aux règles de protection prévues en matière de contrats de crédit à la consommation" (Doc. Parl., Chambre, Sess. N°53, 1458/001, p. 31). Le texte tend donc à écarter l'application de la loi aux contrats de vacances à long terme dès lors qu'ils sont consentis sans intérêts ni frais. Ceci revient à appliquer au contrat de vacances à long terme la même règle qu'en ce qui concerne le courtage matrimonial : le fractionnement du prix du produit n'est pas un crédit réglementé. Si le vendeur du contrat de vacances à long terme entend par contre calculer des intérêts spécifiques calculé en proportion du fractionnement imposé par la loi, le contrat de vacances à long terme devra respecter les dispositions du CDE.

L’exception garde sa pertinence dans le nouveau régime de crédit hypothécaire : on pourrait en effet considérer qu’à défaut, il pourrait s’agir d’un crédit hypothécaire si le contrat de time sharing a pour objet d’assurer le financement de l’acquisition ou de la conservation de droits réels immobiliers. Si le vendeur du contrat de vacances à long terme entend calculer des intérêts spécifiques calculés en proportion du fractionnement imposé par la loi, le contrat de vacances à long terme devra respecter les dispositions relatives aux crédits hypothécaires (I.9, 53/1°, 2ème alinéa, a).

Article VII.3, § 2, 9° : Les crédits consentis par les établissements d'enseignement

Le texte de l'exception

Le présent livre ne s'applique pas :

9° aux contrats de crédit à la consommation qui sont accordés, dans un but d'intérêt général, à un public restreint et à un taux d'intérêt inférieur à celui pratiqué sur le marché, ou sans intérêt, ou à d'autres conditions qui sont plus favorables au consommateur que celles en vigueur sur le marché et à des taux d'intérêt qui ne sont pas supérieurs à ceux pratiqués sur le marché, et qui prennent la forme d'une aide financière aux études et sont octroyés par un établissement d'enseignement agréé comme tel par la Communauté compétente.

Commentaire

Cette disposition a été apportée au CDE par la loi du 30 juillet 2018 portant dispositions diverses en matière d'économie.

Pour être soustrait à l'application du Livre VII, CDE, le crédit doit satisfaire à plusieurs conditions :

  1. le crédit doit être consenti par un établissement d'enseignement agréé par la communauté dont il dépend;
  2. il ne peut être consenti qu'à un public restreint, soit en l'espèce, les étudiants de cet établissement;
  3. le crédit doit avoir pour but d'aider à la poursuite d'études dans l'établissement concerné;
  4. le crédit doit être accordé soit à un taux inférieur à celui pratiqué sur le marché, soit à un taux équivalent mais à des conditions plus favorables.

Cette exception a été introduite par un amendement justifié comme suit : "Cette exclusion totale se justifie par le fait que les activités des établissements d’enseignement font déjà l’objet d’un contrôle de la part du pouvoir organisateur et qu’une réglementation régionale spécifique s’applique déjà à ces activités. En outre, l’aide financière aux études fournie par un établissement d’enseignement concerne généralement des opérations occasionnelles qui ne sont qu’accessoires à l’activité principale, à savoir l’exercice d’une activité d’enseignement, et aucun but lucratif n’est poursuivi dans ce cadre. L’imposition d’obligations légales supplémentaires et le contrôle du respect de celles-ci par le SPF Economie et la FSMA semblent dès lors excessifs au regard des relations particulières entre un établissement d’enseignement et ses élèves"(Doc. Parl., Ch. Repr., Sess. 54, 3143/02, p. 6).

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