VII.147/20, § 2 et § 3 : Résolution judiciaire

Article VII.147/20, § 2

Article VII.147/20, § 2

§ 2. Le juge peut, sans préjudice des sanctions de droit commun et de l'application de l'article VII.134, § 4, ordonner la résolution du contrat aux torts du consommateur dans les cas suivants :

1° si le bien immobilier, qui est grevé d'une sûreté hypothécaire, fait l'objet d'une saisie par un autre créancier;

2° si l'inscription hypothécaire n'occupe pas le rang convenu avec le consommateur;

3° en cas de diminution de la sûreté hypothécaire suite à une diminution substantielle de la valeur du bien immobilier imputable au consommateur : par une modification de la nature ou de la destination, par une altération grave, par une pollution grave, par la mise en location en dessous du prix normal de location ou par la mise en location pour une durée supérieure à neuf ans, sauf accord du prêteur;

4° en cas de copropriété : de modification de l'acte de base approuvé par le consommateur avec pour conséquence une diminution de la valeur;

5° au cas où le contrat d'assurance incendie, d'assurance solde restant dû ou d'assurance décès temporaire à capital constat convenu n'est pas annexé dans un délai de trois mois après le passage de l'acte authentique de crédit;

6° si le consommateur a sciemment dissimulé de l'information au sens de l'article VII.126 ou a donné une information contraire à la vérité suite à quoi sa solvabilité a été mal évaluée;

7° si un entrepreneur, un architecte, un maçon ou tout autre ouvrier a rédigé le procès-verbal visé à l'article 27, 5°, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851;

8° si le bien immobilier financé par le contrat de crédit n'est pas totalement achevé et approprié pour une location dans les 24 mois de la signature de l'acte authentique de crédit ou si les travaux ne sont pas exécutés conformément aux plans et aux cahiers de charges ou aux permis délivrés;

9° si le crédit est utilisé dans un autre but que celui indiqué par le consommateur.

Principe

Ratio legis

L’article VII.147/20, § 2 énonce une série de cas qui permettent au juge de prononcer la résolution du contrat de crédit hypothécaire. Cette règle s'applique sans préjudice des sanctions de droit commun et de l’application de l’article VII.134, § 4 (qui prévoit que les clauses résolutoires ou de déchéance du terme doivent faire l’objet d’une clause distincte).

Selon l’exposé des motifs, Le paragraphe 2 prévoit les cas qui peuvent entraîner la dissolution du contrat de crédit mais ne peuvent pas être repris contractuellement comme une clause résolutoire expresse. Il appartient uniquement au juge d’apprécier si les raisons indiquées par le prêteur sont suffisamment de poids déterminant pour procéder à la dissolution. Le Conseil d’État a demandé s’il n’y avait pas de contradiction entre l’article VII.134, § 4 en projet (causes d’exigibilité avant terme ou de résolution du contrat de crédit doivent être reprises dans le contrat par une clause distincte) et l’article VII.147/20, § 2 en projet (cas dans lesquels le juge peut ordonner la résolution du contrat aux torts du consommateur). L’article VII.147/20, § 2, doit plutôt être compris comme une limitation des motifs pouvant entraîner une résolution (judiciaire) et qui doivent en tout cas également être repris dans le contrat. Pour préciser, les mots “et l’application de l’article VII.134” ont été insérés dans le texte initial (Doc. Parl., Ch. Repr., Sess. 54, 1685/001, p. 52).

La règle

Selon les auteurs du texte, le but du paragraphe 2 de l’article 147/20 est donc de limiter aux seules hypothèses énumérées le pouvoir du juge de prononcer la résolution en cas de faute du consommateur. Il n’est pas permis aux prêteurs de transformer ces hypothèses en clauses résolutoires expresses ou de déchéance. Par contre, la disposition commentée requiert que, pour pouvoir demander au juge de prononcer la résolution, le prêteur ait repris par une clause contractuelle distincte, l'énumération des hypothèses de l'article VII.147/20,§ 2 (sans préjudice de l'application de l'article VII.147/20).

Par ailleurs, le texte précise que le pouvoir du juge s’exerce sans préjudice des sanctions de droit commun ce qui laisse supposer que le droit commun serait néanmoins d’application, et notamment l’article 1184. Ce renvoi au droit commun est assez ambigu dans la mesure où la portée de l'article1184 va bien au-delà des hypothèses énumérées à l'article VII.147/20.

Le législateur a manifestement voulu mettre un frein aux longues énumérations d'hypothèses reprises dans les clauses résolutoires expresses des contrats de crédit. A-t-il perdu de vue que le paragraphe 1 de cette même disposition, répondait complètement à cette préoccupation ? Le renvoi aux sanctions de droit commun signifie-t-il que le prêteur pourrait demander au juge de prononcer la résolution pour d'autres hypothèses que celles énumérées à l'article VII.147/20, § 2 (mais dans ce cas, quel est le sens de la limitation prévue à l'article VII.147/20, § 2) ? Faut-il au contraire considérer que, s'il agit sur base du droit commun, le prêteur ne pourrait invoquer que les hypothèses visées à l'article VII.147/20, § 2 (mais alors quel est le sens de l'exigence d'une clause contractuelle distincte)?

F. RENSON et C. BIQUET-MATHIEU relèvent que la limitation de la résolution judiciaire aux seules causes prévues à l'article VII.147/20, § 2, pourrait être considérée comme contraire aux principes d'égalité et de non-discrimination inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution («La défaillance du consommateur», in Le crédit hypothécaire au consommateur, Larcier 2017, p. 409, et sp. p. 419 et 420).

Le SPF Economie estime que le droit commun est toujours applicable mais que l'article VII.147/20, § 2, édicte à charge du prêteur, un devoir particulier d'information en reprenant dans le contrat, les hypothèses de résolution judiciaire visées par cette disposition. S'il ne le fait pas, il appartient au juge saisi d'une demande de résolution sur base du droit commun, d'apprécier la sanction du défaut d'information. La disposition n'interdit pas cependant, de saisir le juge pour d'autres causes que celles énumérées dans la disposition commentée.

Article 147/20, § 3

Article VII.147/20, § 3

§ 3. Les modalités sont rappelées par le prêteur au consommateur lors de la mise en demeure.

Sans préjudice de l'application de l'article VII.147/13, § 1er, toute clause qui prévoit que le prêteur peut à tout moment en cours de contrat, exiger le remboursement du montant du crédit prélevé est interdite et réputée non écrite. Les clauses d'exigibilité avant terme ou de résolution du contrat de crédit ne peuvent pas résulter d'un fait du prêteur.

Lorsqu'une mise en demeure est adressée au consommateur, elle doit préciser les modalités reprises à l'article VII.147/20. Il s'agit d'informer complètement le consommateur des griefs du prêteur et des conséquences qui découleront en cas d'inaction. Les exigences de clarté et de précision de la mise en demeure sont évoquées dans le commentaire de l'article VII.147/20, § 1.

Le deuxième alinéa vise à protéger le consommateur contre toute disposition contractuelle qui aurait pour effet de rendre le crédit immédiatement exigible.

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