Les sanctions dans les crédits réglementés

Les sanctions civiles - commentaire général

Introduction

Les articles 194 à 215 contiennent une série de sanctions civiles en cas de violation de la loi. Les sanctions civiles n'ont pas un objectif indemnitaire. Elles ont une fonction dissuasive pour assurer le respect de la loi et doivent être appliquées même si le manquement ne cause pas de préjudice ou que le lien causal avec un préjudice n'est pas démontré. Elles laissent parfois une possibilité d'option au choix du consommateur ou du juge entre l'annulation du contrat et la réduction de ses obligations. Certaines dispositions laissent également un pouvoir d'appréciation au juge quant à l'intensité de la sanction.

Le caractère dissuasif de ces sanctions est recherché par le législateur communautaire. Les articles 23 de la directive 2008/48 et 38 de la directive 2014/17 le rappellent: Les États membres fixent les règles relatives aux sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées sur la base de la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer leur mise en œuvre. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives.

Selon la Cour de Justice de l'Union, la mise en œuvre de sanctions effectives implique que le juge national doit pouvoir soulever d'office les irrégularités et appliquer, même sans demande du consommateur, les sanctions prévues par la loi. Le juge national est ainsi appelé à assurer l'effet utile des protection des consommateurs, voulue par les dispositions des directives et le rôle qui lui est attribué par le droit de l'Union ne se limite pas à la simple faculté se prononcer sur le respect desdites exigences mais comporte également l'obligation d'examiner d'office cette question, dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (point 70 de l'arrêt du 21 avril 2016  dans l'Affaire C-377/14 -- Ernst Georg Radlinger et Helena Radlingerová contre Finway a.s.).

Genèse

La loi du 9 juillet 1957 réglementant les ventes à tempérament et leur financement prévoyait un régime de sanctions différenciées, les unes s’appliquant « de plein droit », les autres soumises au pouvoir d’appréciation du juge qui pouvait les appliquer « dans la mesure où il est justifié par [le consommateur] qu’il a pu en résulter pour lui un préjudice ».

En ce qui concerne les premières, les auteurs soulignaient: la sanction de caractère civil comminée par l’article 8 sera acquise de plein droit. On doit entendre par là que le juge saisi de la contestation soulevée à ce sujet et constatant l’existence d’irrégularités sera tenu de prononcer cette sanction et de réduire, comme il a été dit, les obligations de l’acheteur. Quant aux secondes, l’acheteur devra en demander judiciairement l’application et le juge ne sera pas tenu de la prononcer. L’acheteur pour l’obtenir, devra justifier qu’il a pu résulter pour lui, de l’irrégularité, un préjudice (L. BAILLON et L. GROGNARD, Vente à tempérament et financement (loi du 9 juillet 1957), Bruxelles, Larcier, 1958, p. 65).

La loi sur le crédit à la consommation marque une nette évolution dans la mesure où les sanctions sont le plus souvent obligatoires. Elles ont été reprises sans changement notable dans le CDE.

Les sanctions des dispositions sur le crédit hypothécaire sont largement inspirées de celles qui ont été prévues en crédit à la consommation.

La jurisprudence de la CJUE sur le caractère effectif et proportionné

Aux termes de l’article 23 de la directive 2008/48 et de l'article 38.1 de la directive 2014/47, les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément aux directives, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Si le choix du régime de sanctions est laissé à la discrétion des États membres, celles-ci doivent être effectives, proportionnées et dissuasives (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, C‑565/12, EU:C:2014:190, point 43).

La rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité (voir arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, C‑565/12, EU:C:2014:190, point 45 et jurisprudence citée; arrêt du 12 octobre 2016, Renata Horžić et Siniša Pušić contre Privredna banka Zagreb d.d. et Božo Prka,C-511/15 et C-512/15).

La Cour a ainsi considéré que répondait aux exigences de la directive, la déchéance entière du droit aux intérêts du prêteur dans le cas d’une violation de l’obligation précontractuelle, prévue à l’article 8 de la directive 2008/48, de vérification par le prêteur de la solvabilité du consommateur (27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais (C‑565/12, EU:C:2014:190). De même la Cour a estimé que la violation, par le prêteur, de l’obligation revêtant une importance essentielle dans le contexte de la directive 2008/48 peut être sanctionnée dans le droit national, par la déchéance de ce prêteur du droit aux intérêts et aux frais. La Cour a ainsi considéré que revêt une telle importance essentielle l’obligation de mentionner, dans le contrat de crédit, notamment des éléments tels que le taux annuel effectif global, visé à l’article 10, paragraphe 2, sous g), de la directive 2008/48, le nombre et la périodicité des paiements, conformément à l’article 10, paragraphe 2, sous h), de cette directive, ainsi que, le cas échéant, l’existence des frais notariaux, les sûretés et les assurances exigées, comme le prévoit l’article 10, paragraphe 2, sous n) et o), de ladite directive ( Affaire C-42/15 - Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 9 novembre 2016 - Home Credit Slovakia a.s. contre Klára Bíróová, n°70).

S'agissant des mentions obligatoires du contrat, les éléments déterminants sont ceux qui sont susceptibles de mettre en cause la possibilité pour le consommateur d’apprécier la portée de son engagement. La sanction par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts et aux frais en cas d'absence d'un tel élément, doit être considérée comme étant proportionnée, au sens de l’article 23 de la directive 2008/48. Ne saurait être considérée comme proportionnée l’application, conformément à cette réglementation nationale, d’une telle sanction, produisant des conséquences sérieuses à l’égard du prêteur, en cas d’absence de mention d’éléments, parmi ceux visés à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’affecter la capacité du consommateur d’apprécier la portée de son engagement, tels que, notamment, le nom et l’adresse de l’autorité de surveillance compétente visée à l’article 10, paragraphe 2, sous v), de cette directive (arrêt du 12 octobre 2016, Renata Horžić et Siniša Pušić contre Privredna banka Zagreb d.d. et Božo Prka,C-511/15 et C-512/15).

C'est en se basant sur l'obligation pour le juge de rechercher une sanction effective que le tribunal de première instance du Hainaut, après avoir prononcé la nullité d'un contrat de crédit sur base de l’article VII.195, libère le consommateur de son obligation de restituer le montant du crédit, conséquence normale de la nullité. Le tribunal estime la sanction justifiée au motif que le consommateur n'a tiré aucun profit de l'opération (TPI. Hainaut (Mons), 25 october 2017, J.L.M.B., 2019/18, 837ENGLEBERT M., " Crédit lié au financement d'un bien ou d'un service particulier... une figure juridique complexe !", cassé pour des motifs étrangers à la sanction Cass. 28 mars 2019, J.L.M.B. 828). ..

Caractéristiques de la sanction civile

La sanction civile est la conséquence que la loi attache à la violation d’une norme. La sanction civile n’exige pas la démonstration d’une faute. Elle exige simplement la démonstration de la violation de la règle à laquelle la sanction est attachée. Une fois cette démonstration faite et la loi prévoit que la sanction s’applique de plein droit, le juge doit l’appliquer quand bien même le manquement serait mineur (J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21; J.J.P. 2013, 644, note STEENNOT R.; J.P. Termonde - Hamme, 23 février 2010, Ann. Jur. 2010, p. 131).

A propos d'une violation mineure de la loi - l'absence d'indication du lieu de naissance du consommateur - le juge de paix de Courtrai relève ainsi que le législateur ne fait aucune différence entre les mentions essentielles du contrat et les mentions d'importance secondaire et qu'elle ne lui laisse pas d'autre choix que de prononcer la sanction (J.P. Courtrai, 30 janvier 2002, Ann. Crédit 2002, 69; voy. ég. J.P. Izegem, 14 mars 2001, Ann. Crédit 2001, 105;J.P. Izegem, 19 mai 2004, J.J.P., 2006, 44 et note F. de PATOUL, La portée des sanctions de la loi sur le crédit à la consommation; J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21; J.J.P. 2013, 644, note STEENNOT R.). Il ne pourrait être fait grief au consommateur de commettre un abus de droit en invoquant la sanction pour un manquement mineur puisqu'en réalité la sanction doit être appliquée alors qu'il appartient au juge d'en déterminer l'intensité lorsque la loi lui reconnait cette compétence (J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21; J.J.P. 2013, 644, note STEENNOT R.).

Cette position est confirmée par l'arrêt du 7 décembre 2006 de la Cour de cassation qui censure une décision du tribunal de première instance d'Eupen au motif qu'en refusant d’appliquer l’une des sanctions prévues à l’article 86 de la loi [VII.195, CDE], pour le motif que l’offre de crédit, bien qu’elle soit irrégulière, répond à l’objectif de la loi du 12 juin 1991, le jugement attaqué viole les dispositions légales indiquées au moyen.

Cet arrêt met en évidence que les sanctions n'ont pas pour but d'indemniser forfaitairement ou de réparer un préjudice. Il s'agit avant tout d'assurer le respect des dispositions de la loi au même titre que les peines pénales visent à faire respecter les interdits du Code pénal (F. de PATOUL, "Les sanctions des articles 85 et suivants: vers un certain automatisme", note sous Cass. 7 décembre 2006, J.J.P. 2007, 412). Cette décision confirme ainsi que l'absence de préjudice ne permet pas au juge de ne pas appliquer la sanction lorsqu’elle est obligatoire (J.P. Gand, 2 février 2010, Ann. Jur. 2009, 39). La CJUE souligne d'ailleurs l'importance de l'effet dissuasif que doit avoir la sanction.

Par contre et conformément à la jurisprudence de la CJUE évoquée plus haut, le juge doit appliquer une sanction à la mesure du manquement. La déchéance des intérêts et commissions est certainement justifiée si le manquement avéré est de nature à priver ou à altérer la capacité du consommateur d'apprécier la portée des engagements résultant du contrat.

A moins que le législateur n’en précise expressément le caractère facultatif, le juge ne dispose donc d'aucun pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de la sanction quand bien même il estimerait que la violation ne cause pas de préjudice et ne porte pas atteinte à l'esprit de la loi ou à l'objectif du législateur. Le juge doit appliquer la sanction s'il constate un manquement (STEENNOT, R., "De verplichte vermeldingen in een kredietovereenkomst", JJP 2013 (647), 650, nr. 4).

En revanche, plusieurs dispositions de la loi laissent au juge un pouvoir d'appréciation quant à l'intensité de la sanction. A titre d'exemple, l'article VII.195 laisse au juge le choix entre l'annulation du contrat ou la réduction des obligations du consommateur et dans ce cas, le juge peut moduler la sanction au maximum jusqu'au prix au comptant ou au montant emprunté (J.P. Termonde - Hamme, 23 février 2010, Ann. Jur. 2010, p. 131).

Du fait que la sanction est édictée par une disposition légale, on ne saurait arguer que le consommateur commet un abus de droit en en demandant l'application, quand bien même il ne subirait aucun préjudice du fait de l'irrégularité constatée (J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21)

Sanction civile et renonciation

Le consommateur peut-il renoncer à la protection que lui assure le formalisme légal ? Avant l'arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2006 évoqué ci avant, certains semblaient l'admettre si et pour autant que le créancier apporte la preuve que l'exécution volontaire du contrat doit être interprétée comme une renonciation ce qui suppose que soit d'abord démontré que le consommateur avait connaissance de l'infraction (R. STEENNOT, "De totstandkoming en de inhoud van de overeenkomst onder de nieuwe Wet consumentenkrediet", D.C.C.R., 2004, n° 63, p. 16). Cette démonstration dont la charge repose sur le prêteur est évidemment très difficile sinon impossible (voy: Civ. Termonde, 28 février 2002, Ann. Crédit, 2002, 55; J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21).

Lorsque le législateur fait dépendre la mise en œuvre de la sanction d’une demande du consommateur, la jurisprudence considère que le consommateur ne peut être présumé renoncer à une protection dont il n’a pris conscience qu’à l’occasion de l’action en justice (Civ. Termonde, 28 février 2002, Ann. Crédit, 2002, 55 voy. ég. sur ce point: D. BLOMMAERT, « De bescherming van de kredietnemer in het kredietrecht », op.cit., p. 102). Le fait que le consommateur a poursuivi l'exécution du contrat pendant un certain temps ne démontre pas qu'il ait eu l'intention de couvrir la nullité et qu'il l'ait fait en connaissance de cause (J.P. Zottegem-Herzele, 13 janvier 2011, Ann.Jur. 2011, p 21).

La C.J.U.E. a souligné a plusieurs reprises que le juge national avait le devoir de relever d'office les manquements aux règles nationales qui transposent la directive (voir le commentaire de la charge de la preuve).

Il résulte de ces arrêts comme de l'arrêt du 7 décembre 2006 de la Cour de cassation que le mécanisme des sanctions civiles vise à assurer l'effectivité de dispositions d'ordre public et qu'elles sont à ce titre en dehors du champ d'appréciation des parties qui ne peuvent y renoncer (F. de PATOUL, op.cit., J.J.P. 2007, 413).

Contrats partiellement régis

Les sanctions civiles s'appliquent aux contrats partiellement régis, à l’exception des contrats des facilités de découvert remboursables dans un délai d’un mois (sauf VII.204 et VII.205) et des découverts (idem)

Rôle du juge

La formulation des sanctions diffère d’un article à l’autre:

  • Dans certains cas, la disposition ne laisse aucun pouvoir d’appréciation au juge, ni quant à l’opportunité, ni quant à l’intensité de la sanction. C’est le cas des articles VII.196, VII.199, VII.200 (1er alinéa), VII.202 (VII.214/12) et VII.205 à VII.208 (VII.214/5 à VII.214/8) (« le juge annule… » « …sont réduites de plein droit… »).
  • Dans certains cas, la loi ne laisse aucun pouvoir d’appréciation ni quant à l’opportunité, ni quant à l’intensité de la sanction si et à la condition que le consommateur sollicite l’application de la sanction (VII.197, VII.198, VII.200, al. 2, VII.203, VII.211, VII.212, VII.214) (« le consommateur peut…);
  • Dans certains cas, la loi confère au juge le pouvoir de choisir entre plusieurs sanctions (annulation du contrat ou réduction des obligations: VII.194 et VII.195) et/ou d’apprécier l’intensité de la sanction (VII.194, VII.195, et VII.201, VII.209: « …au maximum… » «… le juge peut relever jusqu’au … »).

S’agissant de sanctionner un comportement fautif du prêteur, c’est l’intérêt du consommateur qui doit guider le choix de la sanction. Pour l’article VII.203 (VII.214/3), ce choix appartient au consommateur. Sauf s’il statue par défaut à son égard, le juge ne pourrait substituer sa propre appréciation à celle du consommateur (E. BALATE, P. DEJEMEPPE et F de PATOUL, op.cit., 1995, p. 413).

Statuant par défaut ou dans le cadre d'une procédure contradictoire, le juge doit soulever d'office les exceptions tirées des dispositions impératives du Code (voir le commentaire sur la charge de la preuve). Les articles VII.199 et VII.213 permettent au juge de supprimer ou de réduire d’office les pénalités ou les dommages-intérêts convenus ou appliqués, notamment sous la forme de clause pénale s’il estime qu‘ils sont excessifs ou injustifiés. Ceci vaut tant dans le cas d'une procédure contradictoire que dans le cas de l'instance par défaut (voy. le commentaire de François Van Drogenbroeck sous J.P. St Niklaas, 29 avril 1998, Ann. Crédit, 1998, 180).

Pouvoir de modération des pénalités contractuelles

Le CDE a repris une disposition de la LCC qui reconnaît au juge le droit de réduire les pénalités contractuelles (ou d'en relever entièrement le consommateur) lorsqu'il les estime excessives ou injustifiées. On renvoie le lecteur au commentaire des articles VII.199 et VII.213 qui reprennent cette disposition. Cela ne vise pas seulement les pénalités stricto sensu mais également toutes les conséquences de l'inexécution comme les intérêts de retard ou la déchéance du terme.

Les différentes sanctions

Annulation

L’annulation du contrat pour une faute du prêteur est prévue par les articles VII.194, VII.195 et VII.203 (CC) et VII.209 ou VII.214/13 (CH)

L’annulation opère ex tunc c’est-à-dire avec effet rétroactif au jour de la conclusion du contrat qui est censé n’avoir jamais existé (DE PAGE, Traité, II, n°815) (pour une application, voyez, J.P. Courtrai, 17 décembre 1996, J.J.P., 1997, p. 402). Elle a pour conséquence que les parties doivent être replacées dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.

L’annulation d’une vente à tempérament emporte la restitution du bien par le consommateur et le remboursement à celui-ci des sommes payées (i) pour l’acquisition (l’acompte par exemple) et (ii) dans le cadre du crédit (J.P. Lens, 21 février 1995, Ann. Crédit, 1996, 14 ; Comm. Tournai, 20 avril 1995, Ann. Crédit, 1996, 151).

Lorsque l’opération litigieuse porte sur un crédit dont le montant est remis et utilisé par le consommateur, la réduction des obligations au montant emprunté sera sans doute préférée à l’annulation (Civ. Bruxelles, 6 septembre 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 49).

Au cas où il y a plusieurs consommateurs codébiteurs, l’annulation peut être prononcée à l’égard de l’un d'eux seulement. En pareil cas, le prêteur ne peut réclamer le remboursement du crédit qu’à l’égard du consommateur qui reste tenu (et, dans la décision citée, a seul bénéficié du crédit) (J.P. Charleroi (4ème Cant.), 9 décembre 2003, Ann. Crédit, 2003, p. 12).

Le juge de paix de Saint Nicolas a fait application de l'adage "in pari causa turpitudinis cessat repetitio" dans une hypothèse où le contrat de crédit avait été conclu par une personne postérieurement à l'introduction de la requête en désignation d'un administrateur provisoire mais avant le jugement de désignation. L'article 448bis i) du Code civil (dans le texte alors en vigueur) prévoyait la nullité de certains actes posés par la personne sous administration provisoire entre le moment du dépôt de la requête et le jour de la désignation. La décision relève que l'adage permet de rechercher l'efficacité de la sanction en empêchant les conséquences normales qui induiraient une perturbation grave de l'ordre social (Het adagium beoogt een doelmatige hantering van de nietigheidsanctie door de normale gevolgen van deze sanctie te verhinderen telkens dit zou leiden tot een ernstig vestoring van de maatschappelijke orde). Le juge estime que la sanction doit protéger les personnes concernées contre les agissements d'escrocs et de personnes animées de mauvaises intentions. L'emprunteur avait, en l'espèce, été manipulé et n'avait pas bénéficié lui-même du montant du crédit. Le juge refuse donc de condamner à la restitution des sommes prêtées (J.P. Saint-Nicolas (2ème Cant.) 14 novembre 2012, Ann. Jur. 2012, p. 31 et note Leriche G). Depuis, la loi du 17 mars 2013 a modifié le régime de protection et l'article 493/2 du Code civil (entré en vigueur le 1er septembre 2014), permet désormais lorsqu'une mesure de protection a été ordonnée, de solliciter rétroactivement la nullité des actes accomplis avant que la mesure de protection ait sorti ses effets si la cause de la mesure de protection existait notoirement à l'époque où ces actes avaient été commis (voy. ég. J.P. Gand (5ème cant.),14 juillet 2016, Ann. Jur. 2016, p. 169).

Comme évoqué plus haut, en se basant sur l'obligation pour le juge de rechercher une sanction effective, le tribunal de première instance du Hainaut, après avoir prononcé la nullité d'un contrat de crédit sur base de l’article VII.195, libère le consommateur de son obligation de restituer le montant du crédit, conséquence normale de la nullité. Le tribunal estime la sanction justifiée au motif que le consommateur n'a tiré aucun profit de l'opération (TPI. Hainaut (Mons), 25 october 2017, J.L.M.B., 2019/18, 837ENGLEBERT M., " Crédit lié au financement d'un bien ou d'un service particulier... une figure juridique complexe !", cassé pour des motifs étrangers à la sanction Cass. 28 mars 2019, J.L.M.B. 828).

Annulation et termes et délais

Les restitutions doivent en principe intervenir immédiatement. C’est la raison pour laquelle les articles VII.194, VII.195 et VII.203 qui prévoient la faculté d’annuler le contrat, l’organisent de manière optionnelle avec la réduction des obligations au prix au comptant ou au montant emprunté.

Rien n’interdit cependant au juge de consentir au consommateur des termes et délais pour les restitutions. Les intérêts judiciaires devront alors être alloués sauf dispense à titre de réparation du préjudice subi selon le droit commun.

Le juge ne peut cependant accorder des termes et délais qui reviennent à exonérer virtuellement le débiteur de son obligation de paiement (Cass. 19 juin 1986, Bull., 1986, p. 1295). C'est le cas lorsque les termes et délais consentis portent sur des montants trop faibles que pour provoquer un remboursement complet de la dette compte tenu de l'incidence des intérêts alors que par ailleurs, l'article 1244 évoque des termes et délais modérés et recommande au juge d'user de son pouvoir avec une grande réserve et en tenant compte des délais dont le débiteur a déjà usé. A cet égard, la circonstance que les revenus du débiteur ne permettraient pas de le voir payer davantage sur saisie-arrêt - voire même, que ses revenus seraient insaisissables - est sans pertinence(Civ. Bruxelles, 8 novembre 2007, J.J.P. 2009, 304).

Statuant dans le cadre d’une action en dommage-intérêts classique, le juge peut en outre allouer des intérêts compensatoires sur les versements effectués au prêteur en remboursement du contrat de crédit annulé (Comm. Tournai, 20 avril 1995, Ann. Crédit, 1996, 151 et sur appel, Mons, 2 novembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 70 et note R. GEURTS, « Démarchage à domicile. Quand le crédit sert de support à l’arnaque des consommateurs », p. 76 ; J.P. Hamme, 29 septembre 1998, R.W., 1998-1999, p. 1049).

Réduction des obligations

Est-ce une sanction suffisante ?

Mise à part l'annulation du contrat de crédit peu favorable au consommateur, la réduction des obligations au montant emprunté ou au prix du bien ou du service au comptant, est la sanction la plus couramment retenue par les juridictions. Cette sanction est-elle suffisamment dissuasive ? On peut en douter au vu des violations constatées qui ont parfois des effets à très long terme sur la situation financière des consommateurs. S'il apparaît que le prêteur a consenti un crédit de manière manifestement fautive, par exemple sans investigation sérieuse, la réduction des obligations au montant emprunté ne dispense par le consommateur de rembourser parfois pendant plusieurs années un crédit qu'il n'aurait pas dû recevoir. On peut donc s'interroger sur la question de savoir si dans ce cas, la sanction a un caractère suffisamment dissuasif. R. STEENNOT qui formule un constat semblable, estime cependant que le consommateur ne devrait pas tirer profit d'une sanction qui priverait le prêteur d'une partie de son capital. Il suggère d'utiliser le produit de cette sanction majorée pour alimenter un fonds de lutte contre le surendettement (R. STEENNOT, note sub J.P. Arendonk, 15 juin 2010, JJP 2013, 643). C'est sans doute ce même constat qui conduit certaines juridictions ordonner la restitution de toutes les sommes payées, malgré l'annulation du contrat de crédit (voy. par ex: J.P. Arendonk, 12 octobre 2010, J.J.P. 2013, 650, note de Patoul F.; NjW 2011, 343 note STEENNOT, R; (TPI. Hainaut (Mons), 25 october 2017, J.L.M.B., 2019/18, 837ENGLEBERT M., " Crédit lié au financement d'un bien ou d'un service particulier... une figure juridique complexe !", cassé pour des motifs étrangers à la sanction Cass. 28 mars 2019, J.L.M.B. 828): le tribunal prononce en conséquence la nullité du contrat de crédit sur base de l'article 86 LCC (VII.195, CDE) mais comme la nullité oblige le consommateur à restituer la somme prêtée, le tribunal estime que,en vue d'assurer l'effectivité de la sanction les consommateurs ne doivent pas réciproquement restituer le montant du crédit).

Lorsqu’il fait usage de son pouvoir de réduire les obligations du consommateur, le juge peut être confronté à des décomptes délicats. La réduction des obligations au prix au comptant ou au montant emprunté, oblige en effet d'imputer sur le capital tout ce qui a été payé par le consommateur à titre de frais ou d'intérêts. Lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament non encore totalement échu au moment où le juge est appelé à statuer, il faut calculer le montant des mensualités futures sur base du solde restant dû en capital compte tenu de la réduction et eu égard aux paiements intervenus depuis le début du contrat.

Pour les ouvertures de crédit, il faut remonter dans le temps pour faire le total des prélèvements et des remises pour en déduire le solde (J.P. Courtrai, 11 août 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 128; D. BLOMMAERT, “De bescherming van de kredietnemer in het kredietrecht”, op.cit., p. 104, n° 20 ; J.P. St Niklaas, 1er décembre 1999, D.C.C.R., 2000, n° 47, p. 182 et note J. VAN LYSEBETTENS) à rembourser par le consommateur ou, le cas échéant à restituer par le prêteur.

L’application de la sanction peut en effet avoir pour conséquence que le juge constate que le consommateur a déjà trop payé (J.P. St Niklaas, 17 avril 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 133). En pratique et dans la très grande majorité des cas, la sanction maximale (réduction au montant emprunté) est appliquée ce qui dispense de faire des calculs précis en matière d’intérêts et de frais échus ou à échoir.

Qu'en est-il des frais exposés par le consommateur ? La réduction au montant emprunté ou au prix du bien (ou du service) financé implique également une remise des frais du crédit. Encore doit-il s'agir de frais du crédit. Appliquant encore les dispositions de la LCC, le juge de paix de Audenarde-Kruishoutem a considéré que les frais de notaire pour une inscription hypothécaire ne devaient pas être supportés par le prêteur puisqu'il ne s'agissait pas de frais du crédit (JP Oudenaarde-Kruihoutem, 13 février 2014, JJP, 2015, 437 et note S. GEIREGAT). . Suite à la réforme du crédit hypothécaire en 2016, un tel crédit serait à présent un crédit hypothécaire.

Echelonnement des paiements

La loi permet souvent au consommateur de conserver le bénéfice de l’échelonnement des paiements. Ceci ne se conçoit évidemment que si le contrat est maintenu. La sanction ne peut donc accompagner une décision d’annulation du contrat. Le maintien de l’échelonnement des paiements ne se conçoit pas davantage pour les ouvertures de crédit à durée indéterminée qui n’imposent pas au consommateur le paiement régulier de mensualités.

Le maintien du bénéfice de l’échelonnement des paiements implique en principe que l’on reste dans les limites de la durée contractuelle (J.P. St Niklaas, 19 février 1997, J.J.P., 1998, p. 116 ; J.P. Courtrai, 4 mars 1997, J.J.P., 1998, p. 120 ; J.P. Courtrai, 18 mars 1997, J.J.P., 1997, p. 421).

Si, au moment du jugement le crédit est totalement échu, le maintien du bénéfice du terme n’a plus d’objet (J.P. Courtrai, 6 août 2002, Ann. Crédit, 2002, p.139). Si des sommes sont échues et impayées, le bénéfice du terme peut être accordé pour le futur (pour les mensualités non encore échues) tandis qu’une condamnation est prononcée pour le passé (J.P. St Niklaas, 19 février 1997, J.J.P., 1998, p. 116).

S’il accorde le maintien du bénéfice du terme, le juge n’est pas tenu de condamner le consommateur au paiement des sommes dues dans le futur (J.P. St Niklaas, 19 février 1997, J.J.P., 1998, p. 116).

Ceci permet d’éviter l’aggravation de la situation d’endettement par les droits d’enregistrement.

Certaines décisions accordent le bénéfice du terme avec une clause de déchéance en cas de défaut de paiement de deux mensualités.

Échelonnement et termes et délais

En cas de maintien du bénéfice du terme, les intérêts judiciaires ne sont pas dus aussi longtemps que le consommateur respecte les dispositions du jugement et que les remboursements restent dans les délais du contrat (J.P. St Niklaas, 19 février 1997, J.J.P., 1998, p. 116).

Plusieurs décisions publiées montrent cependant que l’échelonnement des paiements est accordé au consommateur quand bien même le contrat de crédit serait venu totalement à échéance pendant la procédure (J.P. Courtrai, 31 mars 1998, Ann. Crédit, 1998, p.82 ; J. P. St Nicolas, 25 février 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 147 qui accorde le maintien du bénéfice du terme mais en réduisant les mensualités à titre de réparation de droit commun du préjudice subi ; J.P. St Niklaas, 6 mars 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 129).

Il s’agit alors en réalité de termes et délais dont le juge fixe le montant sur base des mensualités convenues dans le contrat de crédit (J.P. Malmédy, 2 décembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 86 ; J.P. Berchem (Anvers), 13 janvier 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 116 ; J.P. Berchem, 18 juillet 2000, D.C.C.R., 2001, p. 279).

En pareil cas, les intérêts judiciaires devraient être alloués (J.P. Berchem, 18 juillet 2000, D.C.C.R., 2001, p. 279) au prêteur sans préjudice du droit pour le consommateur d’en postuler la suppression si la sanction civile le prévoit (voy. par exemple VII.201) ou à titre de dommages-intérêts.

L’octroi des termes et délais peut être refusé en raison des manquements du consommateur lors de la négociation du contrat et en particulier en raison de la dissimulation de certaines dettes (J.P. St Niklaas, 19 février 1997, J.J.P., 1998, p. 116).

La sanction générale de l'article VII.214/10 en crédit hypothécaire

L'article VII.214/10 édicte une sanction pour tout manquement du prêteur ou de l’intermédiaire aux obligations ou interdictions contenues dans le titre 4, chapitre 2, ou dans ses arrêtés d'exécution. Il s’agit d’une sanction minimale et en quelque sorte par défaut. Elle prévoit le droit pour le consommateur de rembourser à tout moment le crédit hypothécaire (ce qui est de droit dans les régimes réglementés) et la sanction consiste en ce que l’indemnité de remploi autorisée par l’article VII.147/12 n’est pas due et que le consommateur ne doit pas respecter le préavis prévu par l’article VII.147/13.

Selon l’exposé des motifs,Les dispositions reprises à l’article VII.214/10 reprennent la sanction civile reprise à l’article VII.209, paragraphe 1er, actuel. Il est proposé de faire appliquer d’office comme sanction de droit commun cette sanction qui était initialement prévue dans la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire pour presque n’importe quelle infraction à la législation en matière de crédit hypothécaire, c’est-à-dire lorsqu’aucune autre sanction plus avantageuse pour le consommateur ne peut être appliquée à une infraction déterminée, mais sans qu’une combinaison des deux ne soit exclue. Les dispositions initiales ont été adaptées en ce sens que le consommateur concerné ne doit pas nécessairement aller devant le juge mais que, en constatant les faits, le juge doive appliquer la sanction invariablement, sans que le consommateur ne doive démontrer qu’un dommage a été occasionné (Exposé des Motifs, Doc. Parl., 2015-2016, 1685/001, p. 59).

La sanction peut donc être cumulée avec d’autres sanctions civiles, ce que le texte légal confirme au paragraphe 2: Le droit visé au paragraphe 1er ne porte pas préjudice aux autres droits et recours que le consommateur peut faire valoir.

Sanctions de droit commun

Plusieurs sanctions civiles sont édictées sans préjudice des sanctions de droit commun. Cette mention permet l'application du droit commun de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle. Si la faute pourra facilement être démontrée sur base de la violation des dispositions de la loi, le consommateur qui souhaite l’allocation de dommages-intérêts devra démontrer son préjudice et le lien de causalité avec la faute du professionnel (J.P. Gand, 23 juin 2000, Ann. Crédit 2000, 64 et note J. VAN LYSEBETTENS, Ann. Crédit 2000, 71).

En outre, ayant bénéficié des avantages de la sanction civile déjà prononcée, il devra en être tenu compte dans l’évaluation du dommage. Seule la partie du préjudice qui n’aurait pas été couverte par la sanction civile pourra être pris en considération (M. DAMBRE, « Informatie- en onderzoeksplicht inzake consumentenkrediet », note sub J.P. Gand, 30 juin 1997, D.C.C.R., 1998, n° 39, p. 124 ; J.P. Brasschaat, 27 mai 1997, J.J.P., 1998, p. 555 ; E. WYMEERSCH, M.DAMBRE et K. TROCH, « Overzicht van rechtspraak. Privaat bankrecht 1992-1998 », T.P.R., 1999, (1779-2034), p. 1856 ; J.P. Brasschaat, 18 février 1997, J.J.P., 1997, 412 ; J.P. St Niklaas, 6 mars 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 129 ; J.P. Hamme, 29 septembre 1998, R.W., 1998-1999, p. 1049 ; Civ. Courtrai (2ème ch.), 11 septembre 1998, D.C.C.R., 1999, n° 42, p.73).

Si le dommage causé est inférieur aux avantages consentis au consommateur par l’application de la sanction civile, le juge peut écarter la prétention fondée sur la responsabilité de droit commun sans autre analyse (J.P St Niklaas, 22 octobre 2003, Ann. Crédit, 2003, p. 29 ; J.P. St Niklaas, 6 mars 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 129 qui écarte une demande du consommateur sur base de l’article 1382 au motif que le préjudice ne peut être indemnisé deux fois; Civ. Courtrai, 11 septembre 1998, D.C.C.R., 1999, p.73, ; Ann. Crédit, 1998, p. 95 ; P. LETTANY, op.cit., p. 415).

Voir la table des sanctions civiles en crédit à la consommation, article par article.

Voir la table des sanctions civiles, en crédit hypothécaire, article par article.

Les sanctions administratives

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Les sanctions pénales

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