VII.143, § 2 à 6 : Taux variables
Condition de la variabilité n°1 - une disposition du contrat
La variabilité n'est possible que dans la mesure où le contrat le prévoit explicitement.
Selon l'article VII.134, § 2, 7°, le contrat doit obligatoirement préciser : le taux périodique, le taux débiteur, les conditions régissant l'application de ces taux et pour les taux d'intérêt variable, la valeur initiale de tout indice de référence ou de taux débiteur, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation de ces taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, cette information est fournie au sujet de tous les taux applicables.
La variabilité doit donc être contractuellement prévue et ce, quel que soit le type de crédit. Si une ouverture de crédit ne stipule pas la variabilité du taux, le taux initial devra être appliqué pendant toute la durée du contrat.
Condition n°2 - les conditions applicables
Selon le texte de l'article VII.134, § 2, 7°, la clause doit non seulement prévoir la variabilité du taux mais en outre en préciser les modalités. Cette exigence est reprise à l'article VII.143, § 5 : Les époques, conditions et modalités de variation du taux périodique ainsi que la valeur initiale de l'indice de référence doivent figurer dans le contrat de crédit. (...) Les archives de ces indices sont tenues par le prêteur.
En exigeant de préciser les conditions applicables, le Code oblige le prêteur à fournir une information précise sur les périodes (Quand le taux peut-il changer ?), le mode de calcul (Quel indice ? Comment la variation est-elle appliquée au taux ?) et la procédure (information du consommateur, etc.).
Le Code impose également de mentionner l’indice ou le taux de référence qui se rapporte au taux initial. Enfin, si plusieurs taux sont applicables en fonction des circonstances, les conditions applicables doivent être précisées pour chacun de ces taux. Comme le veut l’article VII.134, § 2, ces informations doivent être fournies de façon claire et concise. La clarté du contrat s'appréciera notamment à la possibilité pour le consommateur de calculer le taux applicable sur base des indications fournies par le contrat.
Condition n°3 – La variabilité est soumise aux conditions de l'article VII.143
La variabilité n’est admise que dans les cas et selon les règles fixées par les articles VII.143 et VII.144.
L’application de ces dispositions a pour conséquence que la clause de variabilité n’est notamment valable que pour autant que :
- Il n’y ait qu’un seul taux débiteur par contrat de crédit. Cette disposition entend interdire plusieurs taux variables qui se succéderaient dans le temps, Il n'est pas interdit, par contre, de conclure simultanément plusieurs contrats de crédit dans des circonstances particulières qui justifient par exemple des conditions de remboursement différentes selon l'utilisation du crédit. Voyez l'exemple 36 dans l'annexe 1 à l'arrêté royal du 14 septembre 2016 qui prévoit un crédit remboursables par mensualités fixes pour financer une partie du prix d'acquisition, un crédit pont dans l'attente de la revente d'un autre bien et un crédit pour financer les travaux de rénovation. Chaque contrat de crédit doit être considéré comme une opération en soi et le taux périodique et le taux débiteur doit être précisé dans chaque cas.
- Le taux périodique (et donc le taux débiteur) doit fluctuer à la hausse comme à la baisse.
- Le taux périodique ne peut varier qu’au terme de périodes précises qui ne peuvent être inférieures à un an. Il n’est donc pas possible de prévoir une révision du taux à un rythme plus rapide qu’une adaptation annuelle.
- La variation du taux doit être liée aux fluctuations d'un indice de référence pris parmi une série d'indices de référence en fonction de la durée des périodes de variation du taux d'intérêt. Le Code confie au Roi de déterminer La liste et le mode de calcul des indices de référence. Ceux-ci sont précisés à l'article 8 de l'arrêté royal du 14 septembre 2016 commenté par ailleurs sur ce site. Les indices sont liés au taux de rendement de la dette publique et dépendent de la durée de la période de variation. La variabilité triennale est ainsi liée au taux de rendement des obligations linéaires à trois ans. Cette disposition rend impossible la fixation de plusieurs taux variables successifs en fonction d'indices différents. Elle interdit également de prévoir qu'au terme d'une période de calcul, les parties se réservent de renégocier le taux dans l'hypothèse d'un crédit de longue durée pour lequel le taux ne serait précisé que pour la première période.
- Il ne peut y avoir qu'un seul indice de référence pour le calcul d'un taux débiteur. Toutefois, il ne semble pas interdit de fournir plus d’un indice original dans le contrat de crédit en cas de révisions périodiques multiples des taux d’intérêt, même si cela dépend toujours de la périodicité des révisions des taux d’intérêt (par exemple, l’indice E pour une révision quinquennale). Par exemple, un indice différent peut être appliqué pour une durée restante du contrat différente, à condition que cela soit déterminé à l'avance dans le contrat.
- Le taux périodique initial, qui est le taux qui sert de base au calcul des intérêts dus par l'emprunteur lors du premier versement en intérêt, doit être mentionné dans le contrat (VII.143, § 5).
- La valeur initiale de l'indice de référence doit également être mentionnée dans le contrat (VII.143, § 5). La valeur initiale de l’indice de référence est celle figurant sur la liste des tarifs des taux d'intérêt pour le type de crédit considéré et concerne la valeur du mois civil précédant la date de ce tarif.
- Le mode de calcul est déterminé par la loi : A l'expiration des périodes déterminées dans le contrat de crédit, le taux débiteur initial est augmenté de la différence entre la valeur de l'indice de référence publiée dans le mois civil précédant la date de la variation, et la valeur initiale de cet indice.
- Le contrat de crédit doit stipuler que la variation du taux d'intérêt est limitée, tant à la hausse qu'à la baisse, à un écart déterminé par rapport au taux d'intérêt initial, sans que cet écart en cas de hausse du taux d'intérêt puisse être supérieur à l'écart en cas de baisse. Le Code impose de la sorte au prêteur de prévoir un taux "plancher" et un taux "plafond". A cet égard, l'arrêt Guterrez Naranjo de la Cour de Justice n'a pas remis en cause la technique des clauses plancher même si, par ailleurs, elle a considéré en l'espèce, que la clause était abusive parce qu'elle se trouvait noyée dans les conditions générales et que le consommateur n'avait pas reçu une information adéquate lors de la conclusion du contrat. Ceci souligne l'importance d'indiquer de manière particulièrement claire les modalités de variation dans le contrat et dans l'ESIS (En ce sens, BIQUET-MATHIEU, C. "Le capital et les intérêts", in Le crédit hypothécaire au consommateur, ULG/ECL, Larcier, Coll. Patrimoine et notariat, 2017, p. 285). C’est cette règle qui a conduit l’ombudsman à décider que la limitation de la variation à 0% n’était pas conforme à la règle et à inviter une banque à pratiquer des taux négatifs alors qu’elle entendait limiter la baisse du taux à 0% (voir l'avis du 2016/1664).
- Le contrat de crédit peut également prévoir que le taux d'intérêt ne varie que si la modification à la hausse ou à la baisse produit, par rapport au taux d'intérêt de la période précédente, une différence minimale déterminée.
- Si la première période a une durée inférieure à trois années, une variation à la hausse du taux d'intérêt ne peut pas avoir pour effet d'augmenter le taux d'intérêt applicable à la deuxième année de plus de l'équivalent d'un point pour cent l'an par rapport au taux d'intérêt initial, ni d'augmenter le taux d'intérêt applicable à la troisième année de plus de l'équivalent de deux points pour cent l'an par rapport à ce taux d'intérêt initial.
- les articles VII.143, § 3, 6°, alinéa 2 et 7°, alinéa 2, précisent le mode de calcul du taux si une réduction conditionnelle a été consentie au consommateur mais que celle-ci prend fin parce que les conditions ne sont plus remplies (voy. un commentaire plus général sur les réductions de taux).
Le Code organise donc une variation « automatique ». Le nouveau taux d’intérêt est le résultat d’un calcul opéré à partir d’un indice de référence totalement indépendant du prêteur. La variation elle-même n’est pas soumise à l’appréciation du prêteur. Tout est prédéterminé dans le contrat.
Condition n°4 – Information préalable du consommateur
Principe
L'article VII.143, § 6, impose une information au consommateur. Cette information doit être préalable à la modification du taux et être reprise sur un support durable. L'information doit être donnée au consommateur en cas de modification du taux n’émanant pas du prêteur (par exemple, si la modification est la conséquence d’une réduction du taux maximum autorisé). Comme cela a été jugé pour le crédit à la consommation, cet avertissement préalable est nécessaire en cas de hausse comme en cas de baisse. L'information doit être accompagnée, le cas échéant (c'est à dire si le capital fait l'objet d'amortissements réguliers ou progressifs), d'un tableau d'amortissement que le prêteur doit mettre gratuitement à la disposition du consommateur. Cette information s'impose même si la seule modification du taux n'entraîne pas de modification dans l'amortissement du capital.
Exception – information périodique
Comme pour le crédit à la consommation, les parties peuvent toutefois convenir que l’information relative à la variation du taux débiteur sera communiquée périodiquement. Cette faculté n’est autorisée que lorsque la variation est la conséquence d’une modification d’un taux de référence, que ce taux de référence est rendu public par des moyens appropriés et que l’information relative au nouveau taux de référence est disponible dans les locaux du prêteur.
Les termes rendus publics par des moyens appropriés font référence à la possibilité pour le consommateur de prendre connaissance du taux de référence à tout moment par la consultation de périodiques, du site internet de l’entreprise ou d’un tiers, etc. En pareil cas, la modification du taux pourra être portée à la connaissance du consommateur par un avis joint au relevé périodique prévu par l’article VII.147/14, § 1er mais ce relevé périodique ne peut s'envisager que pour les crédits hypothécaires à destination mobilière.
Contenu de l’information
L'information doit porter sur le nouveau taux débiteur et indiquer, le cas échéant, le montant des paiements à effectuer après l'entrée en vigueur du nouveau taux débiteur. Cette communication doit également préciser si le nombre ou la périodicité des paiements varie.
Sanction du défaut d'information
Le consommateur est relevé de plein droit des intérêts et frais se rapportant à la période sur laquelle porte l'infraction selon l'article VII.214. Il en résulte que le consommateur pourra prétendre au remboursement des intérêts et frais payés entre le jour où l'information aurait dû être communiquée et celui où le prêteur communiquera le taux appliqué conformément à l'article VII.86, § 4 ( en crédit à la consommation voy. J.P. Spa-Malmédy, 16 octobre 2003, Ann. Crédit 2003, 128 et note J. VAN LYSEBETTENS, De wet van 14 juli 1998, Ann. Crédit 2003, 133; J.P. Grimbergen, 19 novembre 2003, Ann. Crédit, 2003, 140).
Condition n°5 – Pour les crédits hypothécaires à but mobilier, la variation doit rester dans les limites des taux maxima
L’article VII.147/9 reste d’application pour les contrats de crédit hypothécaire à but mobilier, même si le contrat de crédit autorise la variation du taux débiteur. La variation du taux débiteur ne peut donc avoir pour effet de porter le TAEG du contrat de crédit au-delà du maximum autorisé par le Roi en fonction du type, du montant et éventuellement, de la durée du crédit. Si cela devait être le cas, la variation du taux débiteur sera bridée par le TAEG maximum.
Par ailleurs, toute baisse du TAEG maximum est d’application immédiate aux contrats en cours pour autant qu’ils prévoient la variabilité du taux annuel effectif global (article VII.147/9, § 3, alinéa 2). Dès lors, si le TAEG dépasse le maximum autorisé, le prêteur sera tenu de réduire le taux débiteur à due concurrence. En pareil cas, le consommateur doit être informé de la réduction qui est une variation comme une autre même si elle ne résulte pas directement de l’évolution du taux de référence. Par ailleurs, en cas de variabilité du taux, le consommateur peut exiger le maintien du montant de terme, ainsi que la prolongation ou la réduction du délai de remboursement convenu. Ce droit doit être précisé dans le contrat.
Voir le commentaire de l'article VII.149.
Sanction civile
La violation de l’article de l’article VII.143 a pour conséquence que le consommateur peut exiger le remboursement des sommes qu'il a versées, augmentées du montant des intérêts légaux se rapportant à la période sur laquelle porte l’infraction (VII.211). Outre cette sanction civile, la clause irrégulière doit être tenue pour nulle. Il faut alors considérer que le taux initial est un taux fixe. On ne voit pas comment en effet, le prêteur pourrait modifier unilatéralement la clause illégale ou l’appliquer différemment pour la rendre conforme à la loi. La seule chose qu’il puisse faire est de renoncer à l’appliquer pour éviter la sanction civile de l’article VII.211. En sens inverse, le consommateur peut subir un préjudice du fait de l’absence de réduction du taux en cas de baisse de l’indice de référence. Il serait alors en droit de constater qu’il y a infraction et de réclamer l’application de la sanction civile.