Les mesures administratives

 

 

 

Le procès verbal d'avertissement

L’article XV.31 permet à l’Inspection d’adresser au contrevenant un avertissement le mettant en demeure de mettre fin à l’infraction. Cet avertissement prend la forme d’un procès-verbal dans lequel est constatée l’infraction.

Il s’agit d’un rappel à la loi dont il est généralement fait usage lorsque l’Inspection constate des infractions mineures au Livre VII. L’avertissement n’est pas une sanction à caractère pénal.

La décision d’adresser un avertissement ou de recourir à une sanction est une décision discrétionnaire des agents de contrôle. Les travaux préparatoires du Livre XV livrent plusieurs indications sur les critères qui doivent guider le choix des agents vers l’une ou l’autre réaction:

« La procédure d’avertissement a en effet démontré dans le passé, surtout en cas d’infractions mineures, qu’elle constituait un instrument utile pour imposer un respect radical de la réglementation sans pour autant devoir infliger des sanctions.

[…]

L’utilisation de la procédure d’avertissement est en outre purement facultative pour les agents visés à l’article XV.2. En présence d’infractions (oui ou non à caractère répétitif) commises sciemment ou avec l’intention de nuire, l’utilisation de cette procédure est déconseillée. En pareil cas, il est en effet préférable de procéder immédiatement à une répression effective. Il en va de même lorsque l’infraction est trop importante ou a causé préjudice à un tiers qui demande indemnisation.»

Cet avertissement doit mentionner:

  • Les faits imputés et les dispositions réglementaires enfreintes
  • Le délai dans lequel il doit être mis fin aux infractions constatées
  • Qu'au cas où il n'est pas donné suite à l'avertissement, soit une action en cessation sera formée le cas échéant, soit le procureur du Roi sera avisé, soit la procédure de transaction sera appliquée, soit une sanction administrative sera imposée
  • Que l'engagement du contrevenant de mettre fin à l'infraction peut être rendu public

Si l’entreprise met fin à l’infraction, le procès-verbal d’avertissement met un terme à la procédure. En cas de nouvelle infraction, les faits constatés dans le procès-verbal d’avertissement pourront fonder une sanction contre l’entreprise avertie.

L’Inspection économique peut imposer au contrevenant de se mettre immédiatement en ordre. C’est généralement le cas pour les infractions aux règles en matière de publicité. Mettre fin à l’infraction consiste à retirer le support publicitaire ce qui ne nécessite généralement pas un délai.

La procédure d’avertissement ne requiert pas que l’infraction constatée au Code de droit économique soit sanctionnée par une disposition pénale. Un avertissement peut être adressé quel que soit l’infraction constatée. Cependant, l’article XV.31, §4, ne permet pas d’appliquer cette procédure en cas d’infractions aux dispositions relatives à l’agrément et l’inscription des prêteurs et intermédiaires.

En pratique, l’Inspection adresse un avertissement lorsqu’elle constate des infractions mineures au Livre VII. C’est par exemple le cas lorsqu’elle constate pour la première foi des infractions en matière de publicité sans que d’autres infractions aient été commises.

Sanctions administratives à l’initiative de la FSMA

Les sanctions administratives peuvent être de différentes natures. Elles sont prévues par les articles XV.66 et XV.67 et suivants. Ces sanctions sont prononcées par la FSMA. Dans certains cas, ces sanctions peuvent avoir pour origine des contrôles réalisés par l’Inspection économique.

Amendes

L’article XV.66 permet à la FSMA d’infliger aux prêteurs et aux intermédiaires des amendes d’un montant maximum de 50.000 euros pour les premiers et de 25.000 euros pour les seconds.

Radiation

Conformément à l’article XV.67, la FSMA dispose du pouvoir de radier les agréments des prêteurs et intermédiaires lorsque ceux-ci n’ont pas entamé leurs activités dans les 6 mois de l’octroi, lorsqu’ils y renoncent, ont été déclarés en faillite ou lorsqu’ils ont cessé d’exercer leurs activités.

Mesure de redressement

Pour les prêteurs

Conformément à l’article XV.67/1 Lorsque la FSMA constate qu'un prêteur ne fonctionne pas en conformité avec les dispositions du livre VII, titre 4, chapitre 4 et des arrêtés et règlements pris pour son exécution, elle identifie ces manquements et fixe le délai dans lequel il doit être remédié à la situation constatée.
Si, au terme de ce délai, il n'a pas été remédié à la situation, la FSMA peut :

  • Désigner un commissaire spécial qui devra donner son autorisation à tous les actes ou décisions du prêteur
  • Suspendre pour la durée qu'elle détermine l'exercice direct ou indirect de tout ou partie de l'activité du prêteur ou interdire cet exercice.
  • Enjoindre le remplacement des administrateurs ou gérants du prêteur dans un délai qu'elle détermine, et, à défaut d'un tel remplacement dans ce délai, substituer à l'ensemble des organes d'administration et de gestion du prêteur un ou plusieurs administrateurs ou gérants provisoires
  • Révoquer l’agrément

Ces mesures peuvent également être prises en cas d’urgence sans qu'un délai de redressement ne soit préalablement fixé.

Pour les intermédiaires

L’article XV.67/2 permet à la FSMA, lorsqu’elle constate qu'un intermédiaire de crédit ne fonctionne pas en conformité avec les dispositions du livre VII, titre 4, chapitre 4 et des arrêtés et règlements pris pour son exécution, de fixer un délai dans lequel il doit être remédié à la situation constatée.

La FSMA peut suspendre l’inscription d’intermédiaire pendant la durée de ce délai et lui interdire l’exercice de l’activité.

Dans le cas où l’intermédiaire ne remédie pas dans le délai fixé, la FSMA radie l’inscription de l’intermédiaire.

Sanctions administratives sur requête du SPF Economie

Conformément à l’article XV.67/1, §5, lorsque le SPF Economie fait savoir à la FSMA par une notification motivée, après avoir entendu l'intéressé, qu'un prêteur a enfreint ou enfreint gravement les dispositions du livre VII ou des arrêtés et règlements pris pour son exécution, autres que celles du titre 4, chapitre 4, la FSMA radie d'office l'agrément du prêteur sans nouvel examen du dossier sur le fond.

L’article XV.67/1, § 5 permet au SPF ECONOMIE de faire radier l’agrément d’un prêteur de crédit à la consommation qui enfreindrait gravement les dispositions du Livre VII.

La disposition actuelle ne précise plus les délais et les modalités d’exercice de cette compétence. Cette procédure est menée, pour des raisons pratiques, par la Direction générale de la Réglementation économique du SPF ECONOMIE (DGRE) sur base des constats réalisés par l’Inspection. Elle est initiée par une «lettre de griefs» qui notifie au prêteur les faits constatés et les infractions qu’ils sont susceptibles de constituer.

La disposition requiert que l’intéressé soit entendu. Il ne s’agit pas d’une audition au sens pénal mais bien d’une audition au sens administratif. Cette obligation constitue une application du principe de droit administratif audit alteram partem. L’intéressé doit recevoir la possibilité de faire valoir sa défense et ses arguments, il peut faire le choix de répondre par écrit ou oralement. Il peut également se faire représenter par un avocat. En l’absence de réponse de l’intéressé au courrier qui lui notifie les infractions suspectées, l’intéressé est présumé avoir été entendu.

L’article 106 de la LCC prévoyait une procédure initiée par une notification des griefs («lettre de griefs»). Le prêteur notifié pouvait alors consulter le dossier administratif, disposait d’un délai de deux semaines pour présenter sa défense et pouvait demander à être entendu par le Ministre ou son délégué. La décision était alors prise par un arrêté ministériel motivé, publié, par extrait, au Moniteur Belge et notifié par courrier recommandé aux intéressés.

Le délai dans lequel l’intéressé peut faire valoir sa défense dépend des circonstances de l’espèce. Par défaut l’administration octroie un délai de 15 jours pour ce faire. Ce délai peut être prolongé à la demande des intéressés.

Le Code ne définit pas ce qui constitue une infraction grave. Il faut cependant constater que les infractions à certaines dispositions sont sanctionnées pénalement. Pour la plupart d’entre elles, le Code prévoit une sanction de niveau 5 sur une échelle de 6. Le projet de loi de l’article XV.70, qui détermine les niveaux de sanction, indiquent par exemple que le niveau 3 sanctionne des «infractions moyennement graves», le niveau 4, des «infractions graves» et le niveau 5, des infractions graves commises de manière intentionnelle ou qui constituent une atteinte aux intérêts généraux. L’on peut donc conclure que toutes les infractions aux dispositions du Livre VII sanctionnées pénalement sont graves ou moyennement graves.

La radiation peut en outre être décidée en raison d’infractions à des dispositions du Livre VII qui ne sont pas sanctionnées pénalement. La gravité de l’infraction peut également être déduite du caractère habituel ou répété des infractions ou du préjudice subi par les consommateurs.

L’article XV.67/2, § 3 prévoit une procédure identique à l’égard des intermédiaires de crédit.

Lorsque le SPF Economie constate, après avoir entendu l’intéressé, que celui-ci a gravement enfreint les dispositions du Livre VII, elle transmet une notification motivée à la FSMA qui radie d’office l’agrément du prêteur. La FSMA ne réalise pas de nouvel examen.

Bien que la procédure soit entièrement instruite par le SPF ECONOMIE, c’est la FSMA qui, juridiquement, prend la décision.

Le Conseil d’état est compétent pour connaître des recours contre les décisions de la FSMA.

Procédure administrative et procédure pénale : Le criminel tient le civil en état (?)

Dans une procédure adminstrative l'intermédiaire avait soulevé l'argument de la suspension de la procédure tant que le juge pénal ne s'était pas prononcé définitivement sur l’action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l’action civile ou administrative. L'adminstration a écarté l'application de l'adage et motive la sanction de la manière suivante


La défense avance qu’en vertu de l’adage « Le criminel tient le civil en l’état » l’exercice de l’action civile et administrative serait suspendu tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l’action civile ou administrative.
La suspension de l’action civile se justifierait selon la défense parce que « le jugement pénal a autorité de chose jugée à l’égard de l’action civile en ce qui concerne les points communs à l’action pénale et à l’action civile et en raison de l’autorité erga omnes de la chose jugée sur l’action publique qui s’attache à tout ce qui a été décidé au pénal, concernant l’existence de faits imputés au prévenu et ce, quelle qu’en soit la qualification juridique. » Selon la défense, « ce principe s’applique mutatis mutandis à une action de l’administration ».
La défense soulève également une violation du principe « non bis in idem » et de l’article 6 CEDH car, selon elle, dès la transmission d’un pro justitia au Parquet, l’administration perdrait tout pouvoir d’appréciation des faits tant qu’un juge n’aurait pas tranché la question au pénal.
Ces références ne sont pas pertinentes en l’espèce.
En effet, la règle « le criminel tient le civil en état » est tirée du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle (TPCIC) qui dispose en son article 4 que « L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. Elle peut aussi l'être séparément; dans ce cas l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile. (…)».
L’obligation faite à une juridiction civile de surseoir à statuer se fonde sur l’autorité de la chose jugée qui est liée à la décision prise par la juridiction pénale portant sur les points qui seraient communs aux deux procédures engagées. Cet article 4 TPCIC ne s’applique pas aux décisions prises par le Ministre ou son délégué, sur base de la LCC.
En admettant même que, dans le cas présent, il faille considérer que le Ministre ou son délégué serait « une juridiction civile » qui exercerait une « action civile » - ce qui demeure encore à démontrer - , il faudrait encore qu’il y ait exercice concurrent d’une « action publique ».
Or, le service de la DGIE s’est contenté de transmettre des informations au Parquet, sur base de l’article 81 LCC , et , il n’y a, à ce jour, pas eu d’ exercice de l’« action publique » puisqu’il n’y a pas d’instruction ouverte au pénal portant sur les infractions à la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation . Le cas échéant, si une action publique portant sur les mêmes faits et les mêmes auteurs était un jour exercée, il appartiendrait au juge saisi de la question d’envisager l’opportunité de telles poursuites sous l’angle du principe non bis in idem. La transmission d’un pro justitia n’entraine pas d’office une décision d’un juge au pénal, le Parquet restant libre d’exercer l’action publique ou d’envisager d’autres mesures.
Pour le surplus, une décision du Ministre ou de son délégué doit pouvoir être prise dans un délai raisonnable en vue de protéger les consommateurs de tout abus et d’assurer le respect des dispositions prévues par la loi. Cet objectif ne saurait être rencontré si le Ministre ou son délégué devait attendre jusqu’à ce qu’un hypothétique jugement d’une juridiction pénale ait pu éventuellement être rendue ainsi que le laisse entendre la défense.
Enfin, la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme a clairement établi qu’il n’est pas nécessaire qu’une autorité disciplinaire ou administrative respecte toutes les garanties de l’article 6 CEDH, pour autant que les intéressés qui se sont vus opposer une décision définitive d’une autorité disciplinaire dispose d’un recours de pleine juridiction qui garantit, a posteriori, le respect des conditions visées à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Le Ministre ou son délégué reste donc compétent.

Remonter