Régimes réservés à certains prêteurs
Genèse
Le texte initial de la LCC précisait : "Le Roi peut déterminer que les articles de la présente loi, désignés par Lui, ne s'appliquent pas à certains types de crédit consentis à des taux annuels effectifs globaux inférieurs aux taux annuels effectifs globaux habituellement pratiqués sur le marché et qui ne sont pas proposés au public en général". Dans le cadre de la transposition de la directive 2008/48/CE, le législateur a choisi d'étendre le champ d'application de la directive aux contrats de crédit consentis par un employeur à ses employés (article 3, § 3, 1°, de la LCC). La directive 2008/48/CE avait exclu totalement ces contrats de son champ d'application (article 2, 2, g) pour autant qu'ils soient consentis à titre accessoire, sans intérêt, à des taux annuels effectifs globaux inférieurs à ceux pratiqués sur le marché et qui ne sont pas proposés au public en général. La directive 2014/17/UE contient la même exclusion (article 3.2.b).
La directive 2008/48/CE exclut également les contrats de crédit liés aux prêts qui sont accordés à un public restreint en vertu d'une disposition légale d'intérêt général et à un taux d'intérêt inférieur à celui pratiqué sur le marché, ou sans intérêt, ou à d'autres conditions qui sont plus favorables au consommateur que celles en vigueur sur le marché et à des taux d'intérêt qui ne sont pas supérieurs à ceux pratiqués sur le marché. La directive 2014/17/UE laisse aux Etats membres la possibilité de prévoir cette même exclusion en crédit hypothécaire (article 3.3.C). Cette exclusion totale a également été reprise sous forme d'une application partielle.
L'exposé des motifs de la loi du 13 juin 2010 a justifié comme suit le choix d'un régime d'application partielle de la loi : "c’est en effet l’intention des auteurs du présent projet de conserver, comme c’est le cas actuellement, l’application de la loi à tous les contrats de crédit, également ceux qui sont octroyés par les employeurs ou les services sociaux “dans le cadre de leurs activités professionnelles”, même si il n’y a aucun but de lucre. (...) Il ne peut être accepté qu’un consommateur à qui tous les prêteurs refusent d’octroyer davantage de crédit, se tourne vers son employeur pour obtenir un crédit non réglementé sans consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers ou sans un enregistrement des contrats de crédit ainsi conclus. Rien n’empêche par ailleurs que le service social d’un employeur agisse en tant qu’intermédiaire de crédit et intervienne en cette qualité auprès d’un prêteur professionnel" (Doc. Parl., Ch. Repr., Sess.2010-2011, 2468/1, p. 26).
Principe
La loi belge (VII.3, § 4) régit ces contrats de crédit mais confie au Roi la possibilité d’écarter certaines dispositions. Il a été fait usage de cette faculté par l’arrêté royal du 23 octobre 2015 relatif à la mise en œuvre, en ce qui concerne les prêteurs sociaux et les employeurs, de l’article VII.3, § 4, du Code de droit économique (M.b. du 30 octobre 2015) modifié par l’arrêté royal du 19 avril 2017.
Crédit par un employeur
L'article VII.3, § 4, vise un employeur qui accorderait un prêt à un employé a titre accessoire, ce qui signifie que l'exception ne peut être utilisée par une société qui aurait le crédit parmi ses activités. Par ailleurs pour être utilisée l'exception impose au prêteur d'accorder des crédits sans intérêt ou à des taux annuels effectifs globaux inférieurs à ceux pratiqués sur le marché et qui ne sont pas proposés au public en général.
En ce cas, en ce qui concerne le crédit à la consommation, l'arrêté royal dispense de la consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers et l'enregistrement du crédit au sein de cette Centrale (article VII.77, § 1, al.2 à 5). L'arrêté royal dispense également ces prêteurs du respect de l'article VII.95 ce qui leur permet de consentir des crédits pour des durées supérieures à la durée maximale fixée par le Roi et de ne pas appliquer le zérotage. Par dérogation à l'article VII.77, § 2, al.2, l'employeur peut consentir un prêt à un employé enregistré pour un défaut dans la Centrale pour un montant de plus de 1.000 euros (puisque l'employeur n'a pas accès à la Centrale et ne serait donc pas en mesure de respecter l'interdiction). Par ailleurs, l'employeur ne doit pas être agréé comme prêteur auprès de la FSMA. Le régime des sanctions civiles est adapté en conséquence.
En ce qui concerne le crédit hypothécaire, aucune disposition du régime légal n'est actuellement exclue. On en déduit la conséquence qu'en réalité, un employeur ne peut pas consentir de crédit hypothécaire au sens du Code sans, au préalable, être enregistré comme prêteur. Ceci a pour conséquence que sauf agrément préalable, un employeur ne pourrait demander à son employé de conférer une hypothèque pour garantir un crédit à la consommation puisque de ce fait, ce crédit à la consommation deviendrait un crédit hypothécaire à destination mobilière.
Crédit à un public restreint par des institutions agréées à cet effet
L'exception vise des institutions publiques ou privées qui sont agréées par l'autorité pour pratiquer des crédits destinés à un public cible (crédit logement aux familles nombreuses par exemple) ou à accompagner certaines politiques (crédits pour l'isolation ou l'installation de panneaux solaires). Ces prêts sont destinés à un public particulier et sont accordés sans intérêts, ou à un taux inférieur à celui du marché, ou encore à un taux de marché mais avec d'autres conditions plus favorables pour le consommateur. Au nombre des prêteurs agréés, on trouve par exemple des sociétés accordant des prêts sociaux pour l'acquisition d'un logement ou des sociétés coopératives accordant des prêts à un public défavorisé n'ayant plus accès au crédit.
Le régime partiel dispense ces institutions de la plupart des exigences requises du prêteur pour obtenir l'agrément (VII.161 à VII.164 et VII.167 à VII.169) mais elles doivent néanmoins être agréées avant d'entamer une activité de prêteur. Ces institutions ne doivent pas contribuer aux frais de fonctionnement de la FSMA et sont dispensées de disposer d'une assurance professionnelle.
En crédit à la consommation, ces institutions ne sont, comme les employeurs-prêteurs, pas soumises aux durées maximales et au zérotage. Par contre, pour le reste, elles sont tenues de respecter toutes les dispositions du titre 4 du Livre VII, tant en ce qui concerne le crédit à la consommation que le crédit hypothécaire. Ainsi, la consultation de la Centrale des Crédits aux Consommateurs est obligatoire pour le crédit à la consommation comme pour le crédit hypothécaire.