VII.74 : Fournir des explications complémentaires

 

Article VII.74

Article VII.74 :

Les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit, fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, le cas échéant en expliquant l'information précontractuelle qui doit être fournie conformément à l'article VII.70, § 1er, les caractéristiques essentielles des produits proposés et les effets particuliers qu'ils peuvent avoir sur le consommateur, y compris les conséquences d'un défaut de paiement du consommateur.

Si une ouverture de crédit est offerte dans un point de vente hors de l'établissement du prêteur ou à distance, une explication adaptée est fournie par le prêteur ou, le cas échéant, par l'intermédiaire de crédit quant aux avantages et inconvénients de ce type de crédit par rapport aux ventes ou prêts à tempérament, si ces types de crédit sont proposés par le prêteur ou l'intermédiaire de crédit. Cette explication porte notamment sur l'amortissement du capital, l'imputation des intérêts, les taux annuels effectifs globaux maxima, le délai de zérotage et l'exigibilité du solde restant dû en cas de résiliation unilatérale visée à l'article VII. 98, § 1er, alinéa 2.

Commentaire

Genèse du texte

Portée du texte

Il incombe aux prêteurs comme aux intermédiaires d'apporter des explications complémentaires aux consommateurs. Ceci suppose soit que les informations standardisées sont insuffisantes pour expliquer les implications du crédit qui sera consenti, soit encore que, vu sa situation spécifique, le consommateur n'est pas en mesure de comprendre les informations standardisées. Dans ces cas, la remise du SECCI ne suffit donc pas (STEENNOT R. et al., "Overzicht van rechtspraak consumenten bescherming (2005-2014)", T.P.R. 2015 - 3/4, 401, p.1732; BONNARENS F., "De informatie- en onderzoeksverplichting in hoofde van de verstrekker van consumentenkrediet", note sub Bruxelles, 26 mars 2012, RABG2012, 1161-1162)

A l'inverse des informations reprises à l'article VII.70 (ou VI.71) qui doivent être fournies dans tous les cas, les explications complémentaires ne s'imposent que si, et dans la mesure où, la nature du crédit ou la qualité du consommateur l'exigent (en ce sens : E. TERRYN et J. VANNEROM, "De implicaties van de nieuwe richtlijn consumentenkrediet voor het Belgische recht", in R. BLANPAIN et R. TAS (eds), Recht in beweging, Antwerpen, Maklu, 2009, 34; M. DE MUYNCK et R STEENNOT, "De nieuwe wet consumentenkrediet en kredietopeningen : een afdoende bescherming voor de consument", R.D.C., 2011, p. 293).

Cela rejoint certains commentaires sur le devoir général que contenait l'article 11 LCC avant sa modification par la loi du 13 juin 2010. Le professionnel doit adapter (Civ. Namur, 5 juin 2000, J.J.P., 2002, p. 120; D. BLOMMAERT et F. NICHELS, Kroniek (II), op. .cit., p.96, n°18) son comportement au consommateur avec lequel il contracte. Cela lui impose des efforts particuliers afin d’assurer une communication effective (consommateur illettré, handicapé…). Le professionnel doit ainsi s'assurer de ce que le consentement du consommateur est suffisamment éclairé et que les obligations découlant du contrat de crédit sont suffisamment comprises. Dès lors qu'il s'agit de préciser le contenu des informations standardisées, les explications complémentaires doivent porter au moins sur tous les points énumérés à l'article VII.70 (ou VII.71) du Code.

L'interprétation par la Cour de Justice

Dans l'arrêt Consumer Finance, la Cour de Justice a précisé comment cette disposition devait être interprétée. Les explications doivent être fournies avant la conclusion du contrat; elles n’ont pas nécessairement de lien avec l’évaluation de la solvabilité (et peuvent donc être antérieures à l’évaluation) mais cette évaluation peut imposer au prêteur une adaptation des explications antérieurement fournies. Enfin, selon la Cour de Justice, il ne résulte ni de la directive, ni de l’objectif de la disposition visée, que les explications doivent être fournies dans un document spécifique et «il n’est pas exclu que de telles explications puissent être données oralement par le prêteur au consommateur, au cours d’un entretien avec ce dernier ». Ceci pose néanmoins un problème de preuve puisque, conformément au même arrêt, il incombe, par ailleurs, au prêteur (ou à l’intermédiaire), débiteur de l’obligation, de prouver qu’il l’a exécutée.

VII.74, al.2 : Devoir de mise en garde en matière d'ouvertures de crédit conclues en dehors de l'entreprise du prêteur ou à distance

L'article VII.74 comporte un deuxième alinéa qui impose un devoir d'information renforcé que la loi met ici à charge des prêteurs et intermédiaires concernant certaines ouvertures de crédit. Il s'agit de juguler la commercialisation effrénée de certaines ouvertures de crédit sans fourniture correcte et préalable d’informations (Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, session n° 52, 2468/001, p. 33). La pratique visée est l'offre de crédit dans un point de vente hors de l'établissement du prêteur ou à distance. Tombent notamment dans le champ d'application de cette disposition, les contrats de crédit d'ouverture de crédit conclus dans les points de vente des chaînes de distribution ou chez les courtiers de crédit. Dans la mesure où l'agent lié opère sous l'enseigne de son commettant, les contrats conclus dans les bureaux de l'agence exploitée par l'agent lié, sont considérés comme conclus dans l'établissement du prêteur.

Pour le contrat à distance, l'article VI.57 précise : En temps utile, et avant que le consommateur soit lié par un contrat à distance ou par une offre, l'entreprise lui communique toutes les conditions contractuelles ainsi que les informations visées à l'article VII.55, § 1er, sur un support papier ou sur un autre support durable, mis à la disposition du consommateur et auquel celui-ci a accès. Parmi les informations visées à l'article VI.55, § 1er, figure une description des principales caractéristiques du service financier. L'explication visée à l'article VII.74, alinéa 2, relève incontestablement des principales caractéristiques du contrat de crédit. Elle doit donc être fournie par écrit ou sur support durable avant la conclusion du contrat.

Ouverture de crédit et acquisition d'un bien ou d'un service

Sont particulièrement visées par l'article VII.74, alinéa 2, les ouvertures de crédit conclues dans les points de vente de la grande distribution, le plus souvent à l'occasion de l'acquisition d'un bien de consommation ou d'un service. L'utilité pour le consommateur d'acquérir un bien de consommation ou un service au moyen d'une ouverture de crédit n'apparaît pas de manière évidente. Dans cette forme de crédit (qui constitue la forme de crédit la plus problématique du point de vue du surendettement des ménages), la durée de vie du bien ou l'utilité du service sont limitées dans le temps. Dans la mesure où l'ouverture de crédit peut être consentie à durée indéterminée et sans amortissement en capital, l'endettement du consommateur peut perdurer alors que le bien a disparu et que le service est terminé. Plus que d'autres formes de crédit, l'ouverture de crédit fait courir au consommateur le risque d'un endettement constant impliquant qu'une part de ses revenus soit consacrée au paiement des charges du crédit sans perspective de diminution en raison de l'absence d'amortissement du capital.

Certaines décisions ont d'ailleurs condamné l'utilisation de cette forme de crédit pour financer l'achat d'un bien (J.P. Lessines, 13 mai 1998, Ann. Jur., 1998,144: jugé que n'est pas une forme de crédit adéquate le financement par une ouverture de crédit de l'acquisition d'une voiture de plus de 12.500 euros; J.P. Merksem, 23 octobre 1997, J.J.P., 2000, 111: dans le même sens : un crédit de caisse d’un demi-million de francs consenti à un jeune homme dont les revenus mensuels sont de 65.000 francs).

Commet une faute, le prêteur qui consent pour l'achat d'un véhicule d'occasion, une ouverture de crédit à durée indéterminée qui ne prévoit que le paiement des intérêts sans obligation régulière d'amortissement en capital alors que les revenus modestes du consommateur rendent impossible l'amortissement du capital en une fois (J.P. Grâce-Hollogne, 5 juin 2007, J.L.M.B., 2008, 107); Voy. ég. de PATOUL F., "La loi sur le crédit à la consommation et le traitement du surendettement, Tendances et perspectives dégagées par la jurisprudence", in J.J.P., jan.- fév. 2002, p.36).

Le législateur n'a pas estimé devoir interdire cette forme de crédit pour financer l'achat d'un bien ou d'un service mais pour celles qui sont conclues en dehors de l'entreprise du prêteur, il exige du prêteur et de l'intermédiaire de fournir des explications adaptées sur les inconvénients de ce type de crédit par rapport aux ventes ou prêts à tempérament. L'administration considère en tous cas que le montant le plus adapté du crédit est le montant correspondant à la somme nécessaire pour financer le bien ou le service (le but du crédit du point de vue du consommateur), sauf justification contraire et spécifique dans le dossier de crédit. Pour le surplus, le fait de donner les explications prévues à l'article VII.74 n’exonère pas le prêteur de son devoir de conseiller un crédit adapté au besoin exprimé par le consommateur (soit en l’occurrence, l'achat d'un bien ou d'un service).

La portée de la mise en garde requise par l'article VII.74, alinéa 2

Les explications devront constituer une mise en garde d'autant que le professionnel devra attirer l'attention du consommateur sur les taux annuels effectifs globaux maxima, c'est à dire une information comparative : il ne s'agit pas simplement de communiquer le TAEG applicable à l'ouverture de crédit qui lui est proposée, il s'agit également de comparer ce TAEG avec les taux maxima, c'est à dire de comparer le TAEG maxima des ouvertures de crédit et des ventes et prêts à tempérament. Or, dans certains cas (et à certaines époques), le TAEG des ventes et prêts à tempérament peut être moins élevé que celui des ouvertures de crédit. Ce devoir de mise en garde ne s'impose toutefois que pour autant que la vente ou le prêt à tempérament sont des crédits que le prêteur propose également aux consommateurs.

Le devoir de mise en garde est justifié à la fois par la technique de distribution (en dehors de l'établissement du prêteur et à distance) et par le type de crédit utilisé (ouverture de crédit pour une vente) dans une perspective évidente de protection renforcée du consommateur. On doit donc en conclure que ce devoir s'impose en toutes circonstances et quelle que soit la personnalité du consommateur. On peut donc y voir une obligation de résultat.

Preuve et sanction

C'est au prêteur qu'il incombera de prouver que les explications complémentaires ont été fournies. Dans la mesure où l'on peut voir une obligation de résultat dans l'alinéa 2 de l'article VII.74, la preuve de la bonne exécution doit en être rapportée par le prêteur qui ne pourra s'en dégager qu'en cas de force majeure. La loi n'exige aucune forme pour ces explications complémentaires qui peuvent donc être fournies verbalement mais en pareil cas, le prêteur supportera le risque de la preuve. Si cette preuve n'est pas rapportée, le consommateur pourra demander l'application de l'article VII.201 et le juge peut relever le consommateur de tout ou de partie des intérêts de retard et réduire ses obligations jusqu'au prix au comptant du bien ou du service, ou au montant emprunté.

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