VII.108 : Réglementation de la clause de réserve de propriété
Article VII.108
La reprise du bien financé en cas d'inexécution du contrat de crédit
Lorsque le consommateur est en défaut de paiement, le prêteur va, dans le respect des conditions légales, tenter de recouvrer sa créance.
Si le crédit est destiné à financer l’acquisition d’un bien, l’une des solutions qui s’offre à lui est de reprendre, pour le faire vendre, le bien financé. En droit commun, lorsque la propriété du bien n’a pas encore été transférée au consommateur, le vendeur peut récupérer amiablement le bien ou, si le débiteur s’y oppose, mettre en œuvre une procédure en vue de récupérer le bien.
L’article VII.108 règle les conditions et modalités dans lesquelles peut être repris le bien financé par le prêteur en cas de défaillance du consommateur. Afin d’éviter le recours trop rapide à cette mesure, l’article VII.108 prévoit que lorsque 40% du prix au comptant d’un bien, faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété ou d’une promesse de gage avec mandat irrévocable, a déjà été payé par le consommateur, ce bien ne peut être repris par le prêteur qu’en vertu d’une décision judiciaire ou moyennant un accord écrit conclu après mise en demeure par lettre recommandée.
Clause de réserve de propriété ou promesse de gage avec mandat irrévocable
L’article VII.108 est applicable chaque fois que le prêteur entend reprendre le bien financé en vertu d’une clause de réserve de propriété. Cette clause peut avoir été insérée dans un contrat de vente à tempérament ou dans un contrat de vente au comptant pour laquelle, le prêteur, tiers à la vente, a effectué un paiement avec subrogation en versant directement les fonds au vendeur (contrat lié). L’article VII.108 s’applique également, selon son libellé, à la reprise du bien en vertu d’une promesse de gage avec mandat irrévocable.
Condition de la protection: avoir payé au moins 40% du prix au comptant du bien
La protection de l’article VII.108 n'existe que si le consommateur a payé des sommes égales à, au moins, 40% du prix au comptant. Cette condition figurait déjà dans la loi de 1991. La doctrine s’interrogeait alors sur la question de savoir si, pour que cette condition soit remplie, il ne fallait avoir égard qu’aux seules portions en capital des paiements effectués ou, au contraire, si le consommateur pouvait se prévaloir de l’ensemble des paiements effectués en principal, intérêts et autres accessoires. Compte tenu du fait que le prix au comptant est nécessairement un prix en capital, on soutenait que seules les parts en capital des paiements effectués devaient être prises en considération pour apprécier si la barre des 40% est atteinte. Il était également avancé que cette solution permettait de déterminer objectivement le montant devant être « déjà payé » pour bénéficier de la protection de l’article VII.108, sans que ce montant ne soit fonction du taux pratiqué par le prêteur (R. STEENNOT, « De totstandkoming en de inhoud van de overeenkomst onder de nieuwe Wet consumentenkrediet », D.C.C.R., 2004, p. 36).
Le tribunal civil de Liège a, au contraire, estimé qu'il fallait tenir compte de tous les paiements déjà effectués par le consommateur sans distinguer la part en capital de la part en intérêt (Civ. Liège, 29 septembre 2009, Ann. Jur. 2009, 63). Le tribunal fonde sa décision sur le but recherché par le législateur et estime que le fait de 40 % du capital ne soit pas encore payé n'est pas pertinent dès lors que la disposition vise "les sommes payées" en général et ne fait elle-même aucune distinction.
Droits du consommateur lorsqu’il n’a pas payé au moins 40% du prix au comptant du bien
Le prêteur pourra mettre en œuvre la procédure conservatoire de saisie-revendication. Dans ce cas, le bien ne pourra être directement réalisé que suite à une décision au fond. Le consommateur aura donc également l’opportunité de faire valoir ses arguments avant la réalisation du bien voire de solliciter à cette occasion des termes et délais judiciaires.
Le juge de paix de Mouscron a rejeté l'action d'un prêteur qui demandait la condamnation d'un consommateur au paiement d'une astreinte à défaut de restitution d'un véhicule dont le prêteur s'était réservé la propriété (J.P. Mouscron - Comines - Warneton, 16 mars 2009, Ann. Jur. 2009, 82). La décision constate que l'astreinte est destinée à permettre l’exécution d'une obligation mais qu'elle ne peut constituer une demande principale en elle-même. Il a estimé que la demande n'était par ailleurs par justifiée au regard des circonstances de l'espèce (voiture âgée de 5 année et à faible valeur résiduelle).
Le juge de paix de Verviers-Herve rappelle que la reprise d'un véhicule vendu à tempérament reste une opération comprise dans le cadre de l'exécution du contrat et reste partant, soumise à l'obligation de bonne foi imposée par l'article 1134, alinéa 3 du Code civil (J.P. Verviers-Herve, 7 juin 2011, Ann. Jur. 2011, p. 45; J.L.M.B. 2012, 229). Ne répond pas à cette obligation, le prêteur qui vend à un prix dérisoire ou manifestement insuffisant la chose financée qu'il a reprise en exécution de la clause de réserve de propriété. (...) Vendre la chose financée pour un vil prix constitue une aggravation de la dette du débiteur qui n'est ainsi plus couverte, ou dans une moindre mesure, par un gage réduit du fait du créancier. La sanction d'un tel comportement, évidemment fautif, est de retenir une valeur loyale de la chose vendue.
Conditions formelles de la reprise du bien
Lorsque les conditions d’application de l’article VII.108 sont remplies, la reprise ne peut intervenir que moyennant un accord écrit du consommateur qui doit être précédé d’une mise en demeure recommandée du prêteur. Si le consommateur refuse de consentir par écrit à la reprise du bien, le prêteur doit alors s’adresser au juge pour obtenir l’autorisation de reprendre le bien.
Trois étapes formelles sont ainsi prévues:
- le prêteur doit mettre en demeure par lettre recommandée à la poste le consommateur de lui restituer le bien;
- après cette mise en demeure, le prêteur doit obtenir l’accord écrit du consommateur;
- en cas de silence du consommateur, le prêteur doit obtenir l’autorisation du tribunal de prendre ou reprendre le bien.
Lorsqu'il sollicite l’autorisation du juge, le prêteur demande à la fois la condamnation du consommateur au paiement des sommes dues et la condamnation à restituer le véhicule financé. S'il est fait droit à cette demande, la décision autorise le prêteur à prendre possession du véhicule où qu'il se trouve, au besoin avec l'aide d'un huissier de justice et de la force publique aux frais et aux risques de la partie défenderesse (J.P. Mouscron - Comines - Warneton, 16 mars 2009, Ann. Jur. 2009, 82.).
Protection du consommateur en matière de crédit-bail
L’article VII.108, § 2, organise le régime de la reprise du bien financé en matière de crédit-bail. Dans cette matière, les garanties offertes au consommateur ayant déjà payé au moins 40% du prix au comptant du bien sont différentes de celles de l’article VII.108.
En effet, en matière de crédit-bail, c’est au consommateur, sommé de restituer le bien au prêteur ou sous le coup d’une saisie-revendication, qu’il appartient d’obtenir un accord à l’amiable avec le prêteur ou, à défaut, une décision judiciaire l’autorisant à conserver le bien.
La situation est donc inversée par rapport au régime applicable en cas de crédits à la consommation avec clause de réserve de propriété au profit du prêteur pour lesquels c’est ce dernier qui doit agir afin de pouvoir reprendre le bien financé. A défaut d’accord du prêteur, le consommateur doit donc saisir le juge et démontrer le caractère abusif de la reprise du bien financé. Il s’agit en réalité d’une solution qui n’est guère différente de celle qui prévaut en droit commun où déjà le consommateur, même s’il n’a pas payé 40% du prix au comptant du bien financé, a la possibilité d’obtenir un accord du prêteur ou une décision judiciaire.
Interdiction de l’enrichissement injustifié
L’article VII.108, alinéa 2, interdit tout enrichissement injustifié dans le chef du prêteur. A propos de la notion d’enrichissement injustifié, les travaux préparatoires de la loi de 1991 évoquent que « Le Ministre explique que cette notion a été empruntée à l’article 7 de la directive européenne du 22 décembre 1986 (1987/102/CEE). On pourrait l’illustrer par l’exemple d’un prêteur qui reprendrait une voiture et déduirait, en contrepartie, la somme de 50 000 francs de la créance ouverte, pour ensuite vendre la voiture au prix de 100 000 francs, ou qui revendrait la voiture à un membre de la famille ou du personnel à un prix inférieur à la valeur du marché » (Doc. Parl., Sénat, 1989-1990, n° 916/2, p. 147).
Afin de permettre au consommateur de vérifier que cette condition est remplie, l’article VII.108, alinéa 2, prévoit que le prêteur doit, dans un délai de trente jours à compter de la date de la vente du bien financé, notifier le prix obtenu au consommateur et lui restituer le trop-perçu. Cette obligation de notification du prix au consommateur s’applique également dans cette matière (C. BIQUET-MATHIEU, « Aperçu de la loi relative au crédit à la consommation après la réforme du 24 mars 2003 », Chronique de droit à l’usage des juges de paix et de police, cahier n° 42, Université de Liège, 24 janvier 2004, p. 184). L'interdiction de l'enrichissement injustifié n'interdit pas que le prêteur prélève sur le prix de réalisation, les frais qu'il a dû exposer pour procéder à la vente (J.P. Mouscron - Comines - Warneton, 16 mars 2009, Ann. Jur. 2009, 82 - frais de récupération du véhicule; J.P. Verviers, 30 mars 2009, Ann. Jur. 2009, 96 (sommaire) - frais d'immobilisation, de réparation et de vente). Il va de soi que le prêteur doit pouvoir justifier les frais exposés et produire les factures correspondantes.
Revente à un prix dérisoire, violation de l'obligation de bonne foi
- Jugé que, lorsque le prêteur, subrogé dans les droits du vendeur, vend à un prix dérisoire ou manifestement insuffisant la chose qu'il a reprise au consommateur en exécution d'une clause de réserve de propriété, il réduit fautivement le gage garantissant sa créance et viole l'obligation de bonne foi imposée aux cocontractants en vertu de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ainsi que l'obligation mise à charge de tout créancier de tout mettre en œuvre pour ne pas aggraver la dette de son débiteur ( J.P. Verviers I – Herve, 19 novembre 2002, Ann. Crédit 2002, 175).
- Il n'est pas correct, dans le chef du créancier, de mettre le véhicule en vente à un prix donné (considéré dans le cadre d'une estimation unilatérale) sans avoir à tout le moins informé préalablement le débiteur du prix (à défaut d'obtenir son accord). Pour fixer le prix loyal du bien repris, on ne peut pas se baser sur le tableau d'amortissement du crédit. La valeur loyale du véhicule doit être fixée en tenant compte du prix d'achat hors TVA, de la diminution de valeur généralement admise en tenant compte de son ancienneté, des Km parcourus, et des éventuelles dégradations qu'il aurait subies. Cette valeur loyale ainsi déterminée, sera imputée sur la dette en capital du consommateur (J.P. Verviers-Herve, 7 juin 2011, Ann. Jur. 2011, p. 45 avec note Loiseau O.). Le rythme de l'amortissement ne correspond pas au tableau d'amortissement qui ne peut dès lors fournir une base de calcul (Ibid.).
- La clause de réserve de propriété doit être mise en œuvre avec bonne foi. On ne peut reprocher au prêteur d'avoir vendu le véhicule repris au travers du réseau de concessionnaire de la marque et d'avoir ainsi vendu le véhicule à un professionnel. mais le prêteur ne produit aucun document permettant d'apprécier le sérieux de son appel d'offres. Le prix obtenu paraît dérisoire compte tenu de la valeur d'achat du véhicule et du temps écoulé. Les valeurs recueillies par la caution sur le Moniteur de l'automobile, montre que la valeur du véhicule était supérieure (de près du double). L’opération semble donc douteuse d'autant que le consommateur n'a pas été informé et mis en mesure d'offrir un prix supérieur (Civ. Bruxelles, 2 décembre 2013, J.L.M.B., 2016, 495).
Sanctions
Une sanction civile est prévue par l’article VII.207: la résolution du contrat de crédit et l’obligation pour le prêteur de rembourser la totalité des sommes versées endéans les trente jours. Cette sanction s’applique tant aux formalités préalables à la reprise du bien en tant que telle (mise en demeure, accord écrit ou autorisation du juge) qu’aux formalités entourant la réalisation du bien (notification du prix obtenu au consommateur, interdiction de l’enrichissement injustifié). Le tribunal de première instance de Liège a souligné qu'il s'agit d'une sanction à l'égard du prêteur ce qui implique que la vente elle-même n'est pas annulée. Le consommateur ne doit donc pas rembourser le solde du crédit (diminué du prix de vente du bien repris) (Civ. Liège, 29 septembre 2009, Ann. Jur. 2009, 63).
Le non-respect de l’article VII.108 est sanctionné pénalement par l’article XV.90, 4°.
Exemples - Avis de l'administration
- Le prêteur ne peut invoquer un accord verbal, C'est insuffisant au regard de l'écrit requis par le texte de la loi et un accord verbal n'est pas toujours le signe d'un accord éclairé. Le consommateur peut avoir obéi aux pressions du prêteur ou agi par crainte des conséquences d'un refus suite à la mise en demeure recommandée. Si seul un accord verbal peut être invoqué, la sanction de l'article 98 [VII.207] s'applique.
- Il est permis de douter de l'utilité de la clause suivante: «Pour le cas où ils seraient en défaut de remplir leurs obligations les consommateurs donnent dès à présent au prêteur avec pouvoir de substitution, mandat irrévocable de réaliser les objets entrés dans sa possession et d’en percevoir le prix. En outre, ils mandatent le prêteur pour opérer une compensation entre le prix de revente et les sommes encore dues par eux». La clause suppose la résolution préalable du contrat de crédit qui ne peut intervenir que dans le respect de l'article VII.105 de la loi. D'autre part, le caractère irrévocable du mandat peut prêter à discussion dès lors que les parties ont des intérêts contradictoires (voy. Mons, 25 mars 1986, rev. not. b. 1986, 285) et qu'en toute hypothèse la restitution du véhicule ne peut être opérée qu'en exécution d'une décision judiciaire ou d'un accord écrit du consommateur, postérieur à la mise en demeure".
- La clause de réserve de propriété dans le cadre d'un prêt à tempérament consenti pour financer l'achat d'un bien, n'est valable que pour autant que le vendeur au comptant se soit réservé la propriété et qu'il y ait subrogation effective du prêteur dans les droits du vendeur.