VII.87, § 2 et VII.147, § 2 : Interdiction des retenues de garantie

 

 

Article VII.87, § 2 et VII.147, § 2

Article VII.87, § 2

§ 2. Il est également interdit au prêteur et à l'intermédiaire de crédit de stipuler à charge du consommateur, lors de la conclusion d'un contrat de crédit, l'obligation de mettre le capital emprunté, en tout ou en partie, en gage ou de l'affecter, en tout ou en partie, à la constitution d'un dépôt ou à l'achat de valeurs mobilières ou d'autres instruments financiers.

Interdiction de la retenue et du gage au moyen du crédit

Il s'agit d'interdire certaines pratiques qui imposaient au consommateur de souscrire un contrat d'épargne ou de placement en même temps que le contrat de crédit. L'interdiction a d'ailleurs une portée plus large que ce que vise l'article VII.87, § 1 : le prêteur ne peut imposer un deuxième contrat (de dépôt ou d'achat de valeurs mobilières) même si le consommateur a le choix du cocontractant. Est également interdite la retenue d'une somme à titre de garantie - sous quelque procédé que ce soit - même si cette technique n'impose pas la conclusion d'un deuxième contrat.

Dans les modalités du contrat de crédit, le prêteur ne peut donc prévoir d'utiliser une partie du crédit pour constituer un dépôt ou acquérir des valeurs mobilières qui seront affectées à la bonne fin du crédit. L'interdiction vaut pour les sûretés réelles réclamées pour l'exécution d'un crédit-bail : si l'article VII.82 prévoit qu'en matière de crédit-bail, la seule sûreté réelle qui peut être réclamée au consommateur est un dépôt gagé, ce régime ne déroge pas à l'interdiction de l'article VII.87, § 2. Il faut donc que le dépôt d'espèce soit versé par le consommateur au moyen de ses propres deniers.

Pour les crédits hypothécaires, il n'est donc plus possible de conditionner l'octroi du crédit à la souscription d'un certain nombre de parts d'une société mutuelle coopérative alors que cette possibilité était prévue dans l'ancien régime (article 18 de la LCH, repris à l'article VII.137, CDE, avant sa modification par la loi du 22 avril 2016).

Une interdiction de principe découlant des directives ?

Une décision de la Cour de justice (CJUE, 21 avril2016, Aff. C-377/14, Radlinger) pose la question de savoir si l'interdiction de la retenue pour gage n'est pas déjà implicitement prévue par les directives européennes. Pour le calcul du TAEG, on compare le montant du crédit d'une part et le montant total dû, de l'autre. Le montant total dû inclus tous les frais et les intérêts payés par le consommateur. La Cour de Justice s'est prononcée sur ces notions en décidant que "le montant total du crédit et le montant du prélèvement de crédit désignent l’ensemble des sommes mises à la disposition du consommateur, ce qui exclut celles affectées par le prêteur au paiement des coûts liés au crédit concerné et qui ne sont pas effectivement versées à ce consommateur"; Il en résulte, selon la Cour, que "le montant total du crédit ne saurait inclure aucune des sommes entrant dans le coût total du crédit pour le consommateur" et plus spécifiquement "aucune des sommes destinées à honorer les engagements convenus au titre du crédit concerné, tels que les frais administratifs, les intérêts, les commissions et tout autre type de frais dont le consommateur est tenu de s’acquitter". La Cour ajoute "Il convient de souligner que l’inclusion irrégulière, dans le montant total du crédit, de sommes relevant du coût total du crédit pour le consommateur aura nécessairement pour effet de sous-évaluer le TAEG, le calcul de celui-ci dépendant du montant total du crédit". (CJUE, 21 avril2016, Aff. C-377/14, Radlinger). L'affaire qui a donné lieu à cette décision est précisément une hypothèse où le prêteur avait retenu une partie du montant du crédit en garantie. Cette décision suscite la perplexité de plusieurs auteurs (voy. not. VANNEROM J., « Een bondig overzicht van het hypothecair kredietrecht 2.0 », D.C.C.R., 2016, n° 111, p. 61-72;) d'autant que l'exemple 7c de l'annexe 1 de l'arrêté royal du 14 septembre 2016 envisage le financement de la prime unique d'assurance solde restant dû. Il n'est pas exclu qu'une jurisprudence ultérieure vienne préciser sinon tempérer cet arrêt (BIQUET-MATHIEU C., "Le capital et les intérêts", in Le crédit hypothécaire au consommateur, ULG/UCL, Larcier, Coll. Patrimoine et notariat, 2017, p.268 ;voy. ég. BLOMMAERT D. et VANNEROM J., "Lure with Bait, Strike with Chaos... Over de scheiding van kosten en krediet en de gemeenschap van schadevergoedingen", note sub C.J.U.E. (3ème Ch.), 21 avril 2016, c-377/14, Radlinger et Radlingerova/Finway, Ann. Jur. 2016, p. 109).

Le prêt pour acquérir des valeurs mobilières

Cette forme de crédit - souvent dénommée crédit lombard - consiste à accorder un crédit pour l'acquisition de valeurs mobilières lesquelles sont données en gage en garantie du remboursement du crédit. Cette forme de crédit est examinée plus en détail sous la définition.

C'est une opération différente de celle que vise l'article VII.87, § 2. La loi interdit la clause par laquelle le prêteur impose d'affecter tout ou partie du crédit en gage. Elle n'interdit pas le prêt consenti au consommateur et dont le but déclaré par ce dernier est d'acquérir des valeurs mobilières (pour un commentaire approfondi. La distinction est ici que l’investissement est la décision du consommateur et non, une exigence imposée par le prêteur.

Si le consommateur a recours à un tiers autre que le prêteur pour acquérir des valeurs mobilières, le prêteur ne pourra - par application de l'article VII.87, § 2, - exiger que les valeurs mobilières lui soient affectées en gage.

Si le consommateur a recours à un tiers autre que le prêteur pour acquérir des valeurs mobilières, le prêteur ne pourra - par application de l'article VII.87, § 2, - exiger que les valeurs mobilières lui soient affectées en gage.

Par contre, si les valeurs mobilières sont acquises par l'intermédiation du prêteur, celui-ci détiendra de facto une garantie sur ces valeurs mobilières : l'article 31 de la loi du 2 août 2002 de la loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers établit un privilège de même rang que celui du créancier gagiste au profit de l'intermédiaire qualifié sur les instruments financiers, fonds et devises qu'ils détiennent à la suite de l'exécution de transactions sur instruments financiers ou d'opérations à terme sur devises ou à la suite de la liquidation dont ils sont chargés de transactions sur instruments financiers, de souscriptions d'instruments financiers ou d'opérations à terme sur devises qui sont effectuées directement par leurs clients. Ce privilège garantit toute créance de l'intermédiaire qualifié née à l'occasion de ces transactions, opérations ou liquidations visées à l'alinéa 1er, y compris les créances nées de prêts ou d'avances.

Doctrine

  • BLOMMAERT D. en NICHELS F., "Kroniek van het consumentenkrediet (1999-2005)", R.D.C 2006, p. 577.
  • FRANSEN D., "Van de "nieuwe" wet op het consumentenkrediet en de jacht op de lombarden", Bank- en Financieel Recht, Larcier, 2005/1, bl. 3;
  • BLOMMAERT D., "Consumentenkrediet met het oog op speculatieve verrichtingen", note sub. J.P. Anvers (X), 23 février 2006, Ann. Crédit 2006, 63;
  • VAN DYCK, T., "De hervormde wet op het consumentenkrediet – Kritische analyse van het vernieuwd “algemeen deel” van de W.C.K.", R.W., 2003-2004, p. 681 et sp. 699.
Remonter