VII.77, § 2 et VII.79 : Le devoir de refuser le crédit

 

Article VII.77, § 2

Article VII.77, § 2 :

§ 2. Le prêteur ne peut conclure de contrat de crédit que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, il doit raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter les obligations découlant du contrat.
Lorsque, dans le chef du consommateur, un (des) impayé(s) est (sont) enregistré(s) dans la Centrale d'un montant total impayé de plus de 1.000 euros dans le cadre d'un crédit à la consommation et/ou un crédit hypothécaire avec une destination mobilière qui n'a(ont) pas été remboursé(s), un prêteur ne peut conclure un nouveau contrat de crédit. Dans les autres cas d'impayé(s) non remboursé(s), un prêteur ne peut conclure un nouveau contrat de crédit que moyennant une motivation complémentaire dans le dossier de crédit.

Article VII.79 

Article VII.79 :

En cas de refus d'octroi d'un crédit, le prêteur communique au consommateur sans délai et sans frais, le résultat de la consultation ainsi que l'identité ainsi que l'adresse du responsable du traitement des fichiers qu'il a consultés y compris le cas échéant, l'identité ainsi que l'adresse de l'assureur de crédit consulté, et auquel le consommateur peut s'adresser conformément à l'article VII.122.

Le cas échéant, il indique également que le refus est fondé sur un traitement automatisé des données. La communication visée à l'alinéa 1er n'est pas requise lorsque l'article 12 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ou une autre législation pertinente qui touche l'ordre public ou la sécurité publique l'interdit.

Si le crédit est refusé, aucune indemnité, de quelque nature qu'elle soit, ne peut être réclamée au consommateur à l'exception des frais de consultation de la Centrale payés par le prêteur

Commentaire

L'octroi du crédit est une décision discrétionnaire du prêteur

C'est le prêteur qui détermine sa politique d'acceptation et, conséquemment, sa politique de risque. Le prêteur peut toujours refuser d’octroyer un contrat de crédit, quand bien même il estime que le consommateur sera à même de respecter ses obligations.

Le refus ne peut être discriminatoire

Ce refus ne peut toutefois être discriminatoire au sens de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie notamment en ce qui concerne l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public (art. 5, § 1er, 1°).

L'article VII.77 impose au prêteur de refuser le crédit aux consommateurs qui n'ont pas la capacité de faire face aux obligations découlant du contrat de crédit. On pourrait y voir une discrimination sur base de l'état de fortune (ou, plus précisément selon le Code, sur base des revenus) interdite par l'article 7 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. La loi définit 19 critères dits protégés: 5 critères dits «raciaux» (prétendue race, couleur de peau, nationalité, ascendance (ex: origine juive) et origine nationale ou ethnique) et 12 autres critères: l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l'état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique, l'origine sociale.

Ces critères ne peuvent pas être utilisés pour opérer une distinction:Toute distinction directe fondée sur l'un des critères protégés constitue une discrimination directe, à moins que cette distinction directe ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires. La fortune fait partie des critères protégés dont l'utilisation comme critère de distinction, constitue discrimination directe interdite. En l'espèce, le devoir d'évaluation de la solvabilité requis par l'article VII.77 est un but légitime et le questionnaire détaillé requis par la loi fait partie des moyens appropriés et nécessaires pour opérer la distinction.

L'âge est également un critère protégé. Un refus de crédit ne peut être fondé uniquement sur le fait que le consommateur serait trop âgé (voir l'avis de l'administration).. Lors d'une séance de questions/réponses, le Ministre a signalé que Febelfin considérait également que l'âge ne pouvait en tant que tel, constituer un critère de refus du crédit (Question n° 767 de madame Lalieux du 16 décembre 2014 et réponse du ministre (Ann. Jur. 2014, p. 147).

VII.77, § 2, alinéa 1er - L'obligation de refuser le crédit au consommateur incapable de faire face aux obligations

Si l'évaluation de la solvabilité conduit à la conclusion que le consommateur ne sera pas en mesure de faire face aux charges du crédit, le prêteur doit refuser le crédit. La même conclusion s'impose lorsqu'il existe un doute raisonnable sur la capacité à rembourser. Dans la perspective de protection du consommateur que vise la loi, le doute oblige le prêteur à un devoir d'abstention à moins que la demande de crédit ne puisse être adaptée en réduisant le montant ou en allongeant la durée du crédit dans les limites autorisées.

Pour autant que le prêteur ait correctement accompli son devoir de récolter les informations, l'exécution de l'obligation d'analyse sera appréciée au regard de la décision qu'aurait prise un prêteur normalement diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances. La responsabilité du prêteur sera engagée si la décision de crédit qu'il a prise, n'est pas de celles qu'auraient pu prendre un prêteur normalement diligent et prudent.

La disposition précise que le crédit ne peut être consenti que pour autant que le prêteur puisse raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter les obligations découlant du contrat. Le terme raisonnable implique qu'à l'occasion de l'examen du respect de cette obligation, le juge se livre à un examen marginal (J.P. Arendonk, 21 avril 2009, Ann. Jur. 2008, 63).

L'arrêt du 6 juin 2019 de la Cour de justice

Une certaine doctrine estimait en Belgique que le législateur belge avait outrepassé sa compétence en maintenant le devoir de conseil dans la loi lors de la transposition de la directive 2008/48. Cette directive impose une harmonisation maximale (ciblée) et ne contient aucune disposition explicite quant au devoir de conseil. Saisie d'une question préjudicielle, par le juge de paix de Visé, la Cour de justice dit pour droit que la directive ne s'opposait pas à la disposition adoptée par le législateur belge (Arrêt du 6 juin 2019, affaire C-58/18, Schyns / Belfius Banque, ECLI:EU:C:2019:467).

VII.77, § 2, alinéa 2 - L'obligation légale de refuser le crédit à un consommateur ayant un impayé total de plus de 1.000 euros inscrit à la Centrale

Cette disposition vise l'hypothèse d'un seul impayé de plus de 1.000 € ou de plusieurs impayés, chacun d'un montant inférieur à 1.000 €, mais dont le montant cumulé est supérieur à 1.000 €.

L'interdiction ne vise que les impayés en crédit à la consommation et pour les crédits hypothécaires à destination mobilière. Un arriéré dans un crédit hypothécaire à destination immobilière n'interdit donc pas l'octroi d'un nouveau crédit à la consommation. Un tel défaut suggère néanmoins un problème de solvabilité dans le chef du consommateur et est de nature à remettre en question la rigueur de l’évaluation réalisée par le prêteur, ce qui pourrait entrainer la constatation d’une infraction à l’article VII.77, §2, alinéa 1er.Dans tous les cas, en cas d’octroi de crédit, l’existence d’un impayé, de quelque nature qu’il soit, impose une motivation complémentaire dans le dossier de crédit du prêteur (VII.77, § 2).

Guidelines ;

Dès que, dans la Centrale, le prêteur constate qu’un crédit à la consommation et/ou un crédit hypothécaire avec une destination mobilière est ou a été enregistré négativement pour un montant de plus de 1.000 euros, il ne peut octroyer un nouveau crédit tant que cet impayé n’a pas été remboursé, c’est-à-dire que le prêteur a renseigné le(s) crédit(s) comme «régularisé(s)».En pratique, il peut cependant se produire un délai de plusieurs jours entre la consultation de la Centrale et la conclusion du crédit, particulièrement dans le cas de conclusion de contrats à distance. Le respect de l’article VII.77, §2, alinéa 2 CDE est évalué au moment de la consultation par le prêteur et non au moment de la signature par les deux parties.

Il se pourrait que, durant la période de validité de la consultation (20 jours), un contrat de crédit susmentionné soit enregistré négativement dans la Centrale pour un montant de plus de 1.000 euros alors que, au moment de la consultation, un tel enregistrement n’était pas renseigné. Le SPF Economie ne constate pas d’infraction à l’article VII.77, §2, alinéa 2 CDE lorsqu’un prêteur octroie un crédit dans cette situation.

Le prêteur reste néanmoins tenu par son obligation générale de prudence conformément à l’article VII.77, §2, alinéa 1er CDE. Un manquement à cette obligation peut entrainer la constatation d’une infraction.

VII.77, § 2: En cas de défaut de paiement inscrit à la Centrale pour moins de 1.000 euros.

Guidelines :

Le prêteur doit fournir une motivation complémentaire lorsqu’un impayé «non remboursé» d’un montant inférieur ou égal à 1.000 euros inscrit dans la Centrale. Cette disposition ne s’applique pas lorsque le crédit renseigné négativement est «régularisé» dans la Centrale. L’enregistrement négatif dans la Centrale reste un signal négatif. La motivation devra démontrer que l’enregistrement négatif n’est pas lié à un problème de solvabilité du consommateur ou que le problème de solvabilité a pris fin et que le consommateur est à nouveau en mesure de faire face à ses obligations.

L'article VII.77, § 2, alinéa 2, ne s'applique ni au contrat de crédit de moins de 200 €, ni aux contrats de crédit consentis par un employeur à ses employés (VII.3, § 4, 1°).

VII.79: Information en cas de refus du crédit

En cas de refus d'octroi d'un crédit, le prêteur communique sans délai et sans frais au consommateur l'identité ainsi que l'adresse du responsable du traitement des fichiers qu'il a consultés y compris le cas échéant, l'identité ainsi que l'adresse de l'assureur de crédit consulté, et auquel le consommateur peut s'adresser conformément à l'article VII.122.

Le Code oblige en outre le prêteur à communiquer le résultat de la consultation. Cette disposition tend à informer le consommateur de ce que contiennent les bases de données consultées qui peuvent être à l'origine du refus de crédit ce qui lui permettra, le cas échéant, d'exercer son droit de rectification.L'information doit être complète et ne peut se limiter à signaler au consommateur qu'il est fiché. Sur base de l'information qui lui est donnée, le consommateur doit pouvoir apprécier si les données le concernant sont exactes où s'il doit exercer un recours contre le responsable du traitement (Voir PV de constat)

L'assureur de crédit est explicitement visé parce qu'il est interrogé pour obtenir une couverture du risque de crédit (et non en qualité de responsable du traitement). Un refus de couverture a toutefois des effets comparables à ceux d'un enregistrement négatif dans la Centrale. Les assureurs de crédit disposent de leurs propres bases de données internes et il est donc important que le consommateur puisse prendre connaissance des données le concernant qui sont enregistrées par l’assureur crédit consulté par le prêteur.

L'article VII.79, al. 2, prescrit une information complémentaire: le refus ne doit pas être motivé, mais si des fichiers sont consultés, l’information doit être communiquée au consommateur. Dès que le traitement est automatisé, par exemple au moyen d'un logiciel de credit scoring, le consommateur doit en être informé quand bien même le refus ne serait pas fondé sur ce traitement ou quand bien même ce traitement automatisé, ne serait pas le motif principal du refus.

Sans délai et sans frais

Les renseignements doivent être communiqués sans délai et sans frais. Cette communication n'est pas requise si le silence s'impose pour lutter contre le blanchiment. L'exposé des motifs précise: L’article 11, 1°, vise une adaptation de l’article 12 de la LCC afin d’introduire le principe de gratuité visé à l’article 8 (2) de la directive et n’appelle pas de commentaire particulier. L’article 11, 2° vise une clarification de la directive en ce qui concerne la communication d’informations confidentielles qui n’est pas requise par le prêteur (Doc. Parl., Chambre, Session n°52, 2468/001, p. 35). Le Code ne précise pas comment l’information doit être fournie. la ratio legis de la disposition qui tend à permettre aux consommateurs d'exercer un recours contre le responsable du traitement commande de faire cette communication par écrit.

L'administration admet que la consultation des bases de données soit effectuée par le prêteur, avant la vérification de l'identité prévue par l'article VII.76. Si c'est le cas, le prêteur peut, avant de communiquer le résultat de la consultation des bases de données vérifier l'identité de la personne à qui il doit communiquer l'information (dans ce sens également, art.12.6, RGPD).

Si le crédit est refusé, aucune indemnité, de quelque nature qu'elle soit, ne peut être réclamée au consommateur, à l'exception des frais de consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers. Il est donc interdit de réclamer au consommateur des frais d'étude du dossier, des frais de consultation d'autre banques de données, des frais de communication etc. L'article VII.79 interdit par ailleurs au professionnel - prêteur ou intermédiaire- de réclamer au consommateur quelque paiement que ce soit - fût-ce à titre d'acompte - avant la conclusion du contrat. Les frais de consultation de la Centrale ne peuvent donc être réclamés qu'une fois le crédit refusé.

Par ailleurs, ces frais ne peuvent être réclamés que pour autant que le consommateur ait été informé préalablement à l'examen du dossier que les frais de consultation de la Centrale seraient dus même en cas de refus du crédit.

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