VII.147/20, § 1er : Clause résolutoire et de déchéance du terme
Article VII.147/20
Le cadre général
Genèse
Dans la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire, l’article 25 précisait : Les causes d'exigibilité avant terme doivent être reprises dans l'acte constitutif par une clause distincte. Elles ne peuvent pas résulter d'un fait du prêteur. C’était la seule réglementation des clauses résolutoires ou de déchéance du terme.
Ce régime est abrogé par le CDE à compter du 1er juillet 2017. L’article VII.147/20 s’applique aux contrats conclus avant son entrée en vigueur (article 41, § 2 de la loi du 24 avril 2016, tel que modifié par l’arrêté royal du 11 novembre 2016).
La réglementation des clauses résolutoire et de déchéance est introduite dans le crédit hypothécaire par la loi de transposition de la directive 2014/17. Directement inspiré de l'article VII.105 en crédit à la consommation, l’article VII.147/20, § 1er, reprend les trois hypothèses qui à l'article VII.105, autorisent la résolution ou la déchéance du terme. Les deuxième et troisième hypothèses ne concernent que le crédit hypothécaire à but mobilier. L’article VII.147/20, § 1er, ajoute en outre, deux autres hypothèses spécifiques au crédit hypothécaire.
L’exposé des motifs commente cet ajout en ces termes:
Une telle disposition n’est pas prévue en matière de crédit hypothécaire. L’introduction d’une telle disposition pour le crédit hypothécaire correspond parfaitement à l’article 28 (1) de la directive qui stipule que : “Les États membres adoptent des mesures pour encourager les prêteurs à faire preuve d’une tolérance raisonnable avant d’engager une procédure de saisie.” Les dispositions reprises dans ce paragraphe et, par extension, celles de l’ensemble de l’article sont de droit impératif, voir touchent même à l’ordre public, et s’appliquent également aux contrats de crédit en cours. Elles doivent être interprétées de manière restrictive. N’oublions pas non plus que la Cour européenne, dans quelques arrêts, dont l’arrêt Aziz (C-415/11 du 14 mars 2013), a notamment considéré de facto comme abusif l’exigibilité immédiate du crédit lors d’un seul défaut de paiement.
Le paragraphe 2 prévoit les cas qui peuvent entraîner la dissolution du contrat de crédit mais ne peuvent pas être repris contractuellement comme une clause résolutoire expresse. Il appartient uniquement au juge d’apprécier si les raisons indiquées par le prêteur sont suffisamment de poids déterminant pour procéder à la dissolution. Le Conseil d’État a demandé s’il n’y avait pas de contradiction entre l’article VII.134, § 4 en projet (causes d’exigibilité avant terme ou de résolution du contrat de crédit doivent être reprises dans le contrat par une clause distincte) et l’article VII.147/20, § 2 en projet (cas dans lesquels le juge peut ordonner la résolution du contrat aux torts du consommateur). L’article VII.147/20, § 2, doit plutôt être compris comme une limitation des motifs pouvant entraîner une résolution (judiciaire) et qui doivent en tout cas également être repris dans le contrat. Pour préciser, les mots “et l’application de l’article VII.134” ont été insérés dans le texte initial.
(Exposé des motifs de la loi du 22 avril 2016 portant modification et insertion de dispositions en matière de crédit à la consommation et de crédit hypothécaire dans plusieurs livres du Code de droit économique, Doc. Parl., Ch. Repr., Sess.54, 1650/001, p.52).
Ratio legis
En droit commun, les parties à un contrat peuvent en principe fixer librement les circonstances qui entrainent la rupture du contrat au moyen de clauses résolutoires ou de déchéance du terme. Pour les contrats de crédit aux consommateurs, la loi réglemente les clauses qui permettent au prêteur de dénoncer le contrat (ou qui entraînent la résolution de plein droit) et/ou d’exiger le remboursement immédiat du capital emprunté. Vu les conséquences de la mise en œuvre d’une clause résolutoire ou d’exigibilité immédiate (obligation de remboursement immédiat du capital, application d’une clause pénale, mise en œuvre d’une cession de rémunération, fichage du consommateur, …), ces clauses ne sont autorisées qu’en cas de manquement que le législateur juge important et qu’il énumère limitativement.
Sous réserve des hypothèses spécifiques précisées dans le livre VII, Toute clause qui prévoit que le prêteur peut à tout moment en cours de contrat, exiger le remboursement du montant du crédit est interdite et réputée non écrite (VII.147/20, § 1). Ces clauses sont interdites qu’elles soient fondées sur une faute du consommateur (manquement contractuel) ou non (perte d’un revenu professionnel, etc.).
Cette disposition est d'ordre public et, dès lors, de stricte interprétation.
Une clause
Les clauses résolutoires ou de déchéance autorisées par la loi doivent évidemment faire l’objet d’une disposition expresse dans le contrat. Elles doivent, en outre, faire l’objet d’une clause distincte (VII. 134, § 4) ce qui signifie qu’elles ne doivent porter que sur la déchéance du terme ou la résolution expresse et, de ce fait, se distinguer du reste du contrat. En l’absence de clause, le prêteur ne peut se prévaloir des trois hypothèses énoncées. La réglementation détermine non seulement les conditions de validité des clauses mais également les conditions dans lesquelles elles peuvent être valablement mises en œuvre par le prêteur.
Quelles sont les clauses visées ?
L’interdiction vise autant les clauses (ou conditions) résolutoires expresses que les clauses d’exigibilité immédiate ou de déchéance du terme. La clause résolutoire expresse a pour effet de mettre fin à la convention avec effet rétroactif. La clause de déchéance du terme laisse, quant à elle, le contrat en vigueur, tout en ôtant au consommateur le bénéfice de l’échelonnement des paiements. Elle a pour effet de rendre immédiatement exigibles l’ensemble des paiements à échoir et de contraindre le consommateur à exécuter la convention intégralement, de manière immédiate.
Clause résolutoire et appréciation par le juge
En insérant une clause résolutoire ou de déchéance dans leur convention, les parties conviennent, en principe, d’enlever au juge le pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement. Le juge conserve toutefois un pouvoir de contrôle a posteriori par lequel il vérifiera si les conditions de mise en œuvre de la clause ont été respectées. Par ailleurs, le juge pourra également contrôler que l’application de la clause est faite avec équité et sans abus de droit.
Les articles VII.210 et VII.213 reconnaissent au juge un pouvoir de modération sur les pénalités ou les dommages et intérêts convenus ou appliqués, notamment sous la forme de clause pénale, en cas d'inexécution de la convention. En crédit à la consommation, certaines décisions ont considéré que l’exigibilité immédiate autorisée par une clause contractuelle, même conforme aux exigences légales, était une forme de pénalité sur laquelle le juge pouvait exercer ce pouvoir de modération.
Application du droit commun en l'absence de clause
L’article VII.147/20 limite uniquement la validité des clauses qui permettent au prêteur de mettre fin au contrat. Il ne porte pas atteinte au droit commun, applicable en l’absence de toute clause. Le prêteur serait donc en droit de demander la résolution du contrat au juge conformément à l’article 1184 du Code civil en cas d’inexécution des obligations du consommateur. Le juge appréciera si le manquement invoqué est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.
Par ailleurs, Selon l’article 1188 du Code civil, «le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu'il a fait faillite, ou lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à son créancier ». Mais en crédit hypothécaire,l’article 147/20, § 2, limite le pouvoir du juge à prononcer la résolution du contrat. La faillite et la diminution des sûretés pourront constituer un motif de résolution judiciaire dans les circonstances précisées à l’article VII.147/20, § 2.
Si le recours à l'article 1188 devait subsister malgré l’absence de dispositions contractuelles adéquates, ce qui est douteux, ce ne serait possible, dans tous les cas, que pour les circonstances décrites à l’article VII.147/20, § 2.
Interdiction de la clause résolutoire ou de déchéance, pour un fait du prêteur
Les clauses d'exigibilité avant terme ou de résolution du contrat de crédit ne peuvent pas résulter d'un fait du prêteur (VII.147/20, § 3, alinéa 2). Il est interdit de prévoir par exemple, que la faillite du prêteur rend immédiatement exigibles les engagements du consommateur. C'est à l'évidence une mesure de protection à l'égard du consommateur.
La mise en demeure
La règle
Le CDE n'exige de manière formelle, de mise en demeure que pour les cas repris à l'article VII./147/20,§ 1,1° et 2°:
- Elle est toujours requise. Quand bien même un consommateur déclarerait ne plus être en mesure de respecter ses obligations, la mise en demeure doit être adressée. Cette règle déroge donc au droit commun qui dispense de la mise en demeure lorsque le débiteur a informé son créancier qu’il ne pourra remplir ses obligations.
- Elle doit être dressée au débiteur. Il n’est pas nécessaire que le consommateur ait effectivement pris connaissance de la mise en demeure dès lors qu’elle a été adressée par le créancier dans le respect des exigences légales (pour un contrat de crédit à la consommation, Cass., 17 novembre 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1192; R.D.C., 1997, p. 175, note D. BLOMMAERT et F. NICHELS, «De uitdrukkelijke ontbindende voorwaarde in de kredietovereenkomst en de vereiste van de het sturen van een ingebrekestelling per aangetekende post»).
- Elle doit être adressée à chaque débiteur. Ceci suppose que le courrier soit adressé individuellement lorsque des époux ou des cohabitants s’engagent en qualité de codébiteurs solidaires
- La loi requiert un envoi recommandé. Dès lors, si le prêteur n'est pas en mesure de prouver l'envoi recommandé, il faut en conclure que l'effet d'exigibilité immédiate de la clause n'a pu se produire. Cela ne signifie pas que le prêteur ne puisse pour autant se prévaloir de la clause si, par exemple, le comportement du consommateur révèle qu'il a effectivement reçu le courrier (par exemple s'il répond à la lettre de mise en demeure envoyée par courrier simple) (voy. R. STEENOT, note sub J.P. Brasschaat, J.J.P., 2006, p. 51).
Contenu de la mise en demeure – Rappel des modalités (VII.147/20, § 1er, 1°, in fine)
Clarté
La mise en demeure doit – conformément au droit commun – exprimer la décision définitive et claire du créancier de faire usage de son droit à la résolution. Une mise en demeure par laquelle le créancier se réserve le droit de faire usage de la clause ne pourrait à elle seule justifier la résolution. Une nouvelle manifestation de volonté sera requise pour transformer en décision ce qui n’était qu’une intention(C. BIQUET-MATHIEU, «Dénonciation du crédit, apurement hors délai des arriérés, et paiement régulier de toutes les mensualités ultérieures», note sous J.P. Charleroi, 23 novembre 1998, J.J.P., 2000, p. 148; K. CREYF, «De ingebrekestelling van art. 1656 B.W.», R.G.D.C., 1997/1-2, p. 10).
Certaines décisions prononcées pour des contrats de crédit à la consommation, refusent de reconnaître les effets d'une mise en demeure dont les termes ne sont pas clairs. Il en est ainsi lorsque le prêteur réclame de manière ambiguë un paiement
- dont le consommateur peut penser qu'il doit être immédiat (CC : J.P. Zomergem, 12 janvier 2001, J.J.P., 2001, 134 ; J.P. Furnes, 6 avril 2000, J.J.P., 2002, 114 ; Civ. Gand, 2 mars 2001, Ann. Crédit 2001, 96 ; J.J.P., 2002, 99),
- lorsque le prêteur annonce la mise en œuvre de la cession de rémunération avant l'exigibilité (CC : J.P. Furnes, 6 avril 2000, J.J.P., 2002, 114).
- ou lorsqu'il ne met pas suffisamment en évidence la possibilité de régulariser sans pénalité dans le mois.
Rappeler les modalités de la disposition légale
Cet avertissement a pour but d’attirer l’attention du consommateur sur les conséquences du défaut de paiement. Il s’agit ici d’un devoir spécifique d’information mis à charge du prêteur en cours d’exécution du contrat. A défaut de rappeler les modalités, la lettre de mise en demeure n'emportera pas la résolution du contrat (CC : J.P. Gand, 25 mars 1998, Ann. Crédit, 1998, 270 et commentaire F. DOMONT NAERT ; J.P. Zomergem, 11 décembre 1998, Ann. Crédit, 1998, 268 ; J.P. Namur, 22 novembre 2002, Ann. Crédit, 2002, 171). Le prêteur pourra néanmoins demander la condamnation du consommateur au paiement des termes échus (J.P. Herstal, 14 juin 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 159), voire même la résolution du contrat au juge sur base de l'article 1184 du Code civil à condition d'apporter la preuve du manquement contractuel suffisamment grave (CC: J.P.Zottegem, 23 mai 2000, Ann. Crédit, 2000, 133).
Délai d'un mois
L’information portera nécessairement sur le délai d’un mois. Une mise en demeure comportant un délai plus court est nulle (CC: J.P. Namur, 24 janvier 1995, J.J.P., 1996, p. 138.). Une mise en demeure renvoyant au « délai légal » n’est pas valable.
Le délai d’un mois accordé à l’emprunteur pour s’exécuter court à dater du dépôt à la poste de la lettre recommandée et non à dater de la réception de la lettre. Le prêteur n’est donc pas tenu d’établir la preuve de la réception de la mise en demeure pour mettre en œuvre valablement la clause résolutoire ou de déchéance (CC : Cass., 17 novembre 1995, R.D.C., 1997, p. 175 et note D. BLOMMAERT et F. NICHELS).
En vertu des dispositions relatives aux services de paiement, l’inscription au crédit du bénéficiaire a lieu au plus tard le jour ouvrable bancaire après la réception de l’ordre de paiement (si le transfert est fait à l’intervention de deux organismes différents) ou au plus tard le jour même (s’il n’y qu’un seul intervenant). Le consommateur devra apporter la preuve du débit de son compte deux jours ouvrables au moins avant l’expiration du délai d’un mois.
Information sur les conséquences de la résolution
L’information doit également porter sur les conséquences de la résolution . Une sommation de portée générale à « régulariser immédiatement l’arriéré » ne satisfait pas au prescrit légal. L’information doit donc être claire et complète ce qui signifie notamment que le consommateur doit être informé du montant exact qui est dû au jour de la mise en demeure en application des dispositions du contrat et de ce qui sera réclamé en cas de résolution.
Les effets de la mise en demeure irrégulière.
C’est au prêteur qu’il appartient de démontrer qu’il a satisfait au prescrit légal. A défaut, la mise en demeure doit être tenue pour nulle et la demande de résolution doit être écartée. Le juge ne peut accorder de condamnation que pour le montant des mensualités échues et impayées. Le prêteur peut adresser une nouvelle mise en demeure en cours de procédure pour régulariser un précédent envoi irrégulier.
Les suites de la mise en demeure
Le consommateur doit payer l’intégralité des mensualités arriérées dans le délai d’un mois pour échapper à la sanction de l’exigibilité immédiate. Un paiement partiel est insuffisant pour éviter la sanction.
Lorsque la mise en demeure aboutit effectivement au remboursement du retard par le consommateur, le contrat se poursuit normalement. Une nouvelle mise en demeure sera donc requise si un nouveau retard apparaît et pour autant que le retard soit d'au moins deux mensualités. Si, par contre, une régularisation intervient tardivement, plus d’un mois après l’envoi de la mise en demeure, il n’est plus nécessaire pour le prêteur d’adresser une nouvelle mise en demeure avant d’entamer une action judiciaire.
La déchéance du terme et/ou la dénonciation du crédit intervienne en principe de plein droit si le consommateur reste en défaut de régulariser l’intégralité de l’arriéré dans le mois de la mise en demeure. La date précise de la déchéance du terme est le lendemain de la date d'expiration du mois.
Cela suppose cependant que la clause stipule effectivement la résolution de plein droit après l’envoi de la mise en demeure et que la lettre de mise en demeure associe explicitement cette conséquence, à la carence persistante au terme du délai d’un mois. A défaut, le prêteur devra, au terme du délai, notifier par un nouvel envoi sa décision d’appliquer la sanction prévue par la clause contractuelle.
Si le consommateur règle l’arriéré mais reste en défaut de payer l’échéance devenu exigible au cours du mois suivant la mise en demeure, le prêteur ne pourra faire usage de la clause résolutoire qu'après envoi d'une nouvelle mise en demeure lorsque le retard atteindra à nouveau deux mois.
Il n’est pas rare qu’après déchéance du terme, le consommateur poursuive ou reprenne ses paiements selon le rythme contractuel ou par des versements moindres mais qui sont acceptés par le prêteur en dehors de toute action judiciaire. Il appartient au tribunal d’analyser dans chaque cas les relations contractuelles pour apprécier si l’attitude du prêteur peut s’analyser comme une renonciation au bénéfice de la résolution
PREMIERE EXCEPTION : retard de paiement de deux mensualités ou 20% du montant dû
La règle
Le CDE permet au prêteur de prévoir une clause résolutoire ou de déchéance du terme en cas de retard de paiement. La clause ne peut valablement être mise en œuvre que moyennant le respect d’une condition de fond (la carence du consommateur quantifiée par la loi) et d’une condition de forme (mise en demeure recommandée avec avertissement au consommateur). C’est la clause résolutoire la plus fréquemment utilisée. Les commentaires qui suivent, reprennent les commentaires tirés de la jurisprudence et de la doctrine relative à l'article VII.105,1°, rédigé en termes identiques.
Condition de fond - carence du consommateur quantifiée par la loi
Il faut que le consommateur soit en retard d’apurer au moins deux montants d’un terme ou en retard d’apurer au moins une somme équivalant à 20% du montant total dû. La clause ne peut être mise en œuvre avant que le retard ne soit effectivement constaté.
Qu’est-ce que le montant d’un terme?
Le CDE (article I.9, 91°) définit le terme de paiement comme la période comprise entre : a) le moment où le prêteur a mis à la disposition du consommateur une somme d'argent ou un pouvoir d'achat, ou encore le moment où a débuté l'octroi de la jouissance d'un bien ou la fourniture d'un tel bien ou la prestation d'un service et le moment où le consommateur doit avoir effectué le premier paiement; b) deux moments successifs où le consommateur doit avoir effectué un paiement.
Le terme de paiement est un intervalle de temps. La disposition vise les contrats pour lesquels les modalités de paiement par le consommateur sont définies dès la conclusion du contrat. Tous les intervalles de temps sont visés : tant le premier, entre la mise à disposition du crédit et le premier remboursement, que les suivants qui séparent le paiement de deux échéances convenues et ce jusqu'au terme du contrat. Un prêt à tempérament remboursable en 36 mensualités comprendra donc 36 termes de paiement. La notion de terme de paiement correspond aux mensualités, trimestrialités, semestrialités... convenues dans les contrats de crédit avec amortissement réguliers et identiques.
Le CDE (article I.9, 92°) définit le montant d’un terme comme le montant d'un paiement que le consommateur doit avoir effectué à la fin de chaque terme de paiement. C’est une somme payée par le consommateur à l'échéance contractuellement convenue. C'est, par exemple, le montant des mensualité, trimestrialité, semestrialité... convenues dans le contrat mais c'est aussi un coût annuel ou tout autre frais particulier que le consommateur doit payer en exécution du contrat. Dans les contrats à remboursements réguliers et constants, le montant d'un terme comprend en principe, le capital, les intérêts et les frais.
Le retard de paiement du montant d’un seul terme ne suffit pas
Le retard, même persistant, du montant d’un seul terme ne suffit pas à justifier la mise en œuvre de la clause. Dans ce cas, le contrat se poursuivra normalement et des intérêts de retard seront calculés sur le montant du terme impayé.
Les paiements suivants du consommateur seront imputés conformément au droit commun, d'abord sur les intérêts puis sur le capital. Ceci a pour conséquence qu’à défaut de régularisation, une deuxième échéance de paiement se trouvera partiellement impayée (puisque le paiement du consommateur aura été imputé d'abord sur les intérêts de retard). On se retrouvera alors dans le deuxième cas de figure évoqué ci-après.
Lorsque le retard ne porte pas sur des échéances, la clause résolutoire ne pourra être actionnée que si l’arriéré porte sur un montant correspondant à 20% du montant total dû.
Le montant d’un terme est impayé et un autre est payé incomplètement
Les échéances impayées ne doivent pas nécessairement être successives et le paiement partiel d’une échéance est assimilé au non-paiement pur et simple de ce terme. En crédit à la consommation, cette question est cependant discutée (voir le commentaire de l'article VII.105). Certaines décisions ont estimé que, pour pouvoir actionner la clause, l’arriéré devait correspondre au montant complet de deux échéances. Le SPF Economie se rallie à cette position, conforme à l'exigence légale reprise à l'article VII.145, § 1, 1°, qui doit être interprété strictement (en ce sens pour des contrats de crédit à la consommation : J.P. Ypres, (II) - Poperinge, 8 février 2002, Ann. Crédit, 2002, 156 ; J.P. Herstal, 14 juin 2002, Ann. Crédit, 2002, p. 159).
Le consommateur a été en défaut de paiement de deux montants de termes (ou plus) mais ne l’est plus
Si après un retard important survient une régularisation partielle ne laissant plus subsister qu’un retard de moins de deux échéances (ou moins de 20% du montant total à rembourser), une mise en demeure au sens de l'article VII.147/20, § 1°, 1° ne peut plus être valablement adressée au consommateur. En effet, le prêteur reste toujours libre de poursuivre le contrat, même lorsque les conditions de l’application de la clause résolutoire sont réunies. Dès lors qu'il n'a pas fait usage de la clause lorsque le retard le permettait, une fois celui-ci résorbé, les conditions de la mise en œuvre disparaissent (voir en ce sens, DOMONT-NAERT, «Du bon usage de la clause résolutoire en matière de crédit à la consommation», note sous J.P. Gand, 25 mars 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 276).
Le consommateur est en défaut de payer d'autres sommes que les montants de terme
Les dispositions sont d'interprétation stricte comme toutes dispositions d'ordre public. Elles n'autorisent la clause résolutoire que pour le défaut de paiement des montants de terme. En crédit à la consommation, il a, par exemple, été jugé que la clause ne pouvait être mise en œuvre suite au non-paiement d'une prime d'assurance omnium (pour un contrat de crédit à la consommation : J.P. Brakel, 12 novembre 1999, D.C.C.R., 2000, n°49, p.345).
Par contre, selon la définition, un terme de paiement c’est le montant d'un paiement que le consommateur doit avoir effectué à la fin de chaque terme de paiement. Si le contrat de crédit prévoit le paiement de la prime d’assurance en même temps que l’amortissement du capital (ou certains amortissements en capital), c’est la somme due par le consommateur à l’échéance qui constitue le montant du terme de paiement (F. RENSON et C. BIQUET-MATHIEU, «La défaillance du consommateur», in Le crédit hypothécaire au consommateur, Larcier 2017, p. 409, et sp. p. 416, note infrapaginale n°26).
Le paiement de montant d’un terme comprenant à la fois des intérêts, un amortissement du capital et des frais comme le coût d’une assurance, n’est complet que si tous les montants dus pour ce terme sont payés.
Date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la carence
C’est à la date de la mise en demeure qu’il convient d’apprécier la condition de fond et non à l’échéance du délai d’un mois laissé au consommateur pour régulariser l’arriéré (pour un contrat de crédit à la consommation : J.P. Hamme, 29 septembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 250). Cette règle se déduit du libellé des dispositions. Le simple retard objectif de deux échéances ou de 20% du montant à rembourser suffit à justifier l’envoi de la mise en demeure (sous réserve d'un éventuel abus de droit).
Clause résolutoire et ouverture de crédit
Les conditions légales de la mise en œuvre d’une clause résolutoire sont définies de manière alternative : le consommateur doit être en défaut de paiement de deux mensualités ou de 20% du montant total dû. Pour les ouvertures de crédit, la convention ne permet pas toujours de déterminer le montant total dû. Il n’est cependant pas rare que l’ouverture de crédit soit assortie de l’obligation de rembourser tous les mois un certain pourcentage de l’encours du mois précédent. En toute hypothèse, la comparaison devrait s’exercer entre l’encours de crédit effectivement utilisé par le consommateur (et non la limite de crédit consentie) et le montant de remboursement requis par les dispositions contractuelles.
Intérêts de retard sur les termes en souffrance et frais
Outre les termes impayés, le prêteur peut réclamer dans la mise en demeure des intérêts de retard sur les fractions en capital des termes impayés ainsi que les frais de lettre recommandée.
Cette possibilité est expressément prévue (VII.147/22, § 2) dans l’hypothèse d’un simple retard de paiement, ce qui correspond à la situation au moment de la mise en demeure préalable.
Conformément à l’article 1254 du Code civil auquel il n’est pas dérogé en cas de simple retard de paiement, les paiements du consommateur doivent être imputés d’abord sur les intérêts de retard et les frais. Il en résulte que, si le consommateur veut éviter la mise en œuvre de la clause résolutoire (ou de déchéance) en apurant l’arriéré dans le délai, il doit effectuer un paiement suffisant pour couvrir tant les mensualités de retard que les intérêts et les frais (voy. en ce sens C. BIQUET-MATHIEU, «Aperçu de la loi relative au crédit à la consommation après la réforme du 24 mars 2003», Chronique de droit à l’usage des juges de paix et de police, cahier n° 42, Université de Liège, 24 janvier 2004, pp. 144-145 ; J.P. Courtrai, 29 juin 2004, Ann. Crédit, 2004, p. 55 ; Contra: J.P. Landen, 28 juin 2000, Ann. Crédit, 2000, p. 44). S’il entend réclamer des intérêts et des frais, le prêteur devra en aviser le consommateur dans la lettre de mise en demeure.
DEUXIEME EXCEPTION: aliénation du meuble corporel (crédits hypothécaires à but mobilier)
En ce qui concerne les crédits hypothécaires à but mobilier, l’article VII.147/20, § 1, 2°, autorise la clause résolutoire au cas où un consommateur aliène le bien meuble corporel financé, avant paiement du prix, ou en fait un usage contraire aux stipulations du contrat, alors que l’organisme prêteur s’en est réservé la propriété. Pour inclure dans le contrat une clause résolutoire ou d’exigibilité avant terme (qui devra être distincte du reste du contrat – voy. 134, § 4), il faut qu’il y ait par ailleurs une clause de réserve de propriété ou d’autres stipulations relatives à l’usage du bien. Le bien en question doit être un bien meuble corporel.
Une clause de réserve de propriété en cas de vente d'un immeuble à crédit ne semble pas possible dans le régime légal de publicité foncière. Par contre, le vendeur partiellement payé peut prendre hypothèque pour garantir le paiement du solde. L'aliénation du bien ne fera pas disparaître l'inscription mais pourrait justifier la déchéance du terme si le vendeur a prévu dans l'acte de vente à crédit une clause de déchéance du terme en cas d’aliénation ou s'il devait être fait du bien, un usage qui diminue la valeur de la sûreté. Cette hypothèse est traitée à l’article VII.147/20, § 1er, 4°, qui autorise la clause résolutoire dans l’hypothèse où le consommateur a diminué la sûreté hypothécaire.
Effets de la clause
Si le consommateur vend le bien ou en dispose d’une quelconque manière contraire aux stipulations du contrat, la clause résolutoire ou la clause de déchéance pourra opérer sans qu’une notification préalable et/ou une mise en demeure spécifique ne soit requise.
Un simple courrier constatant l'exigibilité immédiate suffit et la mise en demeure, soumise au droit commun, portera sur le paiement des sommes dues suite à la résolution.
Les conditions dans lesquelles peut intervenir la reprise du bien financé en cas d’usage contraire aux stipulations du contrat par le consommateur, sont réglées par l’article VII.147/25.
Reprise du bien financé (VII.147/25).
L’article VII.147/25 impose préalablement à toute reprise d’un bien financé dont le consommateur a déjà payé l’équivalent de 40 % du prix au comptant une décision judiciaire ou un accord écrit des parties (§ 1er, al. 1). Ces règles sont identiques à celles prévues aux articles VII.108, § 1er et § 3, en crédit à la consommation.
Le prêteur doit ensuite notifier le prix obtenu dans les trente jours de cette reprise (§ 1er, al. 2) et ne peut s’enrichir de manière injustifiée (§ 2).
Lorsque le seuil des 40 % du prix au comptant du bien n’est pas atteint, le droit commun reste applicable de sorte que le prêteur devra, le cas échéant, mettre en œuvre une procédure conservatoire de saisie-revendication.
Sauf clause résolutoire, le bien ne pourra alors être réalisé que suite à une décision au fond permettant au consommateur de faire valoir ses arguments devant un juge avant la réalisation du bien.
L’article VII.214/7 prévoit une sanction civile lourde en cas de reprise du bien financé non conforme à l’article VII.147/25 dans la mesure le contrat de crédit est résolu de plein droit et le prêteur doit rembourser la totalité des sommes versées endéans les trente jours.
TROISIEME EXCEPTION : dépassement du montant du crédit (crédits hypothécaires à but mobilier)
Le dépassement du montant du crédit
En vertu de l’article VII.147/20, § 1er, 3°, une clause contractuelle peut stipuler la résolution du contrat ou la déchéance du terme en cas de facilité de découvert (VII.147/15) ou de dépassement (VII.147/16) si le montant du crédit est dépassé et que le consommateur ne l’a pas remboursé un mois après le dépôt à la poste d'un envoi recommandé de mise en demeure. Le prêteur ne dispose pas du même pouvoir d’appréciation que celui que la loi lui reconnaît dans les deux premières hypothèses. Ainsi, à défaut de régularisation, le prêteur est obligé de mettre fin au crédit, comme le prévoient les articles VII.147/15, § 2 et VII.147/16, in fine.
Modalités d’exercice
Un régime de notification est prévu, similaire à celui qui est prévu par la première exception. Le législateur impose donc au prêteur d’adresser au consommateur défaillant une lettre recommandée contenant mise en demeure et rappelant (VII.147/20, § 3) qu’à défaut d’apurement de l’arriéré dans le mois de l’envoi, le crédit sera dénoncé et l’encours immédiatement exigible. Les observations faites au sujet de la forme et du contenu de la mise en demeure dans la première exception sont transposables mutatis mutandis.
QUATRIEME EXCEPTION: la faillite du consommateur
Dans un contrat de crédit hypothécaire, le prêteur peut stipuler que la faillite du consommateur entraine la résolution du contrat ou la déchéance du terme. L’hypothèse ici envisagée est un commerçant qui aurait contracté un crédit en nom personnel et pour des besoins principalement privés, par exemple pour l’achat de son domicile privé.
Cette hypothèse n’est pas prévue en crédit à la consommation. Si la faillite rend impossible le paiement des échéances du crédit, l’exigibilité immédiate découlera assez rapidement du non-paiement de deux montants de termes (première exception).
Il reste que l’article VII.147/20, § 2, 4°, ne demande pas l’envoi d’une mise en demeure et que, s’agissant d’un fait objectif, la résolution ou la déchéance pourraient intervenir de plein droit si la clause le prévoit. Quid si le crédit est souscrit par deux codébiteurs alors qu’un seul est en faillite? Si l’autre débiteur continue de payer les montants des échéances, la résolution interviendra-t-elle malgré tout? Même si la clause envisage cette hypothèse, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation marginal sur les circonstances qui ont entouré la décision du prêteur de faire usage de la clause (Civ. Gand, 6 février 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 261; J.P. Oostrozebeke, 11 mai 1999, J.J.P., 2000, p. 146; J.P. Tournai, 26 décembre 2001, J.J.P., 2006, p. 52). Il peut constater un abus dans l’exercice de ce droit et/ou considérer le caractère abusif de la clause notamment s’il existe une inscription hypothécaire. Il pourrait dans cette mesure refuser de donner effet à la clause ou accorder des termes et délais correspondant aux échéances contractuelles.
CINQUIEME EXCEPTION : la diminution de la sûreté hypothécaire
L’article VII.147/20, 1er, 5°, reproduit partiellement la deuxième partie de l’article 1188 du Code civil: Le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme (…) lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à son créancier.
Il étend et restreint tout à la fois la portée du texte: il l’étend en permettant une clause qui ne prévoit pas seulement la déchéance du terme (comme le prévoit l’article 1188) mais prévoit même la résolution du contrat. Il le restreint en précisant la faute du consommateur qui peut entrer en ligne de compte pour l’application de la clause résolutoire ou de déchéance du terme: il faut qu’il y ait soit une alinéation (totale ou partielle) (vente, échange, donation) du bien qui fait l’objet de la sûreté hypothécaire, soit constitution d’hypothèque sur un bien qui fait l’objet d’un mandat ou d’une promesse d’hypothèque.
On peut évidemment envisager que le consommateur diminue par son fait la valeur de la sûreté par d’autres décisions. Ces autres hypothèses ne pourront être reprises dans une clause de déchéance ou de résolution expresse. Elles ne pourront être invoquées que dans une demande en résolution formée devant le juge sur base du droit commun de l’article 1188 dans les cas visés à l’article VII.147/20, § 2, 3°.