VII.127, § 1 : Information du consommateur (ESIS)
Article VII.127
L'ESIS
Principe: ESIS ou SECCI
La directive 2014/17/EU est une directive d'harmonisation minimale sauf en ce qui concerne la remise d'une information précontractuelle au consommateur sous la forme d'un formulaire standardisé à l'échelle européenne et dénommé ESIS (acronyme de European Standard Information Sheet). La remise de l'ESIS est obligatoire pour tous les crédits hypothécaires destinés au financement de l'acquisition ou la conservation de droits réels immobiliers (= les crédits hypothécaires à but immobilier). Pour les crédits hypothécaires à but mobilier, l'article VII.127, § 4,le Code remplace l'ESIS par le SECCI, utilisé pour les crédits à la consommation (voy. le commentaire de l'article VII.70).
Le devoir d'information dans le droit commun (Livre VI) et l'article VII.127
Le devoir pour le professionnel d'informer le consommateur est consacré par l'article VI.2: avant la conclusion du contrat, l'entreprise doit fournir au consommateur un ensemble d'informations sur les caractéristiques principales du produit et les conditions de vente. La lex generalis qu'est le livre VI, impose au prêteur de fournir toutes les informations énumérées à l'article VI.2, quelle que soit la demande du consommateur pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte. Pour les crédits hypothécaires, la communication des informations énumérées est toujours obligatoire, quand bien même elles ressortiraient du contexte. Le devoir d'information s'impose dans tous les cas, quelle que soit la complexité du contrat de crédit et quelle que soit la compétence et l'expérience du consommateur.
Conformément à l'article VI.2, 7°, le prêteur doit fournir l'information concernant les conditions de vente compte tenu du besoin d'information exprimé par le consommateur et compte tenu de l'usage déclaré par le consommateur ou raisonnablement prévisibles.Le devoir d'information ne se limite donc pas aux informations énumérées à l'article VI.2 mais dépend de facteurs extérieurs et spécifiques. L'article VII.127, § 1er, le prévoit également puisque le professionnel doit tenir compte des préférences du consommateur.
Obligation d'informer sur toutes les caractéristiques essentielles
A l'article VII.127, le devoir d'information porte sur les informations dont le consommateur a besoin pour comparer les produits de crédits disponibles sur le marché, évaluer leurs implications et prendre une décision en connaissance de cause. Cette notion n'est pas nécessairement identique à la notion de caractéristiques principales du livre VI. Il ne suffit donc pas de communiquer au consommateur les informations reprises dans l'ESIS pour considérer que le prêteur a accompli son devoir d'information précontractuelle. La règle générale de l'article VI.2 subsiste. Si le consommateur exprime un besoin particulier d'information ou si une caractéristique essentielle du contrat de crédit ne figure pas dans l'ESIS, le prêteur doit en informer le consommateur préalablement à la conclusion du contrat de crédit.
Informations complémentaires
Si des informations doivent être ajoutées à l'ESIS, elles devront être fournies dans un document distinct qui peut être annexé au formulaire. Il n'est donc pas question d'introduire des informations supplémentaires à l'intérieur de l'ESIS. C'est un document que les autorités européennes souhaitent voir rester totalement uniforme à l'échelle européenne.
La présomption juris tantum de bonne exécution du devoir d'information par la remise de l'ESIS
Le prêteur est présumé avoir respecté les exigences en matière d'information s'il a fourni les informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs. L'ESIS est repris en annexe II à la directive européenne 2014/17/UE et en annexe III du Livre VII du CDE. C'est une présomption juris tantum. Le consommateur peut apporter la preuve qu'une information relative à une caractéristique principale, non explicitement prévue par l'ESIS, ne lui a pas été communiquée. Vu l'exigence d'un support durable (cfr ci-dessous), la preuve à rapporter portera essentiellement sur le fait qu'il s'agit bien d'une caractéristique principale au sens des articles VI.2 ou VII.127.
Une information simplifiée et adaptée au consommateur
L'information préalable requise par l'article VII.127, se distingue du contrat lui-même comme le montrent les rubriques de l'ESIS. Ce doit être une information synthétique, immédiatement compréhensible par le consommateur et qui regroupe les caractéristiques essentielles du contrat qui sera proposé au consommateur. L'article VII.127 prévoit en outre l'obligation pour les prêteurs de fournir des explications complémentaires et adaptées lorsque cela s'avère nécessaire.
L'information à fournir doit tenir compte des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier. Il ne s'agit donc pas de fournir des informations générales comme une brochure générale de présentation des crédits généralement accordés par le prêteur. C'est au contraire une information spécifique adaptée à la situation du consommateur. Il s'agit en réalité d'extraire du contrat qui sera proposé au consommateur les informations caractéristiques que l'article VII.127 considère comme essentielles à communiquer dans la phase précontractuelle.
Quand l'information doit-elle être fournie au consommateur ?
L'information doit être communiquée dans les meilleurs délais, une fois que le consommateur a transmis les informations nécessaires concernant ses besoins, sa situation financière et ses préférences conformément à l'article VII.126 et dans les meilleurs délais avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de crédit. Dans la logique de la directive, l'ESIS fournit les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause. Il n'a pas seulement pour vocation d'informer, il tend également à permettre la comparaison. Il est donc logique qu'il soit remis au consommateur bien avant la conclusion du contrat.
Le législateur n’a pas retenu la possibilité offerte par l’article 14.4. de la directive 2014/17, qui permet aux Etats membres d’imposer la remise de l’ESIS avant la remise de l’offre (Doc. Parl, Ch. repr., Sess. 54, p. 25:«Ce projet de loi permet que le consommateur puisse également «faire ses courses» et comparer plus minutieusement l’offre de crédit. Si le prêteur veut fournir cette offre, un ESIS préalable obligatoire semble de trop»). Lors des travaux préparatoires, le Ministre s'en est expliqué en soulignant qu'il veillerait à ce que la simultanéité ne devienne pas la règle et à ce que les prêteurs fournissent ce document à temps aux consommateurs (Doc. parl., Ch. repr., Sess. 54, 1685/003, p. 8). L'objectif est que la remise de l'ESIS se fasse dans les meilleurs délais, aussitôt que les informations attendues du consommateur sont obtenues. Toutefois le deuxième paragraphe de la disposition commentée réduit fortement la portée de cette exigence: L'ESIS est fourni sur un support durable par le prêteur avant ou en même temps que la soumission de l'offre de crédit.
L'ESIS doit préciser le délai pendant lequel le prêteur est lié par les informations précontractuelles. Rien n'oblige cependant le prêteur à différer la conclusion du contrat si le consommateur ne souhaite pas solliciter des offres concurrentes. Il peut donc remettre l'ESIS et immédiatement après examen de celui-ci par le consommateur, conclure le contrat de crédit. Par contre, il serait contraire à l'article VII.127, de fournir au consommateur des informations standardisées d'une durée de validité à ce point courte que le prêteur rendrait de la sorte impossible toute comparaison avec des offres concurrentes.
Le prêteur qui entend se prévaloir de la présomption de bonne exécution du devoir d'information par la remise de l'ESIS devra veiller à conserver la preuve de la réception du document par le consommateur. Cette preuve ne peut être constituée par une déclaration du consommateur dans le contrat. Une telle disposition qui vise à retreindre les droits des consommateurs de prouver un manquement du prêteur est contraire à l'article VII.2, § 4. La preuve ne sera donc valablement constituée que par la signature par le consommateur d'une copie du SECCI pour accusé de réception.
L'ESIS est-il obligatoire ?
Les prêteurs et les intermédiaires de crédit n'ont pas le choix: l'article XV.90, 19°, sanctionne d'une peine de niveau 5, la personne qui, en tant que prêteur ou intermédiaire de crédit, ne fournit pas au consommateur l'ESIS visé aux articles VII.127 et VII.128. Cette disposition s'applique également si l'ESIS est remplacé par le SECCI.
Comment l'information doit-elle être communiquée ?
L'article VII.127 précise que l'information doit être communiquée sur un support durable. Le support durable est défini à l'article I.9, 22°, comme tout instrument permettant à une personne de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d'une manière lui permettant de s'y reporter aisément à l'avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées.
La question est ici de déterminer pendant quelle durée le support durable doit exister ? Dans la mesure où les informations précontractuelles portent sur la formation même du contrat, il faut considérer que les informations doivent être accessibles pendant toute la durée du contrat (voy. par comparaison, la durée de conservation de la preuve de la consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers, article 15 de l'arrêté royal du 21 juin 2011: jusqu'au terme du contrat).
Le prêteur peut-il se prévaloir d'une information communiquée sous une autre forme ? A supposer qu'il soit possible de rapporter la preuve de la communication d'une telle information, il faut considérer qu'elle ne peut être admise. Elle serait en effet contraire au but légal qui est - notamment - de permettre au consommateur de comparer des offres concurrentes. Les informations précontractuelles doivent donc être obligatoirement communiquées sur un support durable et sous la forme de l'ESIS (ou du SECCI pour les contrats de crédit à but mobilier).
A qui incombe le devoir d'information ?
Le devoir d'informer incombe indistinctement au prêteur et/ou à l'intermédiaire. Le prêteur qui conclut un contrat de crédit en ayant recours à un intermédiaire, devra donc s'assurer que ce dernier accomplira correctement le devoir d'information en ce compris les éventuelles informations complémentaires en raison de la situation du consommateur, du besoin exprimé par lui ou de la complexité du crédit.
Le devoir d'information est une obligation de résultat
Le devoir d'information doit se concrétiser sur un support durable. Il s'en déduit que le prêteur qui ne communique pas les informations requises dans la forme prévue par la loi, ne sera pas en mesure de prouver l'exécution de son devoir d'information. Il en résulte une forme de renversement de la charge de la preuve: à l'encontre du consommateur qui se plaint de n'avoir pas reçu l'information, le prêteur devra démontrer qu'il a remis l'information sur un support durable. La remise de l'information devient ainsi une obligation de résultat dont le prêteur ne pourra s'exonérer qu'en démontrant la force majeure ou la preuve de la remise effective au consommateur.
Les sanctions du devoir d'information
Les sanctions civiles
A l'égard du prêteur qui n'exécute pas (ou n'exécute pas correctement) l'obligation d'information (notamment la remise du SECCI) à l'occasion de la conclusion d'un contrat de crédit hypothécaire à but mobilier, le juge peut déclarer nul le contrat ou réduire les obligations du consommateur au montant du crédit prélevé et relever le consommateur de tout ou partie des intérêts de retard (VII.209, § 1, 1°). Pour un manquement identique dans le cadre d'un crédit hypothécaire à but immobilier, le juge peut condamner le prêteur au paiement unique de dommages et intérêts de 40 p.c. maximum de tous les intérêts du crédit lorsque le montant du crédit prélevé est inférieur ou égal à 20 000 euros, de 30 p.c. maximum de tous les intérêts du crédit lorsque le montant du crédit prélevé est supérieur à 20 000 euros (VII.209, § 1, 2°).
Une sanction identique peut être appliquée en cas de manquement de l'intermédiaire de crédit mais uniquement en cas de violation de l'article VII.126, § 1er, alinéa 1er (demander au consommateur des renseignements exacts et complets) et VII.129 (fournir des explications adéquates). Le manquement de l'intermédiaire au devoir de s'identifier n'est pas visé par une sanction civile.
Ces manquements pourraient en outre constituer une pratique commerciale trompeuse passible des sanctions prévues par le livre VI (voyez l'article VI.38).
Les sanctions pénales
Sont punis d'une sanction de niveau 5, ceux qui, en tant que prêteur ou intermédiaire de crédit ne fournissent pas au consommateur l'ESIS visé aux articles VII. 70 et VII. 71.
Les sanctions administratives
Les manquements aux devoirs d'information peuvent faire l'objet de sanctions administratives.