VII.76 : Le contrôle de l'identité du consommateur et du tiers garant

 

Article VII.76

Article VII.76

Le prêteur ne peut conclure de contrat de crédit, ou de contrat de sûreté qu'après vérification des données d'identification sur base et selon le cas:

- de la carte d'identité visée à l'article 6 de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques;

- du titre de séjour délivré au moment de l'inscription au registre d'attente visé à l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 2° de la loi du 19 juillet 1991 précitée;

- de la carte d'identité, du passeport ou du titre de voyage en tenant lieu, délivré à un étranger ne séjournant pas dans le Royaume, par l'Etat où il réside ou dont il est ressortissant.

Commentaire

Ratio legis

La ratio legis de cette disposition, introduite dans la LCC à l’occasion de la réforme de 2003, est de lutter contre certains abus commis par des consommateurs sollicitant des crédits au nom de tiers ou en présentant comme caution ou co-emprunteurs,des tiers ignorant de l'usage ainsi fait de leur nom. La pratique a démontré que certains prêteurs accordaient des crédits sans procéder à une vérification sérieuse de l’identité des contractants. Comme l’a souligné le Conseil de la Consommation, il est évident qu’il s’agit d’une obligation de résultat. Il n’est pas nécessaire par exemple que le prêteur exige chaque fois la production de la carte d’identité auprès des clients anciens et bien connus. Il est toutefois inadmissible que le prêteur octroie un crédit sans jamais avoir procédé à une vérification de l’identité des contractants sur base des documents visés par le § 1er ou à tout le moins sur base d’une photocopie de ces documents(Exposé des Motifs, Doc.Parl., Ch. Repr., 2001-2002, 1730/001, p. 20).

Portée de la vérification : nom, prénom, date de naissance et domicile (consommateur et tiers garant)

Le prêteur ne peut consentir de contrat de crédit qu’après vérification des données d’identification. Ces données sont celles qui sont reprises à l'article VII.78, § 2, 1 qui précise les mentions d'identification du consommateur dans le contrat de crédit. Il s'agit doncdes nom, prénom, lieu et date de naissance ainsi que le domicile du consommateur. La disposition vise également les contrats de sûreté.

Quelle est la portée de la vérification ? Il s'agit de s'assurer que les renseignements d'identification donnés par le consommateur sont bien exacts. De ce point de vue, la consultation du document original ou en photocopie serait suffisant. Selon la ratio legis avancée, il s'agit toutefois aussi de s'assurer que l'emprunteur ou la sûreté personnelle correspondent à l'identification donnée. Une demande de crédit ne peut donc, sauf circonstances exceptionnelles, être introduite par un tiers pour compte d’un consommateur et le consommateur ne peut servir d'intermédiaire pour les contacts avec la personne qui constitue la sûreté. De même, la vérification doit être faite sur des documents d’identité originaux et non des photocopies (D. BLOMMAERT, «La responsabilité du prêteur et de l’intermédiaire de crédit à la lumière de la loi du 24 mars 2003», in Actualités du droit du crédit à la consommation, Bruxelles, Fac. Univ. St Louis, 2004, p.104).

Conformément aux articles VII.116, et suivants du Code, il ne peut pas être stipulé que les consommateurs donnent mandat au prêteur pour adresser en leur nom une recherche domiciliaire aux autorités compétentes ou leur demander un extrait des registres de la population ou du registre des étrangers. Pour effectuer ces démarches, le prêteur doit disposer d'une autorisation du comité sectoriel du Registre National de la Commission pour la protection de la vie privée (article 5 de la loi du 8 août 1983 portant réglementation d'un registre national des personnes physiques). S'il dispose d'une telle autorisation, le contrat doit le préciser.

Exigence supplémentaire : le numéro du registre national

La vérification des données d'identification qu'impose la loi est d'une grande importance pour la Consultation de la Centrale des Crédits aux Particuliers, rendue obligatoire par l'article VII.77, § 1, al. 2 (et VII.149, §1er). Ce n'est que dans la mesure où les données de consultation sont correctes que la réponse de la Centrale visera la bonne personne. Selon l'article VII.150 (ancien article 5 de la loi du 10 août 2001), pour l'application de la présente loi et afin d'identifier les emprunteurs, les prêteurs utilisent le numéro d'identification du Registre national des personnes physiques. Lors de la demande d'un contrat de crédit le consommateur communique le numéro d'identification précité. Lors des vérifications d'identité, le prêteur doit recueillir le numéro du registre national en sus des données énumérées par l'article VII.76 (les données d'identification de la Centrale sont régulièrement vérifiées par rapport aux données du Registre national). L'article 2, § 2, de l'arrêté royal du 23 mars 2017 réglementant la Centrale impose la vérification des mêmes documents que ceux qui sont énumérés à l'article VII.76. Le rapport au Roi précédant cet arrêté royal précise :Il est fait référence, notamment à la demande de la Commission de la protection de la vie privée, au Registre national en tant que source authentique pour déterminer le numéro d'identification, le prénom officiel et la date de naissance.

Contrats partiellement régis

L'article VII.76 n'est pas applicable à certains contrats de crédit partiellement régis (VII.3, § 3, 1° [contrats de moins de 200 euros], VII.3, § 3, 2° [facilités de découvert remboursables dans un délai d'un mois] et VII.3, § 3, 4° [Dépassements]. La consultation de la Centrale avant tout octroi de crédit s'impose pour tous les contrats de crédit à la consommation à l'exception des contrats de crédit de moins de 200 euros et des facilités de découvert remboursables dans un délai d'un mois.

Obligation de résultat et charge de la preuve

Il s'agit d’une obligation de résultat dont la preuve de l’exécution incombe au professionnel. S’il entend prouver qu’il a satisfait à cette exigence, le professionnel doit dès lors conserver la copie du titre d’identification présenté par le consommateur lors de la demande de crédit à moins qu’il ne soit en mesure de prouver qu’il s’agit d’un client régulier et bien connu de lui dont l’identification a pu être opérée antérieurement à l’occasion d’autres opérations telle l’ouverture d’un compte bancaire par exemple.

Lorsque le contact avec le consommateur se déroule à l'intervention d'un intermédiaire, le contrôle de l'identité impose des devoirs particuliers à charge de l'intermédiaire qui sont généralement précisé dans le contrat que le prêteur conclut avec les intermédiaires avec lesquels il travaille.. Le prêteur peut ainsi imposer à l'intermédiaire des obligations spécifiques de vérification des informations communiquées par le consommateur.

Le juge de paix du premier canton de Bruxelles a condamné un intermédiaire à indemniser le prêteur des conséquences d'un crédit consenti à un consommateur qui avait communiqué une fausse identité et une fausse fiche de salaire (J.P. Bruxelles (I), 13 octobre 1994 cité par BLOMMAERT D. en NICHELS F., "Kroniek van het consumentenkrediet (1991-1994)", T.B.H. 1995, p. 944). La Cour d'appel d'Anvers a condamné au paiement du montant du crédit, l'intermédiaire qui avait effectué un contrôle sommaire (" à vue") de l'identité du consommateur (la carte d'identité avait été présentée par un tiers et l'intermédiaire s'était contenté de vérifier le régime matrimonial par téléphone) alors que le contrat conclu avec le prêteur prévoyait la responsabilité de l'intermédiaire pour l'exactitude des informations qu'il connaissait ou devait connaître (Anvers, 17 septembre 2009, R.W. 2011-2012, 185).

Sanction

L’article VII.201, al. 1er, 3°, prévoit la sanction de la réduction des obligations au profit du consommateur si les formalités prévues à l’article VII.76 concernant la conclusion du contrat n’ont pas été respectées (le juge peut relever le consommateur de tout ou de partie des intérêts de retard et réduire ses obligations jusqu'au prix au comptant du bien ou du service, ou au montant emprunté). Cette sanction est édictée au profit du consommateur et non de la sûreté. En toute hypothèse, si l’identité d’un tiers a effectivement été usurpée, celui-ci ne sera en tout état de cause pas tenu par les termes du contrat et pourra, le cas échéant, s’il démontre un défaut de vérification dans le chef du prêteur, mettre en cause sa responsabilité afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

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