Contrat de crédit lié
Définition
Commentaire
Définition
Cette définition a été introduite lors de la transposition de la directive 2008/48/CE par la loi du 13 juin 2010. Elle est la reproduction mot pour mot de la définition reprise à l'article 3, n), de la directive. Pour qu'un contrat de crédit soit lié, deux conditions doivent être remplies. Elles sont cumulatives.
Le but exclusif
Pour être un contrat de crédit lié, le contrat de crédit doit servir exclusivement à financer l'achat d'un bien ou la fourniture d'un service. Le crédit qui sert même en petite partie à d'autres fins, ne sera jamais un contrat de crédit lié. Le juge de paix de Comines-Warneton a considéré qu'est un contrat de crédit-lié, le crédit qui sert a financer l'acquisition d'une installation photovoltaïque et le paiement de l'assurance solde restant dû pour garantir le remboursement du crédit en cas d'invalidité, Il estime que le paiement de la prime d'assurance constitue un accessoire de l'objet principal unique qui est le financement de l'achat des panneaux (J.P. Comines-Warneton, 24 mai 2016, J.J.P. 2016, 504).
Mentionnés spécifiquement: biens ou de services particuliers
La définition vise des biens ou services au pluriel. Interrogée par un Etat membre, la Commission a précisé que l'usage du pluriel n'avait pas de portée particulière (Q&A, p. 8). Le but exclusif peut donc concerner l'achat d'un ou de plusieurs biens ou services. Par contre, il doit s'agir d'un achat de biens ou services particuliers. Le contrat de crédit lié vise donc un achat spécifique et non la possibilité d'acheter des biens ou services en général. Le prêt à tempérament qui vise l'achat d'un salon et d'une salle à manger chez le vendeur X est un contrat de de crédit lié même s'il vise plusieurs biens. Le prêt à tempérament qui vise l'achat de mobilier en général n'est pas un contrat de crédit lié. Pour l'achat de panneaux photovoltaïques, le juge de paix de Comines-Warneton a considéré que la mention "energy@Home"était dans les circonstances de l'espèce, suffisamment explicite de l'intention de financer l'installation de panneaux photovoltaïques d'autant que le montant nominal de l'achat correspondait exactement montant du devis d'achat et d'installation.
But exclusif et ouverture de crédit
L'ouverture de crédit consentie peut-elle être un contrat de crédit lié ? La réponse paraît devoir être affirmative si l'ouverture de crédit est proposée concomitamment à l'achat du (ou des) bien(s) ou du service(s) particuliers et qu'elle est effectivement utilisée à cette fin même si le consommateur peut, par la suite, à tout moment effectuer de nouveaux prélèvements de crédit pour acheter de nouveaux biens ou des services complémentaires auprès du même distributeur ou de la même chaîne de distribution. Ceci vaut pour le premier achat au moyen de l'ouverture de crédit. L'utilisation ultérieure ne peut plus être considérée comme une utilisation exclusive pour l'achat d'un bien particulier puisque, par définition, une autre utilisation aura déjà eu lieu. Si la carte de crédit permet d'autres fonctionnalités, comme la possibilité d'effectuer des retraits d'espèce, elle ne sert plus exclusivement à l'achat de biens et de services et ne sera pas considérée comme un contrat de crédit lié.
Former une unité commerciale
La seconde condition est de former une unité commerciale. Cette condition est réalisée lorsque:
- soit le vendeur finance lui-même le crédit au consommateur ; il agit comme vendeur-prêteur ; c'est la vente à tempérament.
- soit le vendeur intervient lors de la conclusion ou de la préparation du contrat de crédit ; le vendeur est un intermédiaire de crédit.
- soit des biens particuliers ou la fourniture d'un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit alors que le vendeur n'intervient en rien dans la négociation et la conclusion du contrat de crédit.
Les deux premières hypothèses visent des situations classiques de vente à tempérament ou de contrats de crédit pour lesquels le vendeur intervient comme intermédiaire ou comme prêteur assimilé à un intermédiaire. Dans ces cas, pour qu'il y ait contrat de crédit lié, il faut que le crédit soit consenti par ou à l'intervention du vendeur, sans qu'il y ait nécessairement un lien d'exclusivité entre le prêteur et l'intermédiaire (voy. Affaire C-509/07 - Arrêt de la Cour (première chambre) du 23 avril 2009 -Luigi Scarpelli contre NEOS Banca SpA) (VANNEROM J. "De exclusiviteitsverhouding tussen kredietgever en leverancier", note sub CJUE, 23 avril 2009, D.C.C.R. 2009 (83), 46).
Dans un arrêt du 24 janvier 2020, la Cour de Cassation a rejeté un pourvoi fondé sur l'argumentation que le jugement a quo ne démontrait pas qu'il existait des liens entre le vendeur et le prêteur prouvant une unité commerciale. Pour la Cour de Cassation: En son considérant 37, la directive précitée précise, à propos du droit de rétractation dans le cas d'un contrat de crédit lié au sens de l'article 3, n), qu’en cas de contrats de crédit liés, il existe un rapport de dépendance réciproque entre l'achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin. Il s’ensuit sans aucun doute raisonnable que l’unité commerciale objective requise doit exister, non entre le prêteur et le fournisseur ou le prestataire, mais entre l'achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin.
Est ainsi un contrat lié, le contrat de crédit destiné au financement de panneaux photovoltaïques lorsque le vendeur a pris contact avec le courtier de crédit et disposait du numéro du contrat de crédit préparé par le prêteur lors de la conclusion du contrat de vente (J.P. Comines-Warneton, 24 mai 2016, J.J.P. 2016, 504).
Il y a contrat de crédit lié, même en l'absence de toute mention dans le contrat, lorsqu'il résulte des faits de la cause, que le prêteur avait connaissance que le crédit avait pour unique but d'acheter un bien déterminé (en l'espèce des panneaux pohotovoltaïques voir la motivation voir un extrait de la motivation du jugement ). C'est à l'occasion du recours contre cette décision que la Cour de cassation a été amnenée à préciser que l'unité commerciale doit exister entre le bien et le crédit et non entre vendeur et prêteur.
La troisième hypothèse intervient de manière résiduelle, lorsque le vendeur n'a pas financé lui-même le crédit au consommateur et n'est pas intervenu comme intermédiaire pour le crédit. Même s'il n'y a pas de lien direct entre le vendeur et le prêteur, le contrat de crédit sera considéré comme lié si le contrat contient l'indication qu'il s'agit de financer l'acquisition de biens particuliers ou la fourniture d'un service particulier.
Mentionner le bien ou le service financé dans le contrat est une obligation pour le prêteur
Dans son jugement du 28 décembre 2018 évoqué plus haut, le tribunal de première instance de Liège siégeant en degré d'appel constate qu'un prêteur ne peut invoquer son ignorance du but du crédit pour justifier l'absence de mention dans le contrat: la loi sur le crédit à la consommation et, en particulier, les articles 10,11 et 15 de celle-ci, imposent le devoir de conseiller la meilleure forme de crédit eu égard au but de celui-ci et, partant, oblige le prêteur à s’enquérir du but du crédit. Le prêteur a donc un rôle actif, devant interroger adéquatement le consommateur fin d’avoir les informations nécessaires lui permettant de prendre une décision d’octroi de crédit la plus adéquate pour ce dernier. De plus, l’article 14, en son second paragraphe, au point 7, de la loi sur le crédit à la consommation impose de mentionner dans le contrat, le cas échéant, la spécification du bien ou du service financé.
Le prêteur a donc l'obligation de mentionner ce bien ou ce service dans le contrat de crédit avec l'indication du prix au comptant (TPI Hainaut (div. Mons), 23 octobre 2017, J.L.M.B. 2019/18, 837 et note M. ENGLEBERT, " Crédit lié au financement d'un bien ou d'un service particulier... une figure juridique complexe !", décision cassée par Cass., 28 mars 2019, N°C.18.0155.F (juridat); J.M.L.B., 18/2019, 828; J.T., 2019, p. 403; ). C'est ce que prévoient les articles VII.78, § 3, 2° et VII.134, § 3, 2°. Le défaut de mention peut entraîner l'application des sanctions civiles prévues aux articles VII.195 ou VII.209. Commet en outre une violation du devoir de fournir des explications complémentaires notamment sur l'absence de la protection assurée par l'article VII.91 CDE, l’intermédiaire (ou le prêteur) qui ne mentionne pas le bien financé dans le contrat de crédit.
A titre d'exemple, un contrat de crédit peut mentionner comme but du crédit: "travaux de transformation" ou " travaux de transformation selon devis n°*** , de l'entreprise ***, établi le ***". Dans le premier cas, il ne s'agit pas de financer un service précis alors que dans le second cas, le service décrit est un service particulier. Dans ce deuxième cas, même si le fournisseur n'intervient pas dans la préparation ou la conclusion du contrat, le contrat de crédit est un contrat de crédit lié.
Il ne suffit donc pas que le but du crédit soit mentionné dans le contrat (ex: achat de mobilier), ni que le crédit serve uniquement au financement d'un bien, il faut en outre qu'il s'agisse d'un bien ou d'un service particulier. Ceci explique pourquoi le prix au comptant ne doit figurer dans l'information précontractuelle et dans le contrat de crédit que s'il s'agit d'une vente à tempérament ou un contrat de crédit lié soit que le vendeur soit intervenu comme intermédiaire de crédit, soit que le crédit serve exclusivement à l'achat d'un bien ou d'un service particulier mentionné dans le contrat.
Le régime des contrats de crédit liés
Si le crédit est accordé sous forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service donné ou s'il s'agit d'un contrat de crédit lié, le prix au comptant de ce bien ou service doit figurer dans l'information précontractuelle (VII.70, 5°) et dans le contrat (VII.78, § 3, 2° et VII.134, § 3, 2). Le prêteur a l'obligation de s'informer sur le but du crédit avant de l'accorder conformément à l’article VII.69, §2. Le devoir de conseil impose en effet au prêteur de choisir, le type et le montant du crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit. Le but apparaît ainsi nécessairement dans le contrat s'il s'agit de l'achat d'un bien ou d'un service. Le concept de contrat de crédit lié est utilisé à l'article VII.92 et sert à remettre en cause de manière quasi automatique le contrat de crédit lorsque le consommateur peut remettre en cause la vente. Selon l'article VII.92
.Contrat de crédit lié et contrat de service accessoire (crédit à la consommation et crédit hypothécaire)
Le contrat de crédit lié est en réalité un contrat accessoire au contrat principal qui est l'achat d'un bien ou d'un service. Le livre VII utilise également d'autres appellations pour souligner le lien entre le contrat de crédit et d'autres contrats conclus à l'occasion du crédit. Le service accessoire lié au contrat de crédit désigne un contrat qui est un contrat accessoire au contrat de crédit lequel est alors le contrat principal. L'exemple le plus fréquent est le contrat d'assurance solde restant dû (ASRD). Ce contrat n'a d'objet que dans la mesure où un crédit est consenti.
Le Code exige que le coût de ce service accessoire lié au contrat de crédit soit repris dans le TAEG (article I.9, 41°, e) et que l'obligation de conclure ce contrat soit précisée dans la publicité (art. VII.64, § 3 et VII.124, § 1, al.2) (du moins lorsque le coût du service accessoire n'est pas repris dans le TAEG de la publicité) et dans l'information précontractuelle (SECCI: VII.70, 11° - Prospectus: VII.125, al. 2, 13° - ESIS: point 8). Les explications complémentaires doivent également porter sur les services accessoires et notamment l'indication de la possibilité ou non de résilier chaque composante séparément et les implications d'une telle procédure pour le consommateur (VII.129). Pour les contrats de crédit à la consommation comme pour les contrats de crédit hypothécaire, le contrat doit préciser les sûretés et assurances exigées (VII.78, § 3, 10° et VII.134, § 3, 10°) et les autres conditions contractuelles. Si le service accessoire est exigé par le prêteur, cette condition doit figurer dans le contrat de crédit.
Le Code prévoit pour les services accessoires une disposition équivalente à celle que prévoit l'article VII.92 pour les contrats de crédit liés: La rétractation du contrat de crédit entraîne la résolution de plein droit des contrats de services accessoires (VII.83, § 3, et VII.138, § 3)
Contrat de crédit lié et contrat annexé (crédit hypothécaire)
Le Code contient également à l'article VII.146, une définition du contrat de crédit annexé à un crédit hypothécaire. Au sens de cette disposition, le contrat de crédit annexé est nécessairement (1) un contrat d'assurance (soit solde restant dû, soit ouvrant le risque de dégradation de l'immeuble offert en garantie [par exemple une assurance incendie], soit une assurance caution), (2) exigé comme condition du crédit et (3) portant sur un crédit hypothécaire à but immobilier. Il s'agit ici aussi d'un contrat qui est un accessoire du contrat de crédit. Pour plus de commentaires, on renvoie le lecteur au commentaire de l'article VII.146.
Contrat de crédit lié et contrat adjoint (Crédit hypothécaire)
Le contrat adjoint est un contrat de service accessoire au contrat de crédit (et ne peut être qu'un contrat d'assurance-vie, un contrat de capitalisation ou une autre constitution d'épargne) dont l'objet de reconstituer le capital à l'échéance du prêt. C'est donc un contrat accessoire du contrat crédit.
Régime des contrats de crédit qui ont pour but de financer un bien ou un service sans être un contrat de crédit lié
Cette hypothèse se présentera soit parce que le but du contrat de crédit ne concerne pas exclusivement la vente d'un bien ou d'un service soit encore, parce que le bien ou le service est présenté en termes généraux. Dans ce cas, le fait pour le consommateur de renoncer à son achat, n'entraine pas automatiquement la résiliation du contrat de crédit. Pour se désister du contrat de crédit, le consommateur devra utiliser le droit de rétractation prévu à l'article VII.83 - pour autant qu'il soit encore dans le délai de 14 jours - ou rembourser anticipativement le contrat de crédit à terme (VII.96 - VII147/11), ou mettre fin au contrat de crédit à durée indéterminée selon les modalités prévues à l'article VII.98. Toutefois pour les contrats de vente de biens ou service conclus à distance, l'exercice du droit de rétractation pour la vente permet de mettre fin au contrat de crédit (VI.52, § 2)